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Pour Linda Nordling, si les ambitions spatiales de l'Afrique devaient la détourner d'autres domaines scientifiques plus favorables au développement, le solide soutien politique accordé au projet serait un exemple à suivre.

En accueillant la coupe du monde de football l'été dernier, l'Afrique du Sud a prouvé au monde qu'elle était capable d'organiser un prestigieux événement international. Il se pourrait qu'u début de l'année 2012, ce pays abrite un autre événement international majeur : le Square Kilometre Array (SKA), un radiotélescope géant.

L'Afrique du Sud et l'Australie sont les derniers candidats en lice pour abriter le SKA, composé de milliers d'antennes radio interconnectées représentant une capacité de surface de collecte d'un kilomètre carré. Etant le plus puissant radiotélescope jamais construit dans le monde, le SKA sera capable de voir les parties inexplorées de l'espace, et ce faisant, remonter dans le temps jusqu'aux origines de l'univers.

Ce projet était à l'agenda du sommet Afrique-UE sur les sciences de l'espace et leurs applications en Afrique qui s'est tenu à Bruxelles le 15 septembre dernier.  

Des critiques

Le gouvernement sud-africain est cependant critiqué pour l'argent qu'il a consacré à préparer le pays à accueillir le SKA. Par exemple, un télescope de démonstration baptisé MeerKAT est en cours d'assemblage à côté du site du projet SKA dans la région aride du Karoo, et devrait être opérationnel en 2013.

Au mois de février, un éditorial du magazine Nature critiquait le goût du gouvernement sud-africain pour la 'grande science'. Ce magazine a relevé qu'entre 2009 et 2012, 1,9 milliard de rands (US$ 270 millions) ont été consacrés à la préparation du pays pour le SKA, soit le triple du budget annuel de la Fondation nationale pour la Recherche (NRF). Selon cet éditorial, l'Afrique du Sud devrait plutôt mettre l'accent sur les domaines où elle bénéficie d'avantages naturels et scientifiques, comme la paléontologie, l'exploitation minière, la zoologie et la médecine clinique.

Une réduction des dépenses publiques va probablement nourrir ce type de sentiment. Au mois de juillet, le Ministère sud-africain de la science et de la technologie a annoncé des coupes à la fois pour le NRF et le Conseil pour la Recherche scientifique et industrielle au cours des trois prochaines années. Et les données publiées ce mois montrent que l'intensité de la recherche et développement sud-africaine (l'ensemble de ses dépenses de R&D en tant que proportion du PIB) a chuté de 0,95 pour cent en 2006-07 à 0, 92 pour cent en 2008-09, manquant ainsi d'atteindre l'objectif de 1 pour cent que s'était fixé le pays pour 2008.

Mais, pour Bernie Fanaroff le directeur du projet SKA sud-africain, l'idée selon laquelle le SKA absorbe l'argent d'autres sciences est éronnée. « Je suis persuadé que si cet argent n'avait pas été consacré au SKA, il n'aurait pas été non plus orienté vers d'autres projets scientifiques », affirme-t-il.

L'idée selon laquelle l'Afrique ne doit pas s'intéresser à ce domaine relève du colonialisme, poursuit Fanaroff. « Il existe cette idée selon laquelle l'Afrique ne doit pas s'intéresser à la grande science. Je pense que c'est totalement erroné ».

Fanaroff aime relever l'analogie entre le SKA et la coupe du monde. « La coupe du monde a eu un impact au-delà du football, et a fait du pays un pôle d'attraction qui aura à très long terme un impact sur la façon dont l'Afrique du Sud et l'Afrique en générale sont perçues. Le SKA est un projet squi relève de la même logique, et il aura en plus une durée de vie plus longue », dit-il.

Un projet catalyseur

Les défenseurs du SKA soutiennent qu'il va contribuer au développement humain et technologique par le renforcement des capacités en ingénierie et en informatique, et en invitant les jeunes africains à étudier la science. Selon eux, ses avantages dépasseront les frontières sud-africaines parce que le projet prévoit l'implantation d'antennes dans huit autres pays africains.

Ce projet a déjà eu un impact important sur les programmes scientifiques panafricains. L'accord de partenariat UE-Afrique sur la science signé en décembre 2007 parle de « science, société de l'information et espace ».

Les cinq premiers campus de l'Université panafricaine, un institut de recherche panafricain, seront basés en Afrique du Sud et se concentreront sur la recherche spatiale.

L'Afrique du Sud devrait lancer sa propre agence spatiale en octobre (le mois qui marque également la Semaine mondiale de l'espace, du 4 au 10 octobre), et les ministres africains ont convenu le mois dernier de réfléchir à la création de l'Agence spatiale africaine pour la coordination des efforts.

Tout le monde n'approuve cependant pas l'influence que le SKA a eue sur les programmes scientifiques panafricains. « Des projets comme celui-ci contribuent globalement au renforcement des capacités, créent des liens entre les réseaux et contribuent à motiver », selon un expert en développement qui a souhaité garder l'anonymat. Mais, ajoute-t-il, au regard des ressources limitées de l'Afrique, il existe probablement d'autres projets susceptibles d'avoir plus d'impact sur le développement.

Un puissant soutien

L'intégration d'un projet scientifique dans un programme continental représente cependant seulement une partie du combat à mener en Afrique. Plusieurs initiatives échouent au stade de la mise en œuvre à cause du manque de financement ou de soutien politique.

Malgré toute la controverse que cela suscite, il existe de bonnes raisons de soutenir les projets scientifiques touchant à l'espace, à savoir le soutien de la plus puissante économie africaine. Cela permet de réaliser des choses. Au cours d'une réunion des pays africains partenaires du SKA tenue au Ghana au début de ce mois, il a été annoncé que l'Université de Nairobi au Kenya est en train d'étendre sa formation en science de  l'espace, lancée l'an dernier. Des programmes de formation sont également en cours au Botswana, à Madagascar, au Mozambique et en Namibie. Les formations sont financées localement et non par des subventions internationales.

Quels que soient les autres besoins de l'Afrique dans le domaine de la science et de la technologie, elle a aussi besoin de ce type de suivi dans ses programmes et projets, et encore plus du type de leadership dont l'Afrique du Sud fait preuve pour le projet SKA.

La journaliste Linda Nordling, qui travaille au Cap, en Afrique du Sud, est spécialiste de la politique africaine pour la science, l'éducation et le développement. Elle a été la rédactrice en chef de Research Africa et collabore au Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net), The Guardian, Nature, etc.