04/07/13

Les financements innovants peuvent stimuler la R&D dans la santé mondiale

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Crédit image: William Daniels / Panos

Lecture rapide

  • De nouvelles stratégies pourraient remédier aux différents blocages qui jalonnent le cycle de développement de nouveaux produits médicaux
  • Parmi ces stratégies figurent les investissements dans la R&D à un stade précoce et la création de mesures incitatives pour encourager le développement d’un marché
  • De tels investissements sont appelés à augmenter au cours des prochaines années

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Pour Trevor Mundel de la Fondation Gates, une vaste capacité pour développer et fournir des produits médicaux demeure inexploitée.
 
Quels que soient les chiffres exacts, rares sont ceux qui contestent le fait que seule une modeste fraction du financement de la R&D pour la santé cible la situation dans les pays pauvres, alors que ces régions portent la majeure partie du fardeau mondial de morbidité.

Cela n'est guère surprenant, vu que les marchés dans ces pays n’ont jamais su générer des rendements financiers suffisants pour soutenir le développement commercial de solutions de santé pour les maladies négligées.
 
Pour contribuer à la satisfaction des besoins sanitaires les plus urgents des pays en développement, la Fondation Bill & Melinda Gates recourt à une gamme de stratégies de financement innovantes qui, nous le croyons, peuvent aider les marchés à remédier aux obstacles qui jalonnent les différentes étapes du cycle permettant l’accès à de nouveaux produits médicaux, passant de la découverte, au développement et à la livraison.

Ainsi, effectuer des investissements en capital peut faire avancer la découverte et l'innovation à un stade précoce ; verser des prêts destinés à faciliter la commercialisation est un moyen efficace pour augmenter les quantités produites ; et proposer des garanties de volume et des fonds d'investissements sur la livraison permet d’aider les laboratoires pharmaceutiques et les fournisseurs de soins de santé à mettre des vaccins et des médicaments importants à la disposition des personnes qui en ont besoin.

Les partenariats public- privé ne sont certes pas rares dans le développement mondial ; pourtant, il est possible de tirer parti de nouvelles stratégies financières — qui viendront s’ajouter aux subventions traditionnelles, aux partenariats et aux efforts de sensibilisation — pour stimuler la R&D du secteur privé, encourager les rendements axés sur les marchés et attirer de nouveaux capitaux.

Cet objectif est particulièrement important, pour deux raisons. D’abord, le secteur privé dispose d’une énorme capacité inexploitée qui pourrait contribuer à la résolution des problèmes de santé dans les pays pauvres, et ce grâce à des plateformes technologiques innovantes ;  à des procédés de fabrication plus efficaces ; à une capacité à valider des modèles d'entreprise et déterminer la viabilité des produits commerciaux ; et au fait de disposer d'un accès aux ressources en capital comme les équipements et les usines de fabrication.

Deuxièmement, le secteur privé peut tirer parti d’une collaboration avec des institutions comme la nôtre dans les économies en développement, et bénéficier par exemple de la possibilité de tester de nouveaux concepts de produits, d’une meilleure compréhension des exigences réglementaires et de livraison dans les pays en développement, et d'un accès à d'importants marchés potentiels.

Les investissements en capital

 
Parmi les idées qui nous réjouissent le plus, en ce moment, est celle d'aider les jeunes entreprises de biotechnologie à avancer dans le développement à un stade précoce de solutions de santé potentiellement révolutionnaires, comme les médicaments ou les vaccins.

Les investissements de la Fondation étant motivés par des objectifs caritatifs plutôt que financiers, nous nous permettons d’investir de façon stratégique, alors qu’il s’agit là d’un stade particulièrement risqué dans le cycle entier de développement d’un produit.
 
Il y a deux ans, par exemple, nous avons investi US$ 10 millions dans Liquidia Technologies, dont la plate-forme nano-technologique de développement de produits promet peut-être de révolutionner le développement de vaccins et de médicaments plus sûrs et plus efficaces. L'approche de Liquidia permet une conception et une fabrication rapides, précises et rentables de vaccins et de traitements évolutifs à base de particules.

L'automne dernier, nous avons finalisé un investissement de US$ 6 millions dans Atreca, une société en phase de démarrage qui a développé une technologie destinée à aider les chercheurs à identifier rapidement les anticorps produits par les humains en réaction à diverses maladies. Ces connaissances peuvent, à leur tour, être utilisées pour accélérer le développement, à base d'anticorps, de vaccins, de traitements et de diagnostics pour des maladies infectieuses comme le VIH, le paludisme ou la tuberculose (TB).

