29/10/09

Feux: Localisation par satellite et alerte par téléphone portable

Fire South Africa
Crédit image: Flickr/South African Tourism

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Le chercheur sud-africain Philip Frost affirme que la combinaison des données satellitaires et les téléphones portables offre des outils bon marché et efficaces pour la gestion des feux.

L’Afrique du Sud, comme une grande partie du continent, possède des paysages magnifiques qui sont régulièrement la proie des feux. La plupart de ces feux ne sont pas des catastrophes en tant que telles, mais font partie intégrante de l’écosystème.

Toutefois, un feu important au mauvais endroit peut entraîner une catastrophe. Quant aux feux de brousse, ils sont à l’origine de décès parmi la population et de la destruction de biens et de pâturages en Afrique du Sud chaque année.

Ces feux endommagent également de précieuses infrastructures comme les lignes électriques. Les incendies constituent, après la foudre, la deuxième cause de pannes de lignes de distribution en Afrique du Sud. Si un feu prend sous un câble électrique sous tension, il ne causera pas seulement des dégâts mais également des hausses de tension sur la ligne susceptibles de causer des dommages dans tout le pays.
 

Détection des feux par satellite


C’est pourquoi il est nécessaire de pouvoir détecter les feux et de disposer de systèmes d’alertes rapides sur les incendies. La télédétection peut être mise à contribution, en particulier les satellites en orbite polaire comme MODIS (Spectroradiomètre Imageur à Résolution modérée), capables de localiser les incendies avec 200 mètres de précision quatre fois par jour.

Mais les satellites en orbite polaire ne sont pas adaptés aux alertes précoces : qu’adviendrait-il si un nuage passait au-dessus de l’incendie au moment du survol du satellite ou si l’incendie se déclenchait juste après son passage ? C’est dans ces cas de figure que les données fournies par des satellites géostationnaires prennent toute leur importance. Les satellites météorologiques de deuxième génération de Meteosat proposent des données plus brutes (environ 3kms) et moins précises sur les incendies. Toutefois, ils les envoient toutes les 15 minutes. Ils ne détecteront pas les petits incendies, mais ceux-là ne nous intéressent pas dans le cadre de la gestion des catastrophes.

Le problème de la gestion des incendies réside par conséquent dans la transmission de ces données aux gestionnaires des catastrophes, aux sapeurs pompiers, aux agriculteurs, aux garde-forestiers qui ont besoin d’être renseignés sur le lieu de l’incendie et de la direction vers lequel il évolue.
 

Des alertes incendies transmises par téléphonie mobile


En Afrique du Sud, le Conseil pour la Recherche scientifique et industrielle (CSIR) a mis en place un Système perfectionné d’Information sur les Incendies (AFIS) pour jouer justement ce rôle. Ce système utilise à la fois les données satellitaires et la téléphonie mobile pour fournir de précieuses alertes précoces.

Il utilise à la fois les données de MODIS et de Meteosat pour détecter les points chauds, qu’il compare avec les températures ambiantes pour distinguer ce qui ne relève pas de l’incendie (les souches de cheminées) et utilise les données sur la direction du vent pour déterminer la trajectoire des feux actifs. Le système alerte alors automatiquement la population par email et par SMS.

A l’origine, l’AFIS a été créé pour aider la société ESKOM, la principale compagnie d’électricité d’Afrique du Sud, à lutter contre les pannes de lignes de distribution causées par les incendies. Mais depuis 2007, il contribue également au renforcement des efforts de lutte contre les incendies. Par exemple, il envoie des alertes à plus de 40 associations de lutte contre les incendies à travers le pays et fait partie intégrante des prévisions météorologiques hebdomadaires diffusées à la télévision nationale.

C’est un service totalement gratuit, que tout le monde peut souscrire pour recevoir des alertes dans sa région. A titre d’exemple, l’AFIS fournit des alertes aux associations d’agriculteurs pour la conservation, ainsi qu’aux groupes autonomes qui prennent en charge la gestion des incendies et coordonnent les efforts de lutte.

Il contribue également aux efforts de réduction de la pauvreté. Le projet Working on Fire (WoF) financé par le gouvernement met l’AFIS à contribution lorsqu’il travaille avec les communautés rurales. Ce projet offre une formation technique en sécurité incendie, participe à la lutte contre les incendies, assure des formations aux équipes chargées de la gestion des incendies dans les entreprises et informe les populations de l’existence de ce service. Les équipes dont elle assure la formation répondent à un besoin saisonnier de protection contre l’incendie, tout en générant des revenus pour les communautés rurales.
 

Un projet qui s’étend comme un feu de brousse


Il est évident que l’AFIS a amélioré la gestion des incendies en Afrique du Sud. Cependant, deux questions subsistent.

La première est de savoir si cette idée est exportable vers d’autres pays ? En théorie, oui, du moins sous sa forme élémentaire. La technologie est disponible, même dans les zones les plus reculées d’Afrique où les gens ont accès aux téléphones portables. Par ailleurs elle ne nécessite pas une grande expertise dans la mesure où le système est entièrement automatisé et son utilisateur n’intervient que très peu. De plus, elle est à la portée de toutes les bourses, puisque la majeure partie des investissements pour la mise en place du système est considéré comme non récurrent au service du développement.

D’autres pays s’y sont intéressés. Nous travaillons déjà à la mise en place de l’AFIS au Botswana, au Mozambique et en Namibie.

La seconde question concerne le projet : peut-il s’appliquer à d’autres types de catastrophes? Une fois de plus, oui, en théorie. Mais uniquement pour des catastrophes ayant des signes précurseurs. Il pourrait par exemple fonctionner avec les inondations car il y a un délai entre l’accumulation d’eau et le temps où elle se s’écoule en aval. Des chercheurs de la NASA travaillent déjà sur un sensorWeb qui combine les données satellitaires et les données topographiques et hydrologiques pour pouvoir alerter les gestionnaires des catastrophes en Namibie sur des inondations imminentes.

Il est évident que la télédétection peut beaucoup apporter à la gestion des catastrophes. La capacité exclusive des satellites à pouvoir balayer des zones étendues de manière continue et à détecter les catastrophes à mesure qu’elles se produisent leur confère un rôle essentiel dans les alertes précoces .Jusqu’à présent, le plus grand défi a été de traduire les données satellitaires en données concrètes, efficaces, faciles d’utilisation et de compréhension , communicables aux personnes sur le terrain susceptibles de se trouver dans des villages reculés.

La téléphonie mobile permet de relever l’aspect transmission de ce défi. L’AFIS est l’illustration concrète de la manière dont la combinaison entre les données d’observation de la Terre et une technologie simple du quotidien peut révolutionner la gestion des catastrophes.

Philip Frost, spécialiste en télédétection à l’Institut Meraka du CSIR, en Afrique du Sud, et coordonnateur du projet AFIS.