06/04/23

L’usage de l’eau plate suffit pour soigner la conjonctivite

Eye checking
Un ophtalmologue inspectant l'oeil d'une patiente. Crédit image: ravinems de Pixabay

Lecture rapide

  • En lavant les yeux malades à l’eau plate, la durée du traitement se situe autour de sept jours
  • Les ophtalmologues déconseillent au passage l’usage très répandu de l’eau salée, citronnée ou glacée
  • Une bonne hygiène des mains peut aussi aider à prévenir la survenue de cette maladie

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[DOUALA] Une étude réalisée à l’hôpital régional de Garoua dans le nord du Cameroun, et publiée dans la revue « Médecine d’Afrique noire », révèle que les patients atteints de conjonctivite infectieuse, peuvent utiliser de l’eau plate et propre pour soigner les formes simple et banale de la maladie.

En plus du lavage oculaire, les chercheurs conseillent aux patients une bonne hygiène des mains.

L’étude a été réalisée sur un échantillon de 235 patients qui présentaient des signes de la conjonctivite. A savoir 60% des patients qui montraient des sécrétions muco-purulentes ou purulentes avec agglutination des cils au réveil, 31,49% avec rougeur oculaire et 15,74% avec larmoiement.

Parmi ceux-ci, 115 (48,94%) étaient des hommes et 120 (soit 51,06%) des femmes; et l’âge moyen pour les deux sexes était de 10 ans.

“Le sel, le citron et l’eau glacée irritent ou brûlent la surface oculaire, déstabilisant le film lacrymal. Ce qui entraine une sécheresse oculaire et une grande exposition de la surface oculaire aux infections”

Herman Ngouffo Fofé, hôpital protestant de Mbouda, Cameroun

Ayant réalisé l’étude pendant la pandémie à coronavirus, Bra’ Eyatcha Bimingo qui a conduit l’équipe de chercheurs précise que « Parmi les patients, aucun n’avait réalisé le test à coronavirus en cette période de pandémie et une seule patiente avait présenté une fièvre à 38,9°C ».

Mais le diagnostic de la patiente avait plutôt révélé le paludisme en plus de la conjonctivite.

Pour les traitements, les chercheurs expliquent qu’ils ont administré un lavage oculaire chez 207 patients soit 88% et le reste, a eu droit en plus à l’administration d’un antibiotique local.

L’antibiotique le plus administré était fait à base de quinolones et l’autre était la rifamycine collyre et/ou pommade.

Au bout de 5, 7 et 9 jours au plus, 60% des patients étaient complètement guéris, selon les chercheurs. Un résultat qui fait dire à ces derniers que la solution à la conjonctivite infectieuse se trouve dans le lavage oculaire et la prise d’antibiotiques dans de rares cas.

Interrogé sur les résultats de cette étude, l’ophtalmologue Herman Ngouffo Fofé, en service à l’hôpital protestant de Mbouda au Cameroun, se dit surpris de la durée moyenne du traitement qui est de 6 jours. Dans la pratique dit-il, « il faut au moins 10 jours pour une guérison totale ».

C’est ce qui explique selon lui le taux de guérison qui est seulement de 60%, « je me serais attendu à beaucoup plus dans le cadre de cette étude », affirme Herman Ngouffo Fofé.

Hygiène des mains

Après ses études de spécialisation à l’Institut ophtalmologique tropicale d’Afrique à Bamako au Mali, Godefroy Koki, en service à l’hôpital militaire de Douala, avait fait une étude sur la limbo-conjonctivite endémique des tropiques toujours dans la partie chaude (septentrion) du pays.

Il confirme effectivement que le lavage oculaire peut aider à soigner les formes simples de la conjonctivite.

« Le plus simple c’est de laver les yeux avec de l’eau plate et propre. C’est un bon début de traitement. En lavant simplement comme vous vous lavez la face le matin, l’eau va rentrer naturellement dans les yeux et nettoyer. Pas besoin de forcer quoi que ce soit au risque de toucher des parties sensibles. Et même quand vous allez en consultation, le médecin vous demande de continuer à laver », confie-t-il à SciDev.Net.

Sur la durée du traitement, le colonel le situe également à 7 jours pour des cas de conjonctivite simple.

Tous les spécialistes s’accordent sur le fait qu’une bonne hygiène des mains peut aider à prévenir la conjonctivite qui est une maladie liée aussi à l’environnement et à la saison sèche.

A Garoua dans la partie septentrionale du Cameroun où l’étude a été réalisée, les vents secs qui soulèvent la poussière à une certaine période de l’année sont à l’origine de nombreux cas de conjonctivite.

Eau citronnée, salée ou glacée

Sur les pratiques courantes qui se font dans les quartiers pour soigner la maladie, Godefroy Koki appelle à la vigilance. Le chercheur proscrit fermement le lavage des yeux avec de l’eau citronnée, salée ou glacée

« Quand vous mettez de l’eau salée dans les yeux, l’eau s’évapore par la suite et la concentration de sel reste. Tout comme le glaçage des vaisseaux qui n’est que pour quelques minutes. De l’eau plate et propre suffit », insiste-t-il.

Selon les explications de l’ophtalmologue Herman Ngouffo Fofé, l’œil devrait être dans un milieu neutre. Car, mis en contact avec des produits acides comme le citron ou salé comme du sel ou tout simplement de l’eau impropre, il pourrait être irrité.

Si le médecin note par ailleurs que « le sel et le citron ont des propriétés antiseptiques et l’eau glacée a une propriété anti-inflammatoires », il souligne que ces produits demeurent dangereux pour les yeux.

Parce qu’ils « irritent ou brûlent la surface oculaire, déstabilisant le film lacrymal (qui est un protecteur pour les yeux). Ce qui entraine une sécheresse oculaire et une grande exposition de la surface oculaire aux infections », explique l’ophtalmologue.Les conséquences de ces pratiques peuvent aller jusqu’au développement chez le patient d’une kératite qui est une infection de la cornée (cette membrane qui recouvre l’œil) susceptible de se compliquer et nécessiter une opération chirurgicale ou entraîner la cécité.

Bien que l’étude ne les ait pas mentionnées, Alain Auzemery, ophtalmologiste consultant qui fait partie du conseil d’administration de l’OPC (Organisation pour la prévention de la cécité), attire l’attention sur les conjonctivites néonatales.

« Elles surviennent dans les premiers jours de la vie. Le germe responsable le plus fréquent et le plus grave est représenté par Neisseria gonorrhoae (gonocoque) qui contamine l’enfant lors de l’accouchement ; l’infection conjonctivale se complique rapidement d’une atteinte cornéenne évoluant vers la perforation de l’œil », explique Dr Alain Auzemery.

C’est ce qui justifie selon lui, l’application systématique des collyres antibiotiques aux enfants dès leur naissance.