Nous avons par ailleurs investi dans Biosciences Genocea, une société de biotechnologie utilisant la technologie pour identifier rapidement les antigènes des cellules immunitaires qui induisent des réponses immunitaires plus générales et plus puissantes que les antigènes des vaccins actuels.

Les prêts pour la commercialisation

 
Mais la découverte à un stade précoce n'est qu'une seule des pièces du puzzle. Nos investissements cette année dans Alere Inc. constituent un exemple de nos efforts visant à relancer la commercialisation de produits vitaux pour les pays en développement.
 
Alere développe des outils de diagnostic faciles à utiliser et rentables qui permettront de dépister avec précision et rapidité la tuberculose et le VIH — améliorant ainsi les technologies de laboratoire actuelles et aidant à lutter contre la propagation des souches de la tuberculose résistantes aux médicaments. Ces outils seront disponibles dans un appareil portable compact, alimenté par piles, susceptible d’être utilisé dans les dispensaires de soins de santé les plus élémentaires.
 
Une subvention de US$ 21,6 millions permettra de financer le développement d'un nouveau diagnostic de la tuberculose. Et des prêts de US$ 20,6 millions à des taux d'intérêt inférieurs à ceux du marché permettront de financer l'expansion des installations de fabrication de Alere en Allemagne, en échange d'un engagement à rendre ses produits de diagnostic de la tuberculose et du VIH disponibles à des prix abordables dans les pays en développement.

Réduire les risques

 
Créer ce genre de mécanisme incitatif  permet de ne relever qu'une partie du défi – reste encore à assurer la fourniture de solutions et de services de santé efficaces et abordables aux personnes qui en ont besoin.

Les incertitudes et les inefficiences dans les processus d’approvisionnement maintiennent souvent les coûts à des niveaux élevés et provoquent de fréquentes pénuries. Proposer des garanties de volume représente une façon de faire face à ces deux défis : ces garanties assurent aux fabricants qu'un marché existe pour leurs produits, et en permettant aux fournisseurs de planifier la fabrication et la distribution, elles réduisent les coûts et garantissent la stabilité des approvisionnements.

Ainsi, cette année, des accords ont été signés avec Bayer HealthCare et Merck pour assurer la disponibilité d’implants réversibles, à usage contraceptif et à action prolongée, pour des dizaines de millions de femmes dans les pays les plus pauvres du monde, à un coût réduit de plus de 50 pour cent. [1]

Nous avons également pris l’engagement — aux côtés d'autres investisseurs – de fournir US$ 7 millions au Fonds pour la santé en Afrique (Africa Health Fund), qui investit dans des entreprises de santé privées fournissant des outils et des services de santé haut de gamme et à des prix abordables aux populations à faible revenu sur le continent.

Le Fonds travaille en collaboration avec l'Hôpital des femmes de Nairobi pour créer de nouvelles cliniques dans les communautés mal desservies dans l'ouest du Kenya. Il finance par ailleurs l’expansion d'un fabricant kenyan d’aiguilles à usage unique en Ouganda et en Tanzanie.

Nous travaillons également avec le Fonds pour le crédit médical (Medical Credit Fund), une entreprise à but non lucratif qui octroie de petits prêts aux sages-femmes et aux cliniques médicales traditionnelles en Afrique pour les aider à améliorer leurs prestations de services et à assurer leur viabilité. Les cliniques reçoivent également une assistance commerciale et technique visant à renforcer leurs opérations et leurs pratiques sanitaires de base.

Au cours des prochaines années, nous comptons bien augmenter nos investissements dans ces types de mécanismes de financement innovants. Certes, de telles initiatives sont parfois au-delà du champ d’intervention d’autres organisations philanthropiques ; néanmoins, nous sommes confiants de leur capacité potentielle à catalyser la découverte et le développement de nouveaux outils dans la lutte contre les maladies dans le monde en développement.

Trevor Mundel est président de la Division Santé mondiale à la Fondation Bill et Melinda Gates.

Références

[1] Darmstadt et al. La planification familiale prenant sa place sur la scène mondiale  (Fondation Bill et Melinda Gates, 2013)