11/08/09

Les populations locales indispensables à la biotechnologie en Afrique

Agriculture and Biology
Crédit image: Flickr/Smithsonian's National Zoo

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Selon la socio-économiste Wilhemina Quaye, les tentatives d’introduction de la biotechnologie en Afrique doivent prendre en compte les besoins et les valeurs des populations locales.

L’Afrique a longtemps débattu du développement et de l’utilisation des biotechnologies, telles que les organismes génétiquement modifiés.

Les partisans de ces techniques arguent de leur capacité à résoudre les défis économiques, sociaux et environnementaux, en soulignant par exemple leurs avantages dans le domaine de la nutrition ou pour l’environnement grace à la réduction de l’utilisation des pesticides.

Les critiques mettent l’accent sur la faiblesse du financement public disponible, les problèmes liés aux droits de la propriété intellectuelle, la limitation des compétences humaines, la mauvaise qualité des infrastructures et les questions de biosécurité.

Mais c’est la question relative à la manière dont les réalités socioculturelles africaines affectent le développement des biotechnologies qui a été largement absente des débats.

Pour etre sur que la biotechnologie est appropriée, efficace et durable, ses utilisateurs potentiels doivent s’impliquer dans son développement, et améliorer leurs capacités plutôt que de créer des liens de dépendance.

Par exemple, les communautés doivent etre habilitées à utiliser les biotechnologies pour produire les aliments cultivés sur place, plutôt que de dépendre des importations.

Mes propres recherches sur les technologies alimentaires communautaires au Ghana indiquent que les populations adoptent plus facilement les technologies si elles sont impliquées dans leur développement et si elles ont une influence sur les décisions qui ont un impact sur ces technologies. 

Pour ce faire, les chercheurs et les décideurs doivent comprendre parfaitement les intérêts et les préoccupations du public à travers une analyse socioculturelle.
 

Les Facteurs locaux


L’analyse socioculturelle, parfois appelée analyse des parties prenantes ou des institutions – comporte plusieurs étapes.

La première est l’identification et la caractérisation des groupes et des institutions cibles concernés ou affectés par le développement de la biotechnologie.

Parmi ces derniers figurent les petits exploitants agricoles, les transformateurs et les consommateurs généraux. Ceci permet d’identifier les facteurs qui entravent l’accès aux biotechnologies et leur utilisation par les populations locales.

 

Ceci est particulièrement important pour les projets de recherche et développement en biotechnologie destinés à combattre la pauvreté.

Dans la recherche et développement en biotechnologie végétale destinée à combattre l’insécurité alimentaire doivent être impliqués les petits exploitants agricoles qui possèdent les ressources génétiques et les connaissances locales essentielles à la préservation de la biodiversité et à l’évaluation de la pertinence de nouvelles variétés végétales mais aussi les chercheurs et les vulgarisateurs qui jouent un role déterminant dans le développement, la vulgarisation et l’adoption de la technologie.

Deuxièmement, l’analyse socioculturelle implique la compréhension en profondeur des cultures et des identités des bénéficiaires potentiels, ainsi que l’interdépendance des facteurs culturels, économiques et écologiques.

Ainsi, l’utilisation de la culture cellulaire et des marqueurs moléculaires dans la biotechnologie végétale devrait correspondre aux pratiques agricoles régionales.

La troisième étape consiste à impliquer des groupes appropriés dans la prise de décisions et l’établissement des priorités.

Cela permet de s’assurer que la technologie résout un besoin local et non un problème universel.

Les petits exploitants agricoles (cultures vivrières) veulent utiliser des semences autogames et avoir la capacité locale de les produire, de manière à ne pas vouloir ou avoir besoin d’une semence de terminaison.

En effet, les agriculteurs africains sont préoccupés par la suppression des moyens traditionnels de culture et leur dépendance excessive vis-à-vis de l’industrie des semences.
 

Créer la confiance


Au moment de l’établissement des agendas de recherche et développement en biotechnologie en Afrique, des réponses doivent être apportées à certaines questions déterminantes.

Jusqu’à quel point le public connaît ou est sensibilisé aux questions biotechnologiques ?

Le public est-il informé sur le développement des infrastructures et la formation de la main d’œuvre dans le cadre de la garantie du respect des normes ?

Répondre à ces questions reviendrait à organiser des discussions avec les parties prenantes par le biais des stratégies d’éducation et de communication telles que les campagnes de sensibilisation du public, la parole aux citoyens et les programmes radiophoniques ou télévisés.

Cela permettra d’avoir des discussions de bonne tenue, de mieux orienter les perceptions, et de susciter chez le public la confiance pour les réglementations.

Les chercheurs et les décideurs doivent également créer des normes, des valeurs et des croyances culturelles et religieuses qui permettent de convaincre le public d’accepter la biotechnologie, en aidant les décideurs à souligner ses avantages, à évoquer les préoccupations sanitaires et écologiques, et à répondre aux questions de biosécurité.

Les décideurs doivent également examiner les implications socio-économiques de l’acceptation des produits biotechnologiques, le nombre d’emplois qui seront perdus ou créés, les répertorier.

Comment les moyens d’existence seront-ils affectés ?

Seuls quelques individus et sociétés mus par la recherche de profit en tireront-ils profit ? Dans le cas des aliments génétiquement modifiés, les petits exploitants agricoles et les transformateurs perdront-ils leurs moyens de subsistance au profit de sociétés étrangères ? Ces considérations contribueront à obtenir un compromis raisonnable.

En vérité toute personne développant des biotechnologies doit répondre efficacement aux besoins et aux aspirations des utilisateurs potentiels, et mieux gérer les risques et les menaces associés à l’acceptation de la biotechnologie.

Pour ce faire, les agendas des projets de biotechnologies doivent examiner les réalités socioé-conomiques en Afrique.

Cela permettra de susciter une certaine assurance et de rendre le public confiant, en le convainquant d’accepter la biotechnologie.

Une implication efficace des utilisateurs potentiels et des groupes cibles, y compris l’identification de leurs valeurs, de leurs priorités, de leurs croyances, de leurs comportements et de leurs préférences, est déterminante pour le développement et l’utilisation de la biotechnologie en Afrique.

Wilhemina Quaye est chercheuse à l’Institut de recherches sur les aliments, au Ghana.