24/04/24

L’indication géographique, bouclier de la propriété intellectuelle

Penja white pepper
Des sachets du poivre de Penja avec l'estampille d'indication géographique à l'angle supérieur gauche de chaque sachet. Crédit image: SDN / A. Tchouakak

Lecture rapide

  • Pour passer en Indication géographique, un produit donné doit être attaché à une région bien délimitée
  • Ce saut intellectuel garantit l’authenticité du produit auprès du consommateur et protège la marque
  • Elle donne également des outils juridiques aux propriétaires des marques pour poursuivre les fraudeurs

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

[DOUALA] Au cours du « colloque international sur le développement des indications géographiques » qui s’est tenu à Douala du 17 au 19 avril 2024, des experts en matière de propriété intellectuelle ont souligné l’intérêt de l’indication géographique pour la production industrielle.

J’en ai retenu d’entrée de jeu que les indications géographiques (IG) sont des indices qui caractérisent un produit ayant un ancrage géographique délimité, permettant ainsi aux consommateurs de distinguer le vrai du faux et protégeant les marques contre les fraudeurs.

Selon les explications des experts, l’IG sur les produits manufacturés consiste en une estampille. Elle peut être de couleurs bleue et rouge en Europe pour les produits reconnus en IG et les appellations d’origine protégée.

“Sur chaque estampille ou logo d’indication géographique, il y a un code caché qui n’est pas visible à l’œil nu. Quand on le scanne, ce code renseigne sur l’historique du produit et ses spécificités”

René-Claude Metomo, le promoteur du poivre de Penja, Cameroun

Le produit peut aussi porter le logo de l’Organisation africaine de la propriété intellectuelle (OAPI) en Afrique (organisatrice du colloque de Douala) ou celui d’une autre institution nationale ou internationale de protection de la propriété intellectuelle.

« Sur chaque estampille ou logo d’indication géographique, il y a un code caché qui n’est pas visible à l’œil nu. Quand on le scanne, ce code renseigne sur l’historique du produit et ses spécificités », confie René-Claude Metomo, le promoteur du poivre de Penja.

Mieux, « les IG sont des produits réputés et qui doivent leurs réputation à leur histoire », précise Antoine Ginestet, responsable des indications géographiques à l’Institut national de la propriété industrielle (INPI) en France.

A titre d’exemple, les experts citent les vins de Bordeaux en France, le poivre de Penja au Cameroun, le gari Sohoui de Savalou au Bénin, le Skotch (Whisky) d’Ecosse ou encore du riz de Kovié au Togo.

« Tous ces produits ont en commun des spécificités en lien avec le terroir, un grand impact environnemental et une grande capacité collective des acteurs et un potentiel commercial énorme », fait remarquer Philippe Pedelahore du Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD).

Passer en indications géographiques, permet à ces marques de gagner en visibilité et en crédibilité auprès des consommateurs à travers le monde. Ces derniers étant rassurés de l’authenticité du produit grâce aux logos et indices IG.

Le poivre de Penja en est un exemple. « Avant, personne ne nous connaissait. Mais depuis 2013 où nous sommes passés en IG, le monde est à nos pieds », témoigne René-Claude Metomo.

Cette épice à laquelle les populations prêtent des propriétés médicinales est produite depuis de nombreuses années dans la localité de Penja près de Douala au Cameroun. Aujourd’hui, sa culture, à en croire son promoteur, occupe 3 000 km² et emploie 1500 personnes dont 60% sont de femmes.

« Auparavant, on produisait à peine 100 tonnes de poivre par an. Mais aujourd’hui, nous sommes à 700 tonnes par an et le kilo est passé de 2000 Fcfa à 4000 Fcfa. Notre produit est présent dans 17 pays membre de l’OAPI, aux États-Unis et dans l’Union Européenne. Nous prévoyons de passer à 1000 tonnes de production annuelle d’ici 2026 », confie René Claude Metomo.

Outils juridiques

Mais au-delà des avantages commerciaux et pécuniaires, j’ai appris que les indications géographiques permettent aux marques d’avoir des outils juridiques pour poursuivre les fraudeurs qui utilisent abusivement leurs produits ou leurs marques.

« Quand une association de producteurs est reconnue en IG avec un produit emblématique du pays, la répression des fraudes est plus encline à poursuivre les fraudeurs. Alors que si c’est une marque qui se bat simplement contre une autre, la justice va trancher et il n’y aura pas d’assistance des pouvoirs publics », soutient Antoine Ginestet.

Ainsi, déduisent les experts, l’IG permet de préserver l’intérêt public par la protection du consommateur contre les mauvais produits et celle de la propriété intellectuelle des producteurs. SciDev.Net a appris que pour compliquer la tâche aux fraudeurs, les codes et ses références que comporte l’IG peuvent varier d’une pièce à une autre du même produit.

Pour illustrer, Antoine Ginestet raconte que l’association de La porcelaine de Limoges s’était rendu compte à un moment donné qu’il y avait une usurpation de son nom par quelqu’un qui faisait des sites de rencontres et diluait ainsi la réputation du produit.

« L’association a attaqué cette personne devant les juridictions et elle a été condamnée. Le nom de domaine du site a ensuite été reversé à l’association », ajoute l’expert.

Pour obtenir le droit d’indication géographique, les experts conseillent aux producteurs de se constituer en association et de remplir un cahier de charges défini par les institutions compétentes et qui comprend généralement la fourniture des caractéristiques du produit, ses spécificités, son histoire, ce qui a construit sa réputation et sa délimitation géographique…

Autres articles sur le thème Propriété intellectuelle