21/06/17

Du nouveau dans l’imagerie satellitaire antiacridienne

Desert locust
FAO / Karl Souza

Lecture rapide

  • Les nouvelles données concernent l’humidité des sols, laquelle annonce la végétation
  • Les services de lutte ont alors 2 à 3 mois pour agir et éviter une invasion de criquets
  • Jusque-là, les infos portaient sur l’apparition de la végétation, avec un délai d’un mois

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Des informations satellitaires d’un type nouveau vont désormais permettre aux services d’intervention d’être prévenus deux à trois mois avant une éventuelle invasion de criquets pèlerins.
 
Ce nouveau type d’informations satellitaires se rapporte notamment à l’humidité des sols. Car, celle-ci annonce la croissance de la végétation qui, elle-même, favorise l’augmentation de la population de criquets dans une zone donnée.
 
Telle est la substance d’un communiqué de presse publié ce 13 juin par l’Agence spatiale européenne (ESA) et l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO).
 
Ces deux institutions ont mis au point cette nouvelle approche en travaillant dans le cadre de leur collaboration sur les alertes rapides.
 
Une collaboration qui donne lieu à l’usage des informations produites par les satellites de la Mission d'évaluation de l'humidité des sols et de la salinité des océans (SMOS) de l'ESA.
 

“L'information ainsi obtenue nous donne une compréhension plus complète des conditions d'habitat du criquet pèlerin ; et avec ces connaissances, on peut faire de meilleures évaluations et prévisions tandis que les Etats peuvent mieux planifier leurs opérations d'enquête et de contrôle sur le terrain”

Keith Cressman
Fonctionnaire en charge des prévisions acridiennes, FAO

 
De façon pratique, explique l’ESA, "le satellite SMOS capture des images de "température de luminosité" qui correspondent aux rayonnements émis sur la surface de la terre et qui peuvent être utilisées pour obtenir des informations sur l'humidité du sol à une résolution de 50 km par pixel".
 
"En combinant cette information avec une couverture de résolution moyenne de l'instrument MODIS[1] sur les satellites Aqua et Terra de la NASA[2], l'équipe a réduit l'image à une résolution de 1 km par pixel. Les mesures sont ensuite utilisées pour créer des cartes montrant des zones présentant des conditions propices à la formation d’essaims acridiens"
 
"Avec ce nouveau produit, nous utiliserons les satellites pour savoir où le sol est suffisamment humide pour permettre la multiplication des criquets pèlerins", confie à SciDev.Net, Keith Cressman, fonctionnaire principal en charge des prévisions acridiennes à la FAO.
 
"L'information ainsi obtenue nous donne une compréhension plus complète des conditions d'habitat du criquet pèlerin ; et avec ces connaissances, la FAO peut faire de meilleures évaluations et prévisions tandis que les Etats peuvent mieux planifier leurs opérations d'enquête et de contrôle sur le terrain", poursuit l’intéressé.
 
Cette technique nouvelle a été testée avec succès en Mauritanie l’année dernière où, apprend-on, l'équipe projet a pu compter un décalage de près de 70 jours entre les signes initiaux d'humidité des sols et le moment où la résurgence a eu lieu en novembre 2016, permettant une maîtrise de la situation.
 
En témoigne Ahmed Salem Benahi, directeur de l'information au Centre mauritanien de lutte antiacridienne, cité par le communiqué de presse de la FAO : "nous avons maintenant la possibilité de connaître les risques d'une résurgence acridienne un ou deux mois à l'avance, ce qui nous aide à mieux mettre en place des contrôle préventifs".
 
Satellite imagery 
Fort du succès de cette expérience en Mauritanie, Robert Meisner, responsable de la communication sur l'observation de la Terre à l'ESA confie à SciDev.Net qu’il est question maintenant de vulgariser cette nouvelle approche de prévision.
 
"Ce produit de prévision de l’invasion acridienne par l'humidité du sol a été développé en tant que prototype, dit-il. Et nous voyons actuellement comment il pourrait être vulgarisé par le service d'information de la FAO sur le criquet pèlerin".
 
A priori cette opération ne risque pas d’être bien compliquée. Car, ajoute l’intéressé, ces informations sont en libre accès sur internet.
 
