14/07/14

Madagascar: les sciences physiques au service du développement

Madagascar Roads
Crédit image: SciDev.Net/Rivonala Razafison

Lecture rapide

  • Un officier supérieur de l’armée malgache a mis au point une nouvelle méthode de calcul d’écoulement des fluides dans le sol
  • Il s’agit de théorie mathématique appliquée à la physique théorique qui a des liens directs avec les expériences
  • Les résultats de la recherche sont applicables dans plusieurs domaines de la vie quotidienne.

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[ANTANANARIVO] Grâce à une recherche menée par le colonel Botomanovatsara, enseignant à l’Institut supérieur des technologies (IST) de Madagascar, la physique théorique propose aujourd’hui une méthode permettant de calculer avec exactitude l’écoulement des fluides dans le sol en utilisant les équations fractionnaires différentielles.

Madagascar perd annuellement environ 400 km de route en terre à cause de la non-maîtrise de l’humidité du sol, un paramètre rarement pris en considération lors de la construction des routes, selon le colonel Botomanovatsara, par ailleurs ancien ministre malgache des Travaux publics et de la Météorologie, de 2011 à 2014. 

La soutenance, précédée par la publication en mars de l’article intitulé New Numerical Algorithm To Compute Eα(–zα) dans l’International Journal of Advances in Engineering & Technology (IJAET) a été favorablement accueillie par le monde scientifique malgache.

Selon les spécialistes, la thèse sur le Système de mesure d’écoulement des fluides dans un milieu poreux, présentée le 23 mai à l’Université d’Antananarivo par l’officier supérieur de l’armée, présente plusieurs avantages.

“L’infiltration d’eau est donc un paramètre à prendre en compte mathématiquement. Mais personne n’a jamais pris la peine de la calculer.”

Colonel Botomanovatsara, enseignant à l’Institut supérieur des technologies (IST), Madagascar

"Il s’agit de théorie mathématique appliquée à la physique théorique qui a des liens directs avec les expériences", précise le directeur de la recherche, Adolphe Ratiarison, chef de laboratoire de dynamique de l’atmosphère, du climat et des océans (DyACO) au département de physique de la même université.

"L’application de la dérivée fractionnaire à la méthode de calcul constitue l’originalité de la recherche, alors que le monde scientifique est habitué à l’usage des nombres entiers", explique Botomanovatsara.

Selon lui, personne n’a jamais réalisé le calcul d’écoulement des fluides dans un milieu poreux, d’autant que sa méthode intègre la dérivée fractionnaire, utile pour déterminer la dynamique des microparticules dans la nature.

Le génie civil et l’agriculture sont les deux domaines retenus pour tester la méthode de calcul au cours de la recherche lancée en 2005.

"Le sol est considéré comme un milieu poreux car il permet la circulation de l’eau même si le chemin de circulation des particules d’eau demeure invisible. Nous avons mis au point notre formule à partir de là en vue de déterminer précisément les débits d’écoulement de l’eau dans le sol", a déclaré le chercheur à SciDev.Net.

Les formules utilisées ne sont pas nouvelles. Mais la nouveauté est l’application des équations différentielles au calcul de la vitesse de propagation des fluides dans le sol.

Pour l’hydrographie routière, la tradition est de mesurer la pluviométrie, s’il y a bassins versants sur le tracé de la route, le volume des talwegs et montagnes. Les données ainsi obtenues sont associées aux prévisions nécessaires sans tenir compte de l’écoulement de l’eau dans le sol naturel au-dessous de la couche de base et de la couche de fondation, deux strates successives situées juste au-dessous de la couche de roulement de la route.

"L’attachement à la méthode classique est à l’origine de l’accélération du vieillissement des routes. L’écoulement d’eau intervient bel et bien à la vétusté des structures routières. L’eau amène de fines particules hors de celles-ci selon sa vitesse de propagation à l’intérieur du sol où des parties vides se créent. L’infiltration d’eau est donc un paramètre à prendre en compte mathématiquement. Mais personne n’a jamais pris la peine de la calculer", renchérit le chercheur.

L’utilité de la méthode s’avère pertinente lorsqu’il s’agit d’une route traversant des marécages ou reposant sur du sol argileux et des nappes phréatiques, sachant que la plupart des routes à Madagascar passent au côté des rizières.

"Les eaux souterraines sont piégées. Elles font la montée par capillarité en envahissant la couche de fondation et la couche de base, surtout lorsqu’il fait chaud. L’écoulement des liquides mérite donc d’être mesuré. Nous connaissons tous le phénomène de montée par capillarité. Mais la méthode de détermination de calcul n’a jamais vu le jour", explique encore le chercheur.

La connaissance de l’écoulement des liquides permet de traiter correctement la couche de fondation, tandis que l’approche traditionnelle préconise le sondage du sol avant d’y procéder.

"La démarche à suivre reste la même partout en cas de présence confirmée des rochers ou de l’argile quelle que soit la nature du sol. Cela implique trop de dépenses ou moins de dépenses à cause de l’ignorance de l’écoulement des liquides. Le but est toutefois d’avoir un ouvrage résistant avec le minimum de dépense", souligne Botomanovatsara.

Le recours à sa méthode de calcul a permis d’avoir une hydrométrie précise de la riziculture pluviale dans les zones à mauvaise maîtrise d’eau dans le sud-est malgache.

"D’après nos calculs, le besoin normal en eau à 10-15 jours de la floraison du riz est de 1 litre par seconde par hectare. Une telle découverte aide les paysans à avoir la quantité d’eau appropriée en vue de la bonne récolte", révèle-t-il.

L’application de la nouvelle méthode de calcul peut inspirer une nouvelle approche de la lutte contre la désertification par le verdissement des espaces dénudés.

"Dans ce cas, il suffit d’avoir tous les paramètres nécessaires dans un mémento et d’appliquer la formule", avance-t-il.

Selon Adolphe Ratiarison, enseigneur chercheur en sciences physiques à l'université d'Antananarivo, la méthode de calcul développée par Botomanovatsara permet aussi de prévoir les trajectoires des cyclones et leur intensité, de gérer l’emplacement des gigantesques constructions de façon à aménager des parkings destinés à recevoir le plus grand nombre possible de véhicules, de favoriser le transfert de l’engrais à la plante…

Le Laboratoire national des travaux publics et des bâtiments (LNTPB) doit figurer parmi les premiers utilisateurs potentiels de la nouvelle méthode sur l’île où la durée de vie moyenne de la route est de quinze ans.