27/05/11

L’enquête sur la R&D présente une opportunité pour développer la science africaine

La recherche en médecine a fini par prédominer dans les programmes de recherche en Afrique Crédit image: Flickr/US Army Africa

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Les pays africains disposent maintenant d’une vision d’ensemble sur leurs investissements dans la science ; il leur faudra s’en servir pour améliorer leurs politiques et s’attaquer aux priorités de développement.

La collecte de données statistiques sur les investissements réalisés à la fois par le gouvernement et le secteur privé dans la recherche et le développement (R&D) n’est pas la tâche la plus passionnante à la laquelle se trouve confrontée la communauté scientifique. En effet, ceux qui s’enthousiasment pour ces choses sont généralement appelés de manière ironique des ‘experts grands théoriciens de politique’.

Pourtant, au cours des 50 dernières années, les données sur la R&D collectées par des organismes comme le National Science Board aux États-Unis, ou l’Organisation de coopération et de développement économiques, ont constitué une partie de la base sur laquelle les pays occidentaux se sont appuyés pour formuler leurs politiques de soutien à la recherche et évaluer leur succès dans ce sens.

Pour diverses raisons, allant d’un manque de ressources à l’indifférence des politiques, les pays africains ont mis du temps à suivre cet exemple. Les statistiques, lorsqu’elles existent, sont souvent tronquées, obsolètes, voire parfois douteuses.

Raison de plus, donc, pour se réjouir de la publication cette semaine d’un rapport intitulé ‘African Innovation Outlook 2010’ (Perspective d’innovation en Afrique en 2010), qui, pour la première fois, tente de proposer une vision d’ensemble de l’activité scientifique à travers le continent africain — et la lier aux efforts visant à promouvoir le développement économique et social à travers l’innovation technologique.

Tendances générales

Ce rapport a été produit dans le cadre de l’Initiative sur les indicateurs de la science, de la technologie et de l’innovation en Afrique (ASTII). L’ASTII est financée par l’Agence suédoise de développement international et dirigée par le bureau de la science et de la technologie du Nouveau Partenariat pour le développement de l’Afrique (NEPAD), qui est devenu récemment une agence de l’Union africaine.

Ce rapport s’est appuyé sur des données recueillies auprès de 13 des 19 pays africains qui ont soutenu l’initiative : l’Algérie, l’Angola, le Burkina Faso, le Cameroun, l’Egypte, l’Ethiopie, le Gabon, le Ghana, le Kenya, le Lesotho, le Malawi, le Mali, le Mozambique, le Nigeria, le Sénégal, l’Afrique du sud, la Tanzanie, l’Ouganda et la Zambie.

Bien que ceux-ci représentent moins de la moitié des membres de l’Union africaine, les données qu’ils ont fournies suffisent à identifier certaines tendances générales.

Les études bibliométriques des 19 pays couverts, par exemple, montrent que, bien que la recherche agricole ait dominé les agendas de recherche des pays africains dans les années 1990, la recherche en médecine et dans d’autres sciences de la vie est devenue, depuis peu, dominante. Nombreux sont ceux qui diront que ce changement d’équilibre devrait être corrigé dans l’intérêt de la sécurité alimentaire.

Tout aussi révélateur est le constat d’après lequel la plupart des pays où l’enquête a été effectuée n’investissent qu’entre 0,20 pour cent et 0,48 pour cent de leur produit national brut dans la R&D — bien au-dessous des 1 pour cent approuvés par le comité exécutif de l’Union africaine lors d’une réunion qui s’est tenue à Khartoum en 2006 . Seulement trois pays affirment avoir dépassé cet objectif : le Malawi, l’Ouganda et l’Afrique du sud.

La conclusion générale, qui postule que "les rares pays africains où la production scientifique est considérable et même en augmentation ne sont pas aussi productifs que les pays en développement ailleurs dans le monde" doit être soumise à tous les présidents africains engagé à œuvrer pour la prospérité et le bien-être de ses compatriotes.

Des hauts et des bas

Mais tout n’est pas sombre. L’un des avantages de ce type d’enquête est qu’elle permet de mettre en évidence les éléments positifs qui font avancer les choses – et d’utiliser cette information pour encourager les autres à suivre.

Par exemple, l’enquête montre que le Nigeria consacre une proportion impressionnante de son financement de la R&D à la recherche fondamentale (36 pour cent), et ce pourcentage est également relativement élevé en Afrique du sud (21 pour cent) et en Tanzanie (19 pour cent).

En revanche, le Malawi, le Mozambique et l’Ouganda ne consacrent que 10 pour cent de leurs investissements dans la R&D à la recherche fondamentale. Les investissements dans la recherche appliquée représentent 59 pour cent du financement de la R&D en Ouganda, 60 pour cent au Malawi, et 83 pour cent au Mozambique.

Des pays comme l’Afrique du sud et le Sénégal ont un nombre relativement élevé de titulaires de doctorat au sein de leurs personnels de R&D (32% et 26% respectivement), mais d’autres pays — notamment le Ghana, le Malawi, le Mali et le Mozambique – ont de moins bons résultats dans ce domaine.

Le rapport souligne cependant que cela "ne signifie pas nécessairement que les projets de recherche dans ces pays sont menés par des personnels en R&D moins compétents ", ajoutant que ce domaine garantit des recherches plus poussées.

Possibilité d’amélioration

Ce rapport comporte indubitablement des faiblesses, comme l’admettent ses auteurs, qui présentent la première phase du programme de ASTII comme un mécanisme d’apprentissage.

L’un de ses défauts évidents, par exemple, est la couverture incomplète des pays africains. Dans la phase suivante, qui a été lancée à Addis-Abeba cette semaine, l’objectif est de couvrir beaucoup plus de pays.

Un autre inconvénient est que, en tant que vision d’ensemble unique sur les investissements dans la R&D, l’enquête ne peut pas montrer les tendances au fil du temps. Le prochain rapport, nous l’espérons, résoudra ce problème.

D’autres limites reflètent les difficultés rencontrées par ceux qui collectent les données. Les chercheurs admettent que, dans de nombreux pays, un problème majeur est l’absence de lignes budgétaires nationales pour les investissements dans le domaine de la recherche et l’absence d’appui financier de remplacement pour la science au niveau national.

Cela, disent-ils, "limite la portée des activités du programme et peut affecter la viabilité des données régulières de R&D et de l’innovation produites par les pays et les institutions africains".

Quelles que soient ses limites, cependant, ce rapport propose aux décideurs politiques africains une source précieuse de données à exploiter pour trouver des arguments pour des investissements plus importants dans la recherche scientifique — et l’introduction de politiques visant à assurer que les résultats sont utilisés.

Rien ne garanti qu’ils le feront. Mais ils ne pourront plus prétexter l’absence d’informations pour justifier leur inaction.

David Dickson
Directeur, SciDev.Net

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