23/03/11

S’attaquer à la contrefaçon pour contrer le palu résistant aux médicaments

La police inspecte les pharmacies pour aider à enrayer le paludisme résistant aux médicaments à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge Crédit image: Moeun Chhean Nariddh

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Pour Charles Delacollette, la région du Grand Mékong doit s'appuyer sur les initiatives en cours pour apporter une réponse durable aux médicaments faux et ne respectant pas les normes.

Les programmes de lutte contre le paludisme prônent l'utilisation de combinaisons thérapeutiques à base d'artémisinine (artemisinin-based combination therapies ou ACT) — des médicaments puissants, d'une importance vitale utilisés pour traiter le paludisme –- et leur mise à disposition dans tous les pays où cette maladie est endémique.

Mais la résistance du parasite aux artémisinines est récemment apparue à la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande. Elle s'est traduite par une augmentation inhabituelle du temps nécessaire pour débarrasser les malades du parasite, et par une plus faible sensibilité aux ACT.

Cet évènement a suscité une réaction associant plusieurs pays dans le but de stopper la propagation de cette résistance au-delà de la région du Grand Mékong (RGM), et de répondre à cette question fondamentale : pourquoi la résistance a-t-elle emergé dans cette région en particulier ?

L'un des facteurs clés est la disponibilité des médicaments d'origine et de qualité douteuses – en d'autres termes, des médicaments contrefaits et ne respectant pas les normes de qualité.

20 pour cent des décès dus au paludisme dans le monde seraient directement liés à l'utilisation de tels médicaments. L'impact exact sur la mortalité et la morbidité reste inconnue, néanmoins des efforts sont aujourd'hui en cours pour détecter, suivre la trace de cette activité criminelle et faire respecter la règlementation anti-contrefaçon.

La détection des faux médicaments

Que ce soit dans la RGM ou au-delà de la région, les pays prennent désormais des mesures pour remonter la trace des médicaments contrefaits, qui peuvent être fabriqués localement ou importés. La première étape consiste à déterminer l'ampleur du problème, faisant fi des rumeurs et de la désinformation.

Des études collaboratives fondées sur une analyse médico-légale des échantillons de médicaments ont ainsi montré que de fausses artémisinines circulent largement en Asie du Sud-Est et ailleurs. Elles semblent indiquer également que la moitié de l'artésunate (un médicament du groupe de l'artémisinine) qui circulait dans la région du Mékong il y a 10 ans était contrefaite.

La situation s'est depuis améliorée grâce à des enquêtes épidémiologiques internationales dans le commerce de l'artésunate falsifié, permettant l'identification des principaux contrefacteurs, et la fermeture ultérieure des usines illégales sources de ces médicaments contrefaits.

Depuis l'an 2000, les partenaires de l'Initiative Faire Reculer le Paludisme – Méking (Mékong Roll Back Malaria Initiative) ont intensifié leurs interventions contre le paludisme dans la région.

On compte parmi leurs efforts la surveillance intensive des antipaludiques à différents niveaux de la distribution, dont les magasins et les vendeurs privés, et l'évaluation de leur qualité par rapport aux normes internationales.

Les méthodes de travail varient, allant de simples inspections de terrain — la recherche de défauts d'étiquetage ou la vérification des capacités de dissolution des comprimés, par exemple – à des techniques plus sophistiquées, telles que la chromatographie (une méthode qui sépare les mélanges chimiques). Le renforcement des capacités pour ce type de surveillance a constitué une partie essentielle du projet.

Entre 2 et 20 pour cent des antipaludiques ne respectaient pas les normes internationales de qualité au cours de ces cinq dernières années. Cette proportion était la plus élevée dans les provinces reculées, où l'absence de systèmes de soins de santé structurés facilite l'essor de cliniques informelles et privées.

Des systèmes de surveillance plus robustes

Les gouvernements ont reçu un appui technique et financier supplémentaire pour la réglementation et l'application des lois, y compris le renforcement des capacités pour contrôler les importations et la distribution des médicaments, vaccins et réactifs de laboratoire.

