02/08/10

Les universitaires algériennes contre les restrictions à leurs déplacements

Daho Djerbal : "Nous exigeons une séparation entre la science et la politique" Crédit image: Flickr/Damouns

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Le ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (MESRS) a publié au mois de mai une circulaire exprimant ses préoccupations que les universitaires – dont des scientifiques – puissent être amenés lors de ces réunions à "prendre des positions contraires aux intérêts nationaux". Par conséquent, l'agence entend décider de la participation ou non des scientifiques à une conférence, "en coordination avec le ministère des Affaires étrangères".

Pour Rabia Saray, sous-directrice de la formation à l'étranger et de l'intégration auprès du ministère, "certaines conférences scientifiques sont prêtes à pousser les chercheurs à exprimer des positions contraires aux politiques de l'État". Elle explique que la circulaire a été publiée le 18 mai, à la suite de rapports diplomatiques indiquant que lors d'un séminaire à l'étranger, des professeurs algériens auraient exprimé des opinions "compromettant les intérêts nationaux".

La circulaire du MESRS est intervenue à la suite d'une conférence internationale organisée au Maroc et abordant des questions liées au conflit du Sahara occidental, sujet sensible qui empoisonne les relations entre l'Algérie et le Maroc depuis des décennies.

"[Cette circulaire] ne vise pas à restreindre les mouvements des chercheurs", a déclaré Saray. "Elle ne concerne que certains événements précis".

A la fin du mois de juin, trois professeurs de l'Université Mouloud Mammeri de Tizi Ouzou se sont vus interdits de participer à deux conférences scientifiques au Maroc. "Nous nous excusons et sommes désolés de ne pas vous fournir d'explications", lit-on dans la lettre qu'ils ont reçue.

Des chercheurs et des professeurs invités n'ont pas également été autorisés à participer à des séminaires locaux.

En mai, le deuxième Forum maghrébin sur les processus démocratiques et l'édification d'un Etat moderne a été annulé par le MESRS à peine deux jours avant son ouverture à l'Université d'Alger. Aucune justification n'a été donnée.

Pour Daho Djerbal, un professeur d'histoire moderne à l'Université d'Alger-Bouzaréah, "il s'agit d'une grave violation de la liberté de mouvement et d'expression des universitaires et des chercheurs".

"Nous exigeons une séparation entre la science et la politique".

Djerbal fait partie des 350 professeurs et chercheurs qui ont jusqu'ici signé une pétition en ligne qui a commencé à circuler dans la deuxième semaine de juillet en opposition à la circulaire.

Pour Abdel Malek Rahmani, coordonnateur du Conseil national des enseignants du supérieur (CNES), la circulaire peut conduire à "la confusion et à des décisions arbitraires".

Il a laissé entendre que les signataires de cette pétition décideront de la suite des évènements, si le MESRS ne revenait pas sur sa décision d'ici le mois de septembre, date de la réouverture des universités.

La presse algérienne a rapporté que des universitaires américains et européens ont aussi demandé aux autorités algériennes d'annuler cette décision.

Le Congrès mondial pour les Etudes sur le Moyen-Orient (World Congress for Middle Eastern Studies) a ainsi déclaré que cette décision représentait une entrave à la "liberté de mouvement et d'expression qui sont à la base de toute recherche scientifique".

L'Association nord-américaine des Etudes du Moyen-Orient (Middle East Studies Association of North America), ) basée dans l'Arizona, a pour sa part jugé que la circulaire était "une violation grave de l'essence même de l'université, considérée comme un espace pour le libre-échange des idées et des informations", selon des informations parues dans le journal El Watan.