"Les bureaux nationaux de lutte antiacridienne dans les différents pays du Sahel sont équipés pour accéder aux informations satellitaires fournies par la FAO et les interpréter", affirme Robert Meisner.
 
En effet, confirme Keith Cressman, "ils ont un système d’information géographique personnalisé délivré par la FAO qu'ils utilisent pour gérer et analyser les données acridiennes et les images satellites".
 
"Nous leur assurons une formation régulière par le biais d'ateliers régionaux annuels et un support technique continu à travers des visites sur place et à distance afin qu'ils puissent utiliser cela sans problème", poursuit-il.
 
Dans un échange avec SciDev.Net, l’intéressé indique aussi que l’organisation va fournir une formation spécifique supplémentaire sur la façon d'utiliser et d'interpréter ce nouvel outil.
 

Végétation verte

 
Au demeurant, ce n’est pas la première fois que les pays vulnérables à une invasion acridienne font usage des informations satellitaires pour surveiller le comportement du criquet pèlerin.
 
Sauf que, fait observer Keith Cressman, "jusqu’ici, nous utilisions des satellites pour déterminer où il avait plu dans les zones connues comme habitats du criquet pèlerin et où il y avait une végétation verte".
 
"Ce qui signifie que les conditions favorables à l’apparition des essaims de criquets étaient déjà présentes", fait remarquer l’ESA.
 
Or, la nouvelle approche qui constitue la première technique satellitaire nouvelle utilisée par la FAO depuis 10 ans, permet de localiser, à travers l’humidité des sols, les zones où la végétation pourrait bientôt apparaître et favoriser la multiplication des criquets. Ce qui rallonge les délais d’avertissement qui, avec la première stratégie, sont d’à peine un mois.
 
Nul doute que ces techniques satellitaires seront d’une grande utilité avec par exemple un important gain de temps dans un pays comme le Niger où la surveillance se fait essentiellement par le biais de réseaux d’information acridienne agissant par simple observation sur le terrain.
 
Lors d’un reportage réalisé par SciDev.Net en décembre 2016 au Niger, Moumouni Abou, le directeur général du Centre national de lutte antiacridienne (CNLA) affirmait que "au niveau des zones grégarigènes, nous avons formé les nomades, les militaires et tous les leaders d’opinion pour qu’ils nous informent dès qu’ils constatent la présence d’un criquet".
 
Ajoutant que les informations ainsi recueillies viennent compléter le plan de surveillance du CNLA qui envoie chaque mois des équipes dans ces zones pour évaluer la situation avant de prendre une décision, en tenant compte de la météorologie qui influence aussi le développement et la reproduction du criquet.
 

Sécurité alimentaire

 
Les spécialistes font savoir que lorsqu’ils sont en petit nombre, les criquets pèlerins sont relativement inoffensifs ; mais, deviennent extrêmement redoutables dès qu’ils forment des essaims car, ils parcourent de longue distances pour dévorer les cultures.
 
Ainsi, écrit la FAO, "un kilomètre carré d'essaim contient près de 40 millions de criquets, ces derniers peuvent manger la même quantité de nourriture que 35 000 personnes en une seule journée". Ils peuvent dès lors représenter une grave menace pour la sécurité alimentaire.
 
On estime d’ailleurs que lors de l'invasion qui eut lieu entre 2003 et 2005 en Afrique de l’Ouest, plus de 8 millions de personnes furent affectées, de nombreuses cultures céréalières ravagées et jusqu'à 90 % des légumineuses et des pâturages détruits.
 
Pour assurer la veille, la FAO dispose en son sein d’un service d’information sur le criquet pèlerin qui produit régulièrement un bulletin d’information en collaboration avec les structures locales mise en place dans chaque pays vulnérable à une invasion acridienne.
 
Le dernier bulletin d’information du genre qui date du 2 juin 2017 indique que "la situation continue à être calme", malgré l’apparition de bandes larvaires en Algérie et au Maroc, et des pluies dans des zones de reproduction estivale au Mali, au Niger et en Mauritanie, etc.

Références

[1] Moderate-Resolution Imaging Spectroradiometer
[2] National Aeronautics and Space Administration