05/04/19

Érosion côtière : l’Afrique de l’Ouest mise sur la recherche

Bargny
Vue aérienne de Bargny, au Sénégal. Les habitants estiment qu'au cours des deux dernières décennies, les eaux ont emporté plus de 200 mètres de terres - Crédit image: Vincent Tremeau/World Bank

Lecture rapide

  • Les zones côtières concentrent 42% du PIB des pays côtiers d'Afrique de l'Ouest
  • Les experts misent sur la science et la mutualisation des connaissances
  • Un programme propose d'associer le secteur privé, pour protéger les investissements

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

ABIDJAN – Des États situés en bordure de mer en Afrique de l’Ouest, entendent placer la recherche au cœur des efforts de résilience face à l’érosion côtière.
 
Selon une étude de la Banque Mondiale [Le coût de la dégradation des zones côtières en Afrique de l'Ouest: Bénin, Côte d'Ivoire, Sénégal, Togo], la dégradation de l'environnement dans les zones côtières du Bénin, de la Côte d'Ivoire, du Sénégal et du Togo, a coûté l'équivalent de 3.8 milliards de dollars, soit 5,3% du PIB des quatre pays, en 2017.
 
Des experts du Programme de gestion du littoral ouest-africain (WACA – West Africa Coastal Areas Management Program), un projet regroupant six pays (Bénin, Côte d'Ivoire, Mauritanie, Sao Tomé-et-Principe, Sénégal et Togo), l’ont confié à SciDev.Net dans la capitale économique ivoirienne, Abidjan, au terme d’un dialogue avec le secteur privé sur la gestion de cette menace qui « se fait de plus en plus pressante ».

« La science et la recherche sont fondamentales. Si vous ne comprenez pas les phénomènes qui font qu’il y a cette avancée de la mer, vous ne pouvez pas trouver des solutions viables », explique Ochou Abé Delfin, coordonnateur du programme WACA en Côte d’Ivoire.
 
L'Afrique de l’Ouest est très affectée par l’érosion côtière, l’une des conséquences les plus visibles du réchauffement climatique. La mer avance sur les côtes de cette région à raison de 1 à 5 mètres par an.

“La science et la recherche sont fondamentales. Si vous ne comprenez pas les phénomènes qui font qu’il y a cette avancée de la mer, vous ne pouvez pas trouver des solutions viables.”

Ochou Abé Delfin, coordonnateur du programme WACA en Côte d’Ivoire.

Le fléau se manifeste dans la plupart des pays côtiers, à travers la destruction, par les eaux, de nombreux biens dont des habitations, alors que les zones côtières concentrent, selon la Banque mondiale, 42% de l’économie des pays en question, et au moins un tiers de leurs populations.
 

Groupe de réflexion

 
Pour Ochou Abé Delfin, enseignant-chercheur à l'université Félix Houphouët-Boigny d'Abidjan, connu pour ses travaux et son engagement contre le changement climatique, l’absence de la recherche dans les initiatives de lutte contre l’érosion marine est très souvent à la base de diverses complications, à savoir,  « des problèmes de géomorphologie, de géologie, de climat, de météorologie marine ».

D’ores et déjà, un groupe de réflexion et de partage de connaissances a été mis en place par ce programme financé par la Banque mondiale à hauteur de 225 millions de dollars (129,65 milliards FCFA).

Ce pool comprend des chercheurs des pays concernés, et issus de plusieurs disciplines dont la géographie, la géologie, la physique, les sciences environnementales, l’océanologie.

Leur rôle consiste à « trouver des sommités pour que toutes les compétences se retrouvent dans un cadre formel pour travailler ensemble », précise Éric M'moi Valère Djagoua du Centre universitaire de recherche et d'application en Télédétection d’Abidjan (CURAT).

Ce dernier estime, pour ce faire, que les universités de la sous-région auront un rôle crucial à jouer.

D’ailleurs, l’Université de Cape Coast au Ghana a été choisie comme centre d’excellence en Afrique pour le programme WACA, qui vient de conclure un accord avec les responsables de cet institut.
 
« Ils (les experts) vont rassembler le savoir-faire, la connaissance de la région, et aussi faire des programme de formation pour engager les jeunes et futurs ingénieurs et autres administrateurs dans la sous-région », précise Peter Kristensen, spécialiste de l’environnement et des ressources naturelles à la Banque mondiale.
 
« Tout ce qui nous manque, c’est l’ingénierie côtière, pour construire des ouvrages durs ou souples pour pouvoir protéger le littoral en fonction des situations qui se présentent », fait remarquer Ochou Abé Delfin, qui plaide pour la recherche de « solutions multiformes » face au fléau.

Recherche sur le secteur privé

Pour les scientifiques, les recherches doivent aussi s’intéresser particulièrement à l’action du secteur privé en zone côtière, car ce secteur mène beaucoup d’activités sur cette zone, qui fragilisent la côte, et exacerbent le problème d’érosion côtière.

Mais aussi, vues d’un autre angle, les activités des acteurs privés sont menacées par le fléau.

« Si demain vous créez une chaine hôtelière ou des usines au niveau de la côte et qu’il y a des subversions marines, votre investissement va être emporté. Donc la recherche sur les activités des acteurs privés les aidera eux-mêmes pour leur résilience », estime Éric M'moi Valère Djagoua.

Une idée bien accueillie par les opérateurs économiques, à l’image de Claude Koutoua, président de la Commission énergie et qualité, hygiène et sécurité environnementale (E-QHSE) de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, la principale organisation patronale du pays.

« Il faut qu’on nous aide à trouver les meilleurs mécanismes qui permettent d’assurer à long terme l’efficacité des actions qui vont être menées », plaide-t-il, tandis que le point focal de WACA au Port de Nouakchott (Mauritanie), Khalil Hamoussad, recommande une plus grande implication des organisations sous-régionales, pour faciliter la collaboration scientifique.