19/05/22

La chirurgie de la cataracte peut réduire les risques de démence

Cataract
Un œil atteint de la cataracte. Crédit image: Community Eye Health (CC BY-NC 2.0)

Lecture rapide

  • Les patients opérés de la cataracte ont 30 % de risque en moins de développer une démence
  • La chirurgie de la cataracte peut prévenir la perte de vision et réduire le risque de démence
  • Toutefois, des recherches supplémentaires sont recommandées pour valider les résultats de l’étude

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[YAOUNDE] Selon une étude publiée dans le Journal of the America Medical Association (JAMA), une revue scientifique éditée par l’American Medical Association (AMA), les opérations de la cataracte peuvent réduire les risques de développer une démence chez les personnes âgées.

Pour obtenir ce résultat, les chercheurs ont analysé la relation entre la chirurgie de la cataracte et le risque de démence chez 3 038 adultes âgés de 65 ans ou plus atteints de la cataracte ou du glaucome.

« La cataracte est un processus naturel de vieillissement de l’œil et touche la majorité des personnes âgées qui présentent un risque de démence », explique Cecilia Lee, professeur associée au département d’ophtalmologie de l’université de Washington aux Etats-Unis et coauteure de l’étude, interrogée par SciDev.Net.

“Les chercheurs tentent activement de comprendre la relation entre le vieillissement de l’œil et le vieillissement du cerveau. Il est possible qu’une meilleure vision permette aux patients de s’engager plus pleinement dans le monde, ce qui pourrait avoir un effet protecteur contre le développement de la démence”

Cecilia Lee, université de Washington, Etats-Unis

Elle relève que la perte sensorielle, y compris la vision et l’audition, intéresse la communauté des chercheurs en tant que facteur de risque modifiable de démence, et aussi en tant que point d’intervention potentiel.

Comme la chirurgie de la cataracte améliore la fonction visuelle, poursuit-elle, « nous avons émis l’hypothèse que les personnes âgées qui subissent une opération de la cataracte pourraient avoir un risque moindre de développer la maladie d’Alzheimer et la démence ».

Aucun participant ne souffrait de démence au début de l’étude. Ils ont été suivis tous les deux ans jusqu’à l’apparition d’une démence (toutes causes confondues, maladie d’Alzheimer ou maladie d’Alzheimer et démence apparentée).

Les principaux résultats obtenus montrent que « les participants atteints de cataracte qui ont subi une opération de la cataracte avaient un risque inférieur de près de 30 % de développer une démence, toutes causes confondues, par rapport à ceux qui n’ont pas subi d’opération, et cette diminution du risque a persisté pendant au moins une décennie après l’opération », affirme Cecilia Lee.

Etude solide

C’est une étude solide et les résultats semblent valables, d’autant plus que des études antérieures sont arrivées à des conclusions similaires, se réjouit Robert Shmerling, rhumatologue et professeur associé à la faculté de médecine de l’université de Harvard aux Etats-Unis.

« Les résultats sont remarquables et potentiellement importants, tout d’abord parce qu’il s’agit de la preuve la plus solide à ce jour de l’existence d’un effet protecteur de la chirurgie de la cataracte sur le risque de démence – il pourrait s’agir d’un avantage de la chirurgie qui est sous-estimé », déclare-t-il.

En outre, « les résultats ont des implications pour la prévention potentielle de deux problèmes majeurs chez les personnes âgées : la chirurgie de la cataracte peut prévenir la perte de vision et réduire le risque de démence », ajoute ce dernier.Cependant, Franck Belinga Bilongo, étudiant en médecine et stagiaire en ophtalmologie au Centre hospitalier universitaire de Libreville au Gabon, émet des réserves sur les résultats de cette étude.

Ce dernier a du mal à comprendre comment l’opération de la cataracte peut avoir un impact sur la survenue de la démence.

« La démence est d’abord causée par la dégradation du système nerveux central. Donc, les pathologies qui peuvent dégrader le système nerveux sont les maladies systémiques comme le lupus et autres qui peuvent toucher le système nerveux », explique-t-il.

Pour lui, « une opération de la cataracte n’a pas vraiment de risque…le seul risque potentiel, c’est la vieillesse. Comme les deux pathologies peuvent survenir chez les vieux, on peut associer souvent un risque comme tel… »

Cecilia Lee reconnait qu’il est assez difficile de comprendre les mécanismes potentiels qui pourraient expliquer cette association.

« Les chercheurs tentent activement de comprendre la relation entre le vieillissement de l’œil et le vieillissement du cerveau. Il est possible qu’une meilleure vision permette aux patients de s’engager plus pleinement dans le monde, ce qui pourrait avoir un effet protecteur contre le développement de la démence », précise-t-elle.

L’enseignante ajoute que « la chirurgie de la cataracte pourrait également permettre une meilleure qualité de l’entrée sensorielle dans la rétine et donc améliorer les stimuli du cerveau ».

Bénéfice mondial

Les résultats de l’étude suggèrent que la santé oculaire est importante chez les personnes âgées et que l’amélioration de l’acuité visuelle et de la fonction visuelle peut avoir un certain effet protecteur contre le développement de la démence.

« Ces résultats sont particulièrement pertinents pour les pays dont la démographie est vieillissante. La recherche suggère que la perte sensorielle chez les personnes âgées, qu’il s’agisse de la perte d’audition ou de vision, contribue au développement de la démence », estime Cecilia Lee.Pour Robert Shmerling, cette étude peut être utile dans le monde entier « car les efforts visant à améliorer l’accès à la chirurgie de la cataracte peuvent se référer à cette étude pour créer un argument plus fort : non seulement un pays doit prendre en compte la perte de vision liée à la cataracte parmi ses citoyens, mais la souffrance et les coûts de la démence doivent également être pris en compte », argumente ce dernier.

« Sur la base de ces nouvelles recherches, il pourrait apparaître que redoubler d’efforts pour rendre la chirurgie de la cataracte disponible est une solution économique (sans oublier qu’elle est plus juste et plus humaine) », conclut-il.

Didier Demassosso, psychologue clinicien au réseau mondial Healthcare Information For All (HIFA), estime d’ailleurs que la cataracte et la démence ne sont pas les problèmes de santé aussi pressants en Afrique que sur les autres continents.

« Dans des années, la population africaine sera vieillissante…L’étude est pertinente dans un contexte où les problématiques sont liées à une population vieillissante… Si l’extraction de la cataracte permet de réduire les risques de démence qui est un vieillissement au niveau neurologique et cérébral, c’est une très grande avancée dans le domaine de la santé publique », déclare le psychologue.

Toutefois, Cecilia Lee rappelle que des recherches supplémentaires sont nécessaires pour valider les résultats de l’étude et pour comprendre les mécanismes qui expliquent pourquoi des associations aussi fortes entre la chirurgie de la cataracte et la réduction du risque de démence ont été observées.