Grâce à l'effort fourni par les partenaires du l'Initiative Faire Reculer le Paludisme, de l'OMS, et de la pharmacopée américaine, la plupart des propositions de financement pour la lutte contre le paludisme soutenues par le Fonds mondial de Lutte contre le Sida, la Tuberculose et le Paludisme comprennent désormais une composante stratégique pour surveiller les médicaments contrefaits et ceux ne respectant pas les normes.

Ainsi, les autorités chargées de la réglementation des médicaments dans les pays concernés doivent renforcer leurs capacités de surveillance, actualiser leurs procédures réglementaires, et mettre en place des systèmes simples de repérage, de reporting et d'information.

A la frontière entre le Cambodge et la Thaïlande, par exemple, les autorités locales identifient les pharmacies ou les magasins privés qui vendent illégalement des médicaments, détruisant les médicaments qui ne respectent pas les normes réglementaires nationales et infligeant des pénalités sévères.

Ces opérations commencent à porter fruit. Les enquêtes menées par divers partenaires coordonnés par des programmes nationaux, tels que ACTWatch, démontrent que moins d'antipaludéens contrefaits et non conformes ont été commercialisés en 2010 par rapport aux années précédentes.

L'OMS et ses partenaires ont également mis en place un mécanisme d'alerte sur Internet dans la Région du Pacifique occidental. Créé en 2001, cet outil a pour objectif d'améliorer la détection précoce, de faciliter les transmissions de données et la cartographie de médicaments potentiellement faux ou non conformes par les pharmacies et les points de vente officiels.

Ces efforts pourraient être reliés aux systèmes nationaux existants surveillant d'autres dangers, tels que l'intoxication d'origine alimentaire.

Mais avant toute chose, un tel système doit bien fonctionner à un niveau national, et cela nécessite davantage de financement. Des efforts devraient également être faits pour accroître la sensibilisation du public et encourager les utilisateurs à signaler les incidents.

Les bonnes pratiques

Autre priorité dans la lutte contre les médicaments contrefaits : il faut encourager une production de médicaments qui soit intégrée à un cadre mondial ou régional de 'bonnes pratiques de fabrication', comprenant un système de surveillance après commercialisation.

Le marché des contrefaçons reculera si nous mettons en place de bonnes pratiques et promouvons la sensibilisation du public au quotidien de façon systématique, et si nous prévoyons mieux les pénuries de médicaments pour produire des génériques de haute qualité.

Rien de tout cela n'est facile à mettre en œuvre, surtout lorsque le profit, plutôt que la santé publique, est la principale motivation des acteurs concernés. Cela est particulièrement difficile dans les pays à faible revenu, sans assurance santé pour les pauvres, et où le marché des médicaments progresse et n'est pas réglementé.

Mais des efforts sont aujourd'hui entrepris pour que le secteur privé ne distribue que des antipaludéens fortement subventionnés, de haute qualité. Ainsi, au Cambodge et dans certains pays africains, des initiatives telles que l'Affordable Medicines Facility – Malaria (Mécanisme pour des Médicaments abordables contre le Paludisme) pilotent des mécanismes subventionnés visant à rendre les antipaludiques authentiques disponibles au prix coûtant.

D'importantes subventions versées par le Fonds mondial ont également permis de s'assurer que des ACT de haute qualité sont largement promus dans tous les pays du Mékong. Ce qui n'était pas le cas il y a quelques années.

Mais tous les pays ne participent pas de la même manière à ces opérations ; les résultats prometteurs doivent donc être publiés ou documentées, et les bonnes pratiques identifiées et promues par le biais des médias.

Les médicaments contrefaits peuvent tuer, et les médicaments ne respectant pas les normes de qualité contribuent aux décès en favorisant l'émergence des résistances. Les pays à faible revenu doivent être soutenus dans la mise en place d'une réponse à long terme visant à documenter l'ampleur du problème et à s'attaquer à la menace avec des outils efficaces, une règlementation et l'application des lois.

Charles Delacollette est coordinateur du Programme Paludisme du Mékong, à Bangkok, en Thaïlande.

Cet article fait partie d'un Dossier spécial consacré à la Détection des médicaments contrefaits.