26/06/18

Les différences de sexe envoient un mauvais message

Gender students of science - Main
Des étudiantes à un cours de topographie dispensé par l'Ecole Nationale des Travaux Publics, en Mauritanie, apprennent à utiliser un théodolite - Crédit image: Panos

Lecture rapide

  • Il faut cesser de faire une fixation sur la biologie des femmes pour nier leurs aptitudes en sciences
  • Les différences sexuelles alimentent les croyances sur l'inaptitude des femmes pour la science
  • La pratique et l'expérience sont ce qui importe le plus dans l'expertise de chacun

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Selon des experts sur les questions de genre, les études sur les différences de biologie cérébrale entre les hommes et les femmes attirent trop souvent l'attention et sont utilisées à tort pour tirer des conclusions sur les aptitudes en science.

Bien qu'il y ait des différences de taille, de structure et de fonction entre le cerveau des hommes et celui des femmes, il n'existe aucune preuve que cela se traduise par des différences de comportement ou de QI (Quotient Intellectuel), a déclaré la neuroscientifique Lise Eliot, de la Chicago Medical School, aux États-Unis, lors d'un sommet sur les questions de genre.

La pratique et l'expérience sont ce qui importe le plus dans la façon dont les gens excellent dans toute activité qu'ils entreprennent, y compris la science.

"Les différences au niveau du cerveau [sont] petites, pas binaires, et sans relation connue avec les aptitudes en mathématiques, en élocution, dans les relations interpersonnelles ou en toute autre capacité cognitive supérieure", a-t-elle déclaré. "Même si nous voyons une différence (biologique) entre les sexes, au nniveau du cerveau, cela ne signifie pas qu'elle est génétiquement déterminée."

“Quand vous dites "un cerveau 10% plus petit", cela sonne comme si cela affectait le QI, ou la performance d'une femme.”

Caroline Pule

Les conclusions simplistes tirées de la preuve des différences sexuelles en biologie peuvent alimenter des croyances manifestes ou subtiles selon lesquelles les femmes et les filles ont moins d'aptitude pour la science, ajoutant aux obstacles auxquels les femmes sont confrontées à travers le monde, dans le domaine scientifique.

Selon Rana Dajani, professeur agrégée de biologie et de biotechnologie à l'Université hachémite de Jordanie, qui s'est également exprimée lors de la conférence, le défi consiste à trouver un équilibre entre la reconnaissance des différences biologiques, sans les traduire en modèles de comportement ou en modèles sociaux ou s'en servir comme base de la discrimination.

Une partie du problème est que les études qui identifient des différences entre les cerveaux masculins et féminins font souvent la une des journaux et sont utilisées pour élaborer des conclusions erronées.

"Les différences de sexe sont aguichantes", a déclaré Lise Eliot, citant un article repris par plus de 200 organes de presse et qui suggère que des différences "frappantes" dans le câblage du cerveau pourraient expliquer pourquoi les hommes et les femmes excellent dans différentes tâches.

Le problème était que l'étude ne prenait pas en compte les différences de taille du cerveau et s'intéressait spécifiquement à une période de l'adolescence où les sexes différaient le plus – et une étude de suivi l'a réfutée.

Le biais s'étend parfois à la publication des résultats scientifiques : en avril de cette année, des scientifiques ont écrit dans la revue Nature que les études de neuroimagerie tendaient à surdéclarer les différences entre les sexes et à sous-estimer les résultats non significatifs.

Lise Eliot a ajouté l'exemple d'une recherche rapportant les différences de sexe dans la fonction du langage entre les hémisphères gauche et droit, qui était basée sur une trentaine de participants et a basé ses conclusions sur les différences dans l'un des trois tests.

La recherche a été citée plus de 1600 fois, a-t-elle dit, mais une méta-analyse a plus tard démontré qu'il n'y avait pas de différences entre les sexes.

Selon Caroline Pule, vice-présidente de la section sud-africaine de l'Organisation pour les femmes et la science dans les pays en développement (OWSD), une façon d'aborder les conclusions simplistes consiste à formuler ce message pour qu'il soit facile à comprendre. Elle a déclaré à SciDev.Net que cela aiderait à transmettre les preuves pour contrer les personnes qui se focalisent sur la biologie pour camper sur les croyances sur les différences de genre en matière d'aptitudes pour la science.

"Si tout le monde dans un pays en voie de développement peut comprendre cela, cela aidera vraiment à briser cette stigmatisation", a déclaré Caroline Pule.

Elle a donné l'exemple d'une étude qui montre que les cerveaux féminins sont en moyenne 10% plus petits. Ceci est comparable ou moindre aux différences de taille observées en fonction du sexe avec d'autres organes, et – tout comme des mains de différentes tailles fonctionnent sans problème – ne peut conduire à conclure sur des différences de QI.

Lorsque les scientifiques se penchent sur les structures cérébrales, les différences disparaissent pratiquement.

"Quand vous dites "un cerveau 10% plus petit", cela sonne comme si cela affectait le QI, ou la performance d'une femme", a dit Caroline Pule, ajoutant que présenter les preuves d'une manière facile à comprendre aidera à répandre le message correct au-delà des cercles scientifiques.
 
Jusqu'à ce que les gens cessent de se focaliser sur le biologique pour nier l'aptitude des femmes en sciences, le message doit être articulé plus fort, selon Lise Eliot.

Même la capacité de voir n'est pas déterminée génétiquement, a-t-elle souligné, dans une présentation agrémentée de plusieurs mesures de la structure et de la fonction du cerveau.

"La nature (génétique et hormones) et la culture (environnement et expérience) sont inextricablement liées à la première division cellulaire", a-t-elle dit, et les synapses sont très adaptables dans les premières années de l'évolution.

Apprendre à se comporter selon les normes sociales de "garçon" et "fille" est une influence puissante dont les implications complètes doivent encore être pleinement explorées, a ajouté Lise Eliot – peu de recherches ont testé comment le cerveau lui-même pourrait refléter l'apprentissage sexué et le statut social en plus de la biologie.