11/10/23

L’épilepsie fait plus de morts chez les séniors d’Afrique de l’Ouest

Personnes âgées
Les séniors d'Afrique de l'Ouest et de l'Est souffrant d'épilepsie meurent plus que ceux des autres régions du monde. Crédit image: Bhakua (CC BY 2.0 )

Lecture rapide

  • L’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est ont la mortalité liée à l’épilepsie la plus élevée au monde
  • Près de 70% des personnes atteintes d’épilepsie n’ont pas accès au traitement dont elles ont besoin
  • Les pouvoirs publics doivent augmenter les fonds pour renforcer la recherche et le niveau des soins

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Les personnes âgées en Afrique subsaharienne souffrent d’une charge de morbidité et d’une mortalité liées à l’épilepsie plus importantes, comparativement à l’ensemble de la population mondiale.

C’est le résultat d’une nouvelle étude intitulée « Epilepsie chez les seniors en Afrique subsaharienne : Analyse de la base de données de la Charge mondiale de morbidité », publiée en septembre par une équipe de chercheurs.

Leur principal objectif était de caractériser l’incidence, la prévalence, le taux de mortalité et la charge de morbidité de l’épilepsie idiopathique chez les seniors en Afrique subsaharienne, aucune étude ne s’étant jusqu’ici intéressée à cette question.

“Une fois que l’on a identifié les obstacles clés qui expliquent les différences observées, la formation et le soutien peuvent jouer un rôle important pour que les pays d’Afrique subsaharienne puissent traiter activement et de façon efficace l’épilepsie idiopathique chez les seniors”

Nithin Gupta, université Campbell

Nithin Gupta, l’un des auteurs de l’étude, étudiant en médecine ostéopathique à l’Ecole universitaire d’ostéopathie à Campbell , aux Etats-Unis, a expliqué à SciDev.Net que l’école de neurochirurgie et de neurologie de Duke (DGNN) qui fait partie du département de neurochirugie de l’université de Duke  avait effectué auparavant des études sur l’épilepsie en Afrique.

Selon ses explications, ces enquêtes menées à petite échelle ont mis en évidence la méconnaissance qu’ont les gens de cette maladie, et partant, une lacune certaine dans les soins apportés aux patients.

En utilisant la base de données de la charge mondiale de morbidité pour la période allant de 1990 à 2019, les chercheurs ont recueilli des données sur les seniors – les personnes âgées de 55 ans et plus – de toutes les régions d’Afrique subsaharienne.

La charge de morbidité a été évaluée par un indice qui combine le nombre d’années de vie perdues et le nombre d’années vécues en mauvaise santé en raison d’une pathologie. Pour l’année 2019, cet indice est le plus élevé en Afrique de l’Ouest (176,5 pour 100 000), puis en Afrique australe et centrale (respectivement 167,2 pour 100000 et 161,2 pour 100 000), et en Afrique de l’Est (135,6 pour 100 000).

Concernant la prévalence, c’est l’Afrique australe et l’Afrique de l’Ouest qui présentent le taux le plus élevé ; l’Afrique australe a aussi l’incidence la plus élevée, tandis que c’est en Afrique de l’Ouest que la mortalité est la plus forte. Enfin, c’est en Afrique centrale que l’incidence et le taux de mortalité sont les plus faibles.

50 millions d’épileptiques dans le monde

En revanche, quand chacune des régions d’Afrique subsaharienne est comparée aux autres populations mondiales pour la période allant de 1990 à 2019, les résultats montrent que l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est ont le taux de mortalité le plus élevé.

Par ailleurs, les taux de chacune des régions subsahariennes sont plus élevés que la moyenne mondiale (2,9 pour 100 000). L’incidence et l’indice combinant le nombre d’années de vie perdues et le nombre d’années vécues en mauvaise santé sont les plus élevés en Afrique de l’Ouest.

Pour Nithin Gupta, le plus alarmant et le plus surprenant dans ces données, ce sont les différences importantes des taux de mortalité entre les régions d’Afrique. « Je ne m’attendais pas à trouver les mêmes taux dans toutes les régions, mais les différences observées sont importantes… », dit-il.

L’OMS estime à plus de 50 millions le nombre de personnes atteintes d’épilepsie dans le monde dont près de 80% qui vivent dans des pays à revenu faible et intermédiaire, et plus de 70% d’entre elles n’ont pas accès au traitement dont elles ont besoin.

Interrogé par SciDev.Net, Nicholas Aderinto,  chercheur nigérian et auteur de l’article intitulé « Comment gérer la charge de morbidité liée à l’épilepsie en Afrique : comprendre les défis et améliorer les soins », estime que l’étude est d’une importance considérable et qu’il y a un besoin urgent d’autres études de ce type, portant plus particulièrement sur la population plus jeune.

« De solides preuves scientifiques obtenues à partir d’études de ce genre sont indispensables pour améliorer la qualité des soins apportés aux personnes souffrant d’épilepsie. Sans ces éléments, il peut être difficile de progresser en termes de prestation de soins de santé et de services », affirme Nicholas Aderinto.

Données fiables

Un point de vue partagé par Fred Keya, promoteur de la Fondation Kiserem Epilepsy au Kenya. Il précise que cette étude est très importante parce qu’elle montre que les seniors de chaque région d’Afrique subsaharienne souffrent plus de l’épilepsie idiopathique que leurs homologues ailleurs dans le monde, ce qui est préoccupant.

« A mon avis, nous manquons de données fiables sur les personnes souffrant d’épilepsie sur le continent, que ce soit au niveau des petits hôpitaux ou des plus grands, sur le nombre de personnes porteuses du VIH qui sont atteintes d’épilepsie. En Afrique de l’Est et en particulier au Kenya, nous ne disposons pas d’une base de données fiable pour effectuer ces travaux. », soutient-il.

Au vu des conclusions de l’étude, Nothin Gupta pense qu’identifier la cause des différences observées entre ces régions et les facteurs qui y contribuent, constitueraient un bon point de départ.

« Une fois que l’on a identifié les obstacles clés qui expliquent les différences observées, la formation et le soutien peuvent jouer un rôle important pour que les pays d’Afrique subsaharienne puissent traiter activement et de façon efficace l’épilepsie idiopathique chez les seniors », déclare-t-il.

Il poursuit en précisant qu’« il faudra aussi informer les patients et les personnels de santé en Afrique sur les causes de l’épilepsie et son traitement, avec une attention particulière pour les pathologies qui pourraient coexister chez les seniors ».

Nicholas Aderinto souligne pour sa part qu’« il est impératif de redoubler d’efforts en matière de recherche et de sensibilisation. Il est par ailleurs crucial d’admettre que pour prendre des mesures efficaces dans ce domaine, les instances gouvernementales doivent d’abord débloquer davantage de fonds ».

Le chercheur ajoute qu’il est important que les pouvoirs publics augmentent leur soutien aux chercheurs pour faire progresser la recherche et rehausser le niveau des soins.