26/02/14

Burkina Faso : Le crowdfunding pour financer un projet de nutrition

Burkina Crowdsourcing
Crédit image: SciDev.Net/Mathieu Bonkoungou

Lecture rapide

  • Un promoteur burkinabé a lancé une campagne de financement communautaire, pour lancer des produits à base de chenilles de karité
  • La campagne a permis de recueillir 10.000 euros en moins d'un mois, ouvrant la voie à un financement à plus grande échelle
  • Mais de nombreux défis restent à surmonter pour rendre le projet viable

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Par le biais de ce crowfunding, Kahitouo Hien et l’institut 2IE, qui l’a formé et qui l’accompagne dans son projet, ont réussi à lever 10 000 euros du 4 au 26 février 2014, pour financer le lancement de la phase pilote du produit-phare de FasoPro, "Toumou’Delice".
 
"Une fois que cela sera fait, explique Kahitouo Hien, ce sera une bonne base pour attirer les investisseurs parce que le coût global du projet est évalué à 50 000 euros. Et pour mobiliser une telle somme, les investisseurs ont besoin de voir des preuves de la viabilité du projet".
 
Bien que le mode de financement ne soit pas très connu des Burkinabé, les initiateurs du crowdfunding ont misé sur le réseau de connaissances de FasoPro à l’internationale. Et l’engouement du public leur a donné entièrement raison.
 
Une semaine après son lancement, les annonces de contribution s’élevaient déjà à 53% des 10.000 euros escomptés et deux semaines après, elles se situaient à 73%. La veille de la date de clôture, l'objectif était déjà atteint.
   
"Je suis assez surpris par un tel engouement. Je ne croyais pas qu’il y aurait une telle mobilisation, mais le fait que le projet ait remporté le prix du meilleur impact social lors de la Global Social Venture Competition de l’Université de Berkeley a sans doute contribué à le faire connaitre", commente le promoteur de FasoPro.
   
"Notre ambition était de dépasser l’objectif parce que 8% de la somme collectée doit revenir au site qui héberge la campagne", explique de son côté Lisa Barutel, chargée d’entrepreneuriat à l’institut 2IE.
 
"Si l’objectif de 10.000 euros n’avait pas été atteint, on n'aurait rien touché. On aurait tout perdu. C’est le principe. On aurait pu fixer un délai plus long, mais les campagnes courtes sont plus dynamiques et on arrive généralement à fédérer plus de gens. Nous nous sommes donc fixé le pari de faire ça sur une période courte, mais intense ", ajoute Lisa Barutel.
   
Maintenant que les 10 000 euros ont été réunis, FasoPro a prévu de récompenser ceux qui ont participé au financement en ligne. Mais que gagnent-t-ils au juste ?
 
"Ceux qui ont contribué gagnent déjà la fierté d’avoir contribué à un beau projet, mais ensuite, il y a un certain nombre de contreparties que nous offrons. Selon le montant que vous avez donné, il y a des sachets de chenilles qui vous seront envoyés, ainsi que le livre de recettes que FasoPro est en train d’élaborer; pour les dons de plus de 150 euros, une chance d’avoir un billet d’avion aller-retour pour Ouagadougou, pour voir comment FasoPro se met en place ou comment sont récoltées les chenilles", répond la chargée d’entrepreneuriat de l’institut 2IE.   
 
Les packs de Toumou’Delice contiennent de la chenille fraiche, normalement introuvable à cette période de l’année. Et c’est déjà une prouesse à mettre à l’actif de Kahitouo Hien.
 
"Les populations consomment la chenille, mais en dehors de la période des chenilles (de juillet à septembre), il est difficile d’en trouver à cause du problème de la conservation. Nous avons trouvé le moyen de conserver de la chenille fraiche toute l’année. ToumouDelice, c’est donc de la chenille fraîche précuite qui est conservée dans une solution magique et elle se conserve pendant dix-huit mois, à température ambiante", explique le jeune entrepreneur.
 

Arrêter la déforestation

 
"Nous avons pensé à un prix qui soit à la portée de tout le monde. Entre 2500 et 3000 F CFA le pack d’un kilogramme. C’est le prix pratiqué actuellement sur le marché et nous  voulons que le produit soit accessible au plus grand nombre de Burkinabé. Nous voulons encourager la consommation familiale de la chenille.

Pour le produit qui sera destiné à la lutte contre la malnutrition, nous ferons un effort supplémentaire pour qu’il soit encore plus accessible, surtout aux populations rurales. Nous, nous ambitionnons d’intervenir à titre préventif parce que les ONG qui interviennent dans la lutte contre la malnutrition agissent le plus souvent en situation d’urgence", affirme le promoteur de FasoPro.
 
Seule inquiétude à l’horizon: la disponibilité de la matière première qui pourrait être menacée par les aléas climatiques.
   
"Pour le moment, il n’y a pas véritablement de menace sur la matière première en termes de quantité, même si les chenilles sont massivement exportées vers le Nigeria, mais le problème risque de se poser à long terme. Dans 10 ou 20 ans, il n’est pas exclu que nous soyons confrontés à un problème d’approvisionnement dans la nature, en raison de la déforestation et de la demande de plus en plus croissante. Dans le projet que nous portons, nous voulons assurer la traçabilité de la matière première parce que c’est un produit qui sera destiné à des êtres sensibles comme les enfants et les femmes enceintes. Nous travaillons d’ailleurs sur le volet développement de l’élevage des chenilles pour pouvoir contrôler la chaine et avoir des chenilles de très bonne qualité", explique Kahitouo Hien.
   
L’inquiétude face à une éventuelle raréfaction de la matière première  est partagée par le promoteur de la Fête du chitoumou Lassina Sanon.
 
"Notre défi est de nous impliquer dans la lutte pour la sauvegarde de l’environnement. Il faut que nous sensibilisions les populations pour qu’on arrête de couper les arbres à karité sur lesquels se développent les chenilles.
 
Mais si l’on arrivait à élever les chitoumous, ce serait sans doute la solution et nous nous engageons à vulgariser la technique", indique-t-il.