06/03/18

Un test de paludisme en deux minutes

Prince Andrew speaking at Matibabu
Le Prince Andrew prononce une allocution d'ouverture à Pitch@Palace Africa 2.0 Crédit image: SDN/Anita Makri

Lecture rapide

  • Un test contre le paludisme remporte un Prix, sous le parrainage du Prince Andrew du Royaume-Uni
  • L'appareil, mis au point par de jeunes Ougandais, devrait encore faire l'objet d'essais cliniques
  • Il signale un 'changement de paradigme' des méthodes de diagnostic dans les communautés

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Les principes du magnétisme et de la lumière ont été mis à contribution dans la mise au point d'un test qui permet de diagnostiquer le paludisme en moins de deux minutes, sans prise de sang.
 
Le nouveau test, qui n'a pas encore été soumis à des essais cliniques, a remporté un prix pour les entrepreneurs, sous le parrainage du prince Andrew, la semaine dernière (28 février).
 
"Ce que nous essayons de faire, c'est de combler le fossé entre les communautés locales et un diagnostic efficace", a déclaré Shafik Sekitto, ingénieur ougandais et co-concepteur de l'appareil, dans une interview accordée à SciDev.Net.
 
Pitch@Palace Africa 2.0, un événement organisé par le duc d'York, en partenariat avec le Prix de l'Académie royale d'ingénierie pour l'Afrique, a été lancé en 2014 pour aider les entrepreneurs des secteurs de la technologie et de l'ingénierie à trouver des soutiens potentiels tels que les dirigeants d'entreprises, PDG, mentors et autres partenaires commerciaux.
 
Lors de la cérémonie de remise des prix au St. James's Palace de Londres, quinze innovateurs du continent ont chacun eu trois minutes pour présenter leur produit – des inventions ciblant les défis de portée mondiale en matière de santé, d'agriculture, d'énergie, d'éducation et de finance.
 
Shafik Sekitto, un ingénieur ougandais, a développé l'innovation phare, le Matibabu, pour faciliter le diagnostic du paludisme.
 
L'Afrique supporte le poids du fardeau mondial du paludisme, avec environ 90% des cas et des décès.
 
Shafik Sekitto a travaillé à la mise au point de l'appareil avec six de ses amis de l'Université Makerere, en Ouganda.
 
Ils ont construit un prototype en combinant leurs compétences en ingénierie, en informatique et dans le monde des affaires, avec le soutien de conseillers spécialisés en parasitologie et en physique.
 
Le Matibabu utilise les principes de la lumière et du magnétisme pour différencier le sang d'une personne infectée de celui d'une autre en bonne santé.
 
Contrairement aux tests de référence qui fonctionnent en détectant des molécules produites par le parasite du paludisme, le Matibabu émet de la lumière polarisée pour détecter les cristaux d'hémozoïne, qui sont des sous-produits excrétés par le parasite.
 
Il le fait en moins de deux minutes, soit quatre fois la vitesse du test le plus rapide disponible sur le marché, selon l'ingénieur.
 
L'appareil, qui se clipse sur les doigts d'un patient, compile ses résultats avant que ces derniers ne soient envoyés à un téléphone portable. "C'est juste un dispositif plug and play", a-t-il déclaré à SciDev.Net.
 
Selon Philip Rosenthal, professeur à l'école de médecine de l'Université de Californie et président du comité consultatif scientifique du Réseau international sur la résistance aux antipaludiques (WARN – Worldwide Antimalarial Resistance Network), les tests rapides de paludisme donnent déjà des résultats rapides, sans équipement spécialisé.
 
Mais la véritable percée dans le Matibabu est qu'il ne nécessite pas d'échantillon de sang, estime-t-il, de sorte qu'un patient pourrait potentiellement tester la maladie par lui-même, à la maison.
 
"C'est vraiment un changement de paradigme pour le paludisme, de pouvoir faire un diagnostic hors clinique", estime encore Philip Rosenthal. "Cela pourrait être génial, mais je pense que nous devrions avancer lentement et prudemment dans cette direction."
 
En attendant, la priorité est d'évaluer rigoureusement l'appareil et de le mettre en perspective avec d'autres diagnostics utilisés à travers l'Afrique.
 
À l'heure actuelle, il peut détecter avec précision quatre cas de maladie sur cinq, ce qui, selon Philip Rosenthal, est "préoccupant", car 20% des cas passeraient par la trappe. Il est crucial d'avoir une évaluation détaillée de sa sensibilité et de ses spécificités, souligne-t-il.
 
Selon Kevin Marsh, professeur à l'Université d'Oxford, président du comité consultatif de la politique antipaludique de l'OMS et ancien directeur du programme KEMRI Wellcome au Kenya, la possibilité de diagnostiquer rapidement le paludisme par une technique non invasive serait très excitante.
 
Kevin Marsh estime que "la clé maintenant est de montrer dans des essais soigneusement menés que cette approche a des performances comparables aux méthodes couramment utilisées actuellement".
 
L'équipe à l'origine de Matibabu vise à commercialiser le kit dès l'année prochaine. "Nous nous dirigeons vers des essais cliniques au cours des prochains mois, où nous validerons notre appareil et serons en mesure d'obtenir les certificats médicaux idoines et les licences nécessaires à la commercialisation", déclare Shafik Sekitto.
 
Selon Pitch@Palace, les lauréats des éditions précédentes ont augmenté leurs revenus et leurs capacités ou établi de précieux contacts. "J'ai rencontré beaucoup de gens qui peuvent m'aider à mettre ce produit sur le marché", a déclaré Shafik Sekitto après l'événement.
 
Les 15 start-ups qui ont participé à l'événement ont reçu des conseils et seront inscrites au prix de l'Académie royale d'ingénierie pour l'Afrique. Un lauréat devrait être annoncé au printemps.


Cet article a été soutenu par The Rockefeller Foundation Bellagio Center. Pendant près de 60 ans, le Centre Bellagio a soutenu des individus travaillant pour améliorer la vie des personnes pauvres et vulnérables à travers ses programmes de conférence et de résidence, et a servi de catalyseur pour des idées, des initiatives et des collaborations transformatrices.

 

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