01/12/25

Bénin : Le maïs stocké contient trop de résidus de pesticides

Maize storage final
Crédit image: Devrig Velly EU/ECHO European Commission DG ECHO, CC BY-SA 2.0. (L'image a été rognée)

Lecture rapide

  • Une étude révèle des niveaux de résidus de pesticides dépassant les normes dans le maïs stocké au Bénin
  • Le phosphure d’aluminium, un fumigant très utilisé dans le stockage du maïs, est le principal incriminé
  • Les experts recommandent une meilleure réglementation et à la promotion d’alternatives plus appropriées

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

[COTONOU, SciDev.Net] Une étude publiée dans la revue Science Direct met en garde contre la présence de résidus de pesticides dans le maïs stocké au Bénin, dépassant les limites fixées par l’Union européenne.

En effet, indique l’étude, le souci de protection du maïs contre les insectes nuisibles pendant le stockage incite les producteurs à recourir à des produits chimiques de synthèse dont la mauvaise utilisation peut entraîner des niveaux élevés de résidus.

Par exemple, « le phosphure d’aluminium a été détecté dans 40 à 100 % des échantillons, selon les localités, mais toujours à des niveaux supérieurs aux normes », explique Olivier Tonato, chercheur en entomologie agricole et en protection des végétaux, premier auteur de l’étude.

“La détection de résidus excédentaires souligne la nécessité d’une meilleure formation et d’un suivi technique plus renforcé des producteurs”

Hervé Kassa, consultant

Les auteurs se préoccupent alors du risque pour la santé du consommateur, dans un pays où le maïs occupe une place importante dans le régime alimentaire.

« Sur la santé des consommateurs, c’est un problème. Sur celle du producteur, c’est aussi un problème. Le phosphure d’aluminium exige des conditions particulières de manipulation », insiste Olivier Tonato.

Interrogé par SciDev.Net, Sylvain Dabadé, maître de conférences à la Faculté des Sciences agronomiques de l’Université d’Abomey-Calavi et expert en sécurité sanitaire des aliments met un accent sur l’étape critique de l’aération après la fumigation.

« Tant que le maïs reste enfermé dans une pièce sans aération, les résidus restent élevés, même si c’est après une période relativement longue. Mais si l’on ouvre correctement, le gaz phosphine s’échappe dans l’air et sa concentration dans les grains diminue », explique-t-il.

« C’est pourquoi il faut respecter les bonnes pratiques : utiliser les sacs adaptés, sécher sur nattes, stocker dans un environnement aéré, respecter le délai d’attente et surtout ne pas dépasser les doses », insiste-t-il.

« Résultats pas surprenants »

Pour Armelle Sabine Yélignan Hounkpatin Kouassi, maitre de conférences des universités en science de gestion de l’environnement à l’Université nationale des sciences, technologies, ingénierie et mathématiques (UNSTIM Abomey) « ces résultats ne sont pas totalement surprenants.

Elle rappelle que « des études antérieures en Afrique de l’Ouest avaient déjà signalé une utilisation abusive de pesticides en stockage. Toutefois, leur ampleur souligne un problème sous-estimé au Bénin ».

Dès lors, dit-elle, cette étude constitue une base scientifique solide pour développer des politiques publiques de gestion intégrée des stocks, promouvoir la recherche sur des alternatives écologiques aux pesticides chimiques et mettre en place des programmes de surveillance nationale des résidus chimiques dans les denrées alimentaires.

Hervé Kassa, consultant en gestion intégrée des cultures et des stocks, fait remarquer que la présence de résidus de phosphine dans le maïs stocké par suite de l’utilisation de phosphure d’aluminium et d’autres produits de conservation est scientifiquement reconnue.

Lui aussi met en exergue le fait que le niveau dépend étroitement des conditions de fumigation et du respect rigoureux des protocoles établis.

« Dans un contexte où une part significative des producteurs ne maîtrise pas les bonnes pratiques de traitement post-récolte, la détection de résidus excédentaires n’est malheureusement pas surprenante. Cela souligne la nécessité d’un renforcement des capacités et d’une meilleure sensibilisation à l’usage sécuritaire des insecticides », défend-t-il.

Stress

En réalité, au Bénin, le maïs stocké est attaqué par deux grands groupes d’insectes : les coléoptères et les lépidoptères ; ces derniers étant nuisibles principalement au stade larvaire.

Professeure titulaire d’entomologie et membre fondatrice de la Société entomologique du Bénin, Élisabeth Zannou analyse l’importance de ces travaux.

« Lorsque le maïs est récolté, le niveau de stress varie en fonction de la quantité. Si c’est pour la consommation, les producteurs peuvent recourir à des structures de stockage afin de conserver une quantité plus ou moins importante », dit-elle.

« Mais si la récolte est destinée à la grande commercialisation, poursuit-elle, ils se sentent obligés d’ajouter dans les stocks tout produit qu’ils trouvent sous la main, pourvu qu’on leur dise que cela tue les insectes. Ils ne cherchent pas à savoir s’il s’agit d’insectes utiles ou nuisibles », déplore la chercheuse.

Ainsi, face aux attaques d’insectes, de nombreux producteurs recourent massivement à des insecticides, parfois interdits ou importés illégalement, à l’instar du phosphure d’aluminium ou encore de la perméthrine et du pirimiphos-méthyl, également cités dans l’étude.

Les chercheurs invitent à renforcer la sensibilisation, promouvoir des alternatives locales comme les huiles essentielles ou de la poudre de feuilles de plantes à effet insecticide, et réviser la réglementation phytosanitaire et les pratiques post-récoltes.

« La détection de résidus excédentaires souligne la nécessité d’une meilleure formation et d’un suivi technique plus renforcé des producteurs », insiste Hervé Kassa.

Stratégie nationale intégrée

Pour Sylvain Dabadé, l’enjeu essentiel reste la formation des producteurs aux bonnes pratiques agricoles et une communication appropriée pour sensibiliser la population sur les risques sanitaires liés aux pesticides.

Par exemple, afin d’éviter le développement de moisissures et des insectes, Elisabeth Zannou rappelle aux producteurs la nécessité de sécher au soleil pendant plusieurs journées les épis ou les grains avant le stockage pour réduire le taux d’humidité des grains.

L’entomologiste rappelle aussi que plusieurs structures de stockage sont recommandées pour la conservation du maïs sans avoir recours aux produits de conservation. Le choix dépend de la quantité et de la forme (épi ou en grain) de maïs à stocker. Et les producteurs sont souvent formés à sa construction.

Les chercheurs mettent un accent sur l’importance de développer une stratégie nationale intégrée de gestion post-récolte combinant réglementation, recherche appliquée et vulgarisation.

Car, au-delà du maïs, il faudra élargir les recherches aux autres cultures stratégiques comme le riz, le sorgho ou le niébé, afin d’adapter les solutions aux réalités régionales.

Cette alerte survient alors que la filière maïs béninoise connaît une forte expansion, avec une production excédentaire estimée à plus de deux millions de tonnes au cours de la campagne agricole 2023-2024.

Or, les marchés institutionnels nationaux et internationaux imposent des contrôles stricts de qualité avant l’achat…