04/12/19

Une étude africaine trouve un lien entre le gène du paludisme et la drépanocytose

DNA fingerprinting
Des scientifiques préparant une «prise d'empreintes génétiques», par électrophorèse Crédit image: CDC/ Daniel Drapeau

Lecture rapide

  • Des chercheurs ont utilisé les données génomiques de 20 400 personnes en Ouganda et ailleurs en Afrique.
  • Ils ont identifié une variante génétique liée à des problèmes tels que la drépanocytose
  • Les Etats africains doivent renforcer les études sur la génomique pour faciliter la découverte de médicament

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[NAIROBI] La plus grande étude jamais réalisée sur le génome chez les Africains a montré un lien entre des gènes conférant une résistance au paludisme grave et des maladies du sang telles que la drépanocytose ; offrant ainsi la possibilité de nouveaux traitements.
 
« Les exemples incluent des variantes génétiques qui causent des maladies telles que la thalassémie et la drépanocytose, qui sont plus courantes chez les populations africaines vivant dans des régions où le paludisme est endémique », affirme Segun Fatumo, professeur à la London School of Hygiene & Tropical Medecine et co-auteur de l'étude, dans un entretien avec SciDev.Net.
 
Dans ces régions, les variantes génétiques qui causent habituellement des dommages en raison d'une maladie sont sélectionnées parce qu'elles protègent également contre des maladies telles que le paludisme grave, explique-t-il. 

Etudier des populations diverses exposées à différents antécédents et environnements peut offrir des opportunités uniques pour apprécier les associations génétiques avec la maladie.

Segun Fatumo, London School of Hygiene & Tropical Medicine

Alors que la constitution génétique d'individus issus des populations occidentales a été bien étudiée, les études génétiques sur les Africains sont restées très limitées.
 
L'étude a identifié une association entre une variante génétique qui réduit la production d'une forme de pigment rouge du sang appelée alpha-thalassémie chez les Africains et l'hémoglobine glyquée qui est une forme de pigment rouge du sang liée chimiquement au taux de sucre.
 
Parce que l'hémoglobine glyquée est couramment utilisé pour diagnostiquer le diabète, explique Segun Fatumo, cela soulève aussi des inquiétudes du fait que l'hémoglobine glyquée puisse ne pas être un bon test pour le diabète dans ces populations.
 
L'étude a combiné le séquençage du génome de 6 400 personnes en Ouganda et l'analyse des données génomiques de 14 000 personnes supplémentaires en provenance du Ghana, du Kenya, du Nigeria, d'Afrique du Sud et d'Ouganda.
 
Selon l'étude publiée dans la revue Cell le 31 octobre 2019, les chercheurs ont identifié de nouveaux gènes associés aux maladies cardiovasculaires ou cardiaques.
 
Trouver de nouvelles associations pourrait conduire à l'identification de nouvelles cibles de médicaments, ajoute Segun Fatumo qui est également chercheur principal au Centre de recherche médicale en Ouganda.
 
L'étude qui a duré 11 ans, à partir de 2008, a été réalisée dans le cadre du programme de recherche du Centre de recherche médicale de l'Ouganda pour établir une source de données génomique afin de comprendre les déterminants de la santé de la population et de la maladie dans la région.
 
Segun Fatuno explique à SciDev.Net que cette étude est importante dans le contexte mondial, car l’analyse des origines africaines garantirait l’équité dans les avantages des études génétiques.
 

Médicaments

Pour Richard O. Oduor, biologiste moléculaire et chargé de cours principal au département de biochimie, microbiologie et biotechnologie de l’Université Jomo Kenyatta au Kenya, cette étude apporte de nouvelles informations sur la manière dont le continent africain devrait faire face à la charge croissante de ses maladies.
 
« Un médicament fonctionne grâce à un mécanisme d’action qui cible un ou plusieurs points d’intervention, couramment appelés cibles médicamenteuses », explique ce dernier.
 
« Ces cibles médicamenteuses sont souvent influencées par les activités génomiques de la cellule et devraient en grande partie être similaires dans toutes les populations », poursuit Richard O. Oduor.
 
Il ajoute qu'avec ces nouvelles découvertes sur les variations génétiques, on ne peut plus présumer que les cibles de médicaments et les indicateurs de maladie validés pour le diagnostic dans une population seraient applicables dans une autre.
 
Cette découverte devrait rapidement avoir un impact sur les gouvernements africains, car la plupart des médicaments actuellement commercialisés en Afrique ont été développés en occident, avec une connaissance limitée des variations génétiques au sein des populations africaines.
 
De tels médicaments peuvent devenir moins efficaces ou ne plus répondre aux conditions pathologiques prévues malgré les énormes ressources nécessaires à leur achat.
 
« Les pays africains ne peuvent plus attendre que l'Occident développe des médicaments uniques à la population africaine », explique Richard O. Odour.
 
« Les gouvernements africains doivent maintenant consacrer des ressources à la découverte de médicaments », conclut-il.

Références