04/09/09

Lutter contre les maladies dues aux insectes, quel que soit le climat

Les maladies transmises par les insectes resteront un défi majeur de santé publique au cours des prochaines décennies Crédit image: Flickr/wormwould

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Pour Ulisses Confalonieri, expert en santé publique, il faut réduire la vulnérabilité des pauvres aux maladies transmises par les insectes, et ce indépendamment des évolutions climatiques.

Les maladies transmises par les insectes comme la dengue, le paludisme, la maladie de Lyme, l’encéphalite à tiques, la fièvre du Nil occidental ou la fièvre jaune, touchent déjà des millions de personnes à la fois dans les régions tropicales et les régions tempérées.

L’évolution du climat engendrée par le réchauffement de la planète aura certainement un impact – qu’il soit direct ou indirect – sur les cycles de ces maladies. L’ampleur exact de cet impact dépendra de plusieurs caractéristiques locales ou régionales : le climat tel qu’il est, indépendamment des évolutions ; les espèces d’insectes ou ‘vecteurs’ impliquées dans la transmission des maladies ; l’environnement, qu’il soit naturel ou bâti ; et enfin les hôtes, les populations humaines.

Plusieurs articles de recherche publiés récemment prédisent, à mesure que les températures mondiales montent, une plus large distribution géographique des maladies transmises par les insectes, ou des taux de transmission plus élevés. A titre d’exemple, le Groupe d’Experts intergouvernemental sur l’Evolution du Climat a reconnu que l’encéphalite à tiques se propage vers le nord de la Scandinavie et s’étend vers des altitudes plus élevées dans les montagnes de la République tchèque, à cause de l’évolution des températures et des variations saisonnières.

Un nombre limité d’articles considère au contraire que les liens entre le climat et les maladies ont été établis prématurément, soulignant des problèmes de données ou des difficultés méthodologiques rencontrées dans les analyses. Ainsi, les preuves des changements intervenus dans la transmission et la distribution du paludisme en Afrique ne sont pas claires, différents auteurs présentant des résultats incohérents.

Les conditions locales

Assurément, la variabilité du climat et son évolution peuvent avoir un impact sur les cycles de vie complexes et les interactions entre les vecteurs, les pathogènes et les hôtes (à la fois humains et animaux) impliqués dans les maladies transmises par les insectes. Les paramètres du climat physique, comme la température ou l’humidité, peuvent ainsi affecter les phases de développement des vecteurs ou des pathogènes, ainsi que la dynamique de la population des hôtes. Depuis le début du 20è siècle, par exemple, le climat a joué un rôle dans la transmission du paludisme, et le facteur climatique est pris en compte dans les modèles mathématiques classiques sur le paludisme.

Mais l’impact des changements climatiques sur toute maladie variera en fonction du contexte local. Ainsi, une hausse de la pluviosité dans une région sèche peut créer des sites de reproduction favorisant la multiplication des moustiques vecteurs du paludisme ; mais cette même hausse dans un environnement humide, comme les forêts tropicales, pourrait emporter les moustiques immatures.

Or, les prévisions sur le paludisme fondées sur différents scénarios du climat mondial ne prennent pas en compte ces variations. En outre, elles ne reflètent pas les caractéristiques régionales du cycle de la maladie : le paludisme se manifeste différemment en Afrique par rapport à l’Amérique latine, par exemple. Les variations régionales entre les espèces de vecteur et l’immunité humaine sont deux facteurs parmi d’autres qui influent également sur les modèles de transmission. L’impact de l’évolution du climat sera donc variée.

Les stratégies d’adaptation

Les maladies transmises par les insectes resteront un défi de santé publique majeur au cours des prochaines décennies. Pourtant, la plupart des risques de santé causés par le changement climatique seront ‘d’anciens fléaux’, plutôt que de nouveaux problèmes. Si le paludisme n’est pas présent en Europe ou en Amérique du Nord, et dans la majeure partie d’Amérique du Sud, ce n’est pas parce que le climat ne s’y prête pas, mais plutôt en raison de l’efficacité du contrôle et de la surveillance de la maladie, ajoutés à la destruction des habitats naturels du vecteur, avec l’urbanisation par exemple.

Néanmoins, les évolutions de l’environnement suite aux changements intervenus dans le système climatique mondial pourraient contribuer à étendre les régions où les maladies transmises par les insectes sont endémiques.

Le meilleur espoir de détecter de telles extensions consiste tient à l’inclusion de la surveillance stratégique dans les programmes de lutte, et ce aux frontières géographiques actuelles, qu’elles soient latitudinales ou altitudinales, dans la distribution des maladies, surtout lorsque les projections climatiques laissent entrevoir une plus forte probabilité d’évolution au cours des prochaines décennies. La surveillance environnementale par satellite, grâce aux données hydrométéorologiques, peut s’avérer importante dans ce processus.

Plus essentielle encore que le suivi de la maladie, la surveillance des insectes vecteurs sera nécessaire pour détecter l’extension des zones des espèces, précédent celle de la transmission des maladies.

Mais le principal défi pour les sociétés aux prises avec les maladies transmises par les insectes consistera à accroître l’efficacité des systèmes de santé par le contrôle de la maladie, et à réduire la vulnérabilité des populations aux infections, en améliorant, par exemple, la salubrité, le logement ou l’éducation. Autant de priorités qui s’imposent, indépendamment d’une évolution ou non du climat.

Ulisses E. C. Confalonieri, professeur de santé publique à la Fondation Oswaldo Cruz (FIOCRUZ) au Brésil.