16/04/09

Le traitement de l’eau à la nanotechnologie: l’innovation est une exigence

L’utilisation de la nanotechnologie pour produire une eau potable claire et saine pourrait être une option viable Crédit image: Flickr/hypergurl

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

Selon Ashok Raichur, l’utilité de la nanotechnologie pour le traitement de l’eau serait conditionnée à la conception d’un produit utilisable.

Le monde de la nanotechnologie, qui évolue rapidement, captive les chercheurs dans des domaines aussi différents que la santé, la nutrition, l’agriculture et l’environnement. En particulier, de nombreux pays en développement étudient à l’heure actuelle la manière dont ils pourraient utiliser la nanotechnologie pour améliorer l’accès à l’eau potable. Un grand nombre de travaux ont été menés au cours de ces dix dernières années sur les nanoparticules dans le domaine du traitement de l’eau. Le Brésil, la Chine, l’Inde, l’Arabie saoudite et l’Afrique du sud disposent tous de centres spécialisés dans les recherches sur la nanotechnologie appliquée au traitement de l’eau.

Des scientifiques ont relevé le premier défi en produisant eux-mêmes des nanoparticules. Mais l’utilisation efficace de ces nanoparticules dans le traitement de l’eau à grande échelle est plus difficile et tout le potentiel de la nanotechnologie n’a pas encore été dévoilé. Alors que des applications pour un usage domestique sont prometteuses, , des chercheurs du Centre atomique de Mumbai, en Inde, font des progrès dans le domaine des filtres à eau en utilisant des nanotubes en carbone. Les produits commerciaux dans le monde en développement sont toutefois encore rarissimes, en particulier les produits qui sont à la portée des pauvres de la planète.

Or, les propriétés uniques des nanoparticules les rendent particulièrement adéquates au traitement de l'eau. Elles peuvent potentiellement améliorer des processus d’absorption,de catalyse et de désinfection. Les nanoparticules ont souvent amélioré les propriétés catalytiques. Par exemple, le nanoanhydride titanique est de loin préférable aux particules conventionnelles de la taille d'un micron pour la décomposition des molécules organiques nocives pour l'environnement. De même, le nanoanhydride titanique et le nanosievert sont de puissants désinfectants de l’eau potable. Plus important encore, des nanoparticules peuvent être facilement conçues pour la production de particules préparées spécialement pour des applications spécifiques.

Avec l’augmentation de la demande dans les pays en développement, l’utilisation de la nanotechnologie pour produire une eau potable claire et saine semble être une option viable.

Mais le passage aux applications à des fins commerciales est compliqué et reste encore un objectif à long terme pour la majorité des pays en développement. La seule production de nanomatériaux en quantités suffisamment importantes pour des applications industrielles est compliquée et peut coûter cher.

Préoccupations par rapport à la toxicité des nanomatériaux

Les nanomatériaux peuvent également poser des problèmes lors de la manipulation et de l’utilisation. En des termes simples, leur très petite taille les rend facilement transportables dans l’air et difficiles à contenir. Eu égard aux risques à ce jour inconnus qu’ils pourraient représenter pour la santé et l’environnement, ils doivent être extraits de l’eau avant son évacuation– afin d’éviter la contamination de l’environnement ou des chaînes alimentaires.

Mais le filtrage des nanoparticules est quasi impossible. En effet, leur très petite taille leur permet de boucher facilement les matériaux filtrants. Vu la grandeur des échelles sur lesquelles fonctionnent les usines de traitement de l’eau, le filtrage des nanoparticules peut également s’avérer être une opération onéreuse, qui vient s’ajouter au coût du traitement de l’eau.

Les préoccupations au sujet des effets potentiellement toxiques des nanoparticules entrant dans la chaîne alimentaire sont générales. Nous ne savons, en effet, pas encore comment les nanoparticules affectent le corps humain. Grâce leur taille, elles peuvent franchir de nombreuses barrières et atteindre des organes sensibles tels que le cerveau et le coeur, et sont également difficiles à extraire du corps. La nanotoxicologie est un domaine de recherche nouveau. A travers le monde, des chercheurs étudient les effets des nanoparticules sur différentes formes de vies. Alors que les effets néfastes sont encore loin d’être maîtrisés, nous devons faire preuve de prudence lorsque nous utilisons des nanoparticules – surtout pour le traitement de l’eau.

Nécessité d’une technologie innovante

La résolution des difficultés liées au traitement de l’eau grâce à la nanotechnologie passe par le développement de solutions innovantes et la conception d’un produit revalorisable. Le développement de méthodes empêchant la suspension des nanoparticules dans l’eau pourrait être une réponse à ces difficultés. Par exemple, on peut coller – ou ‘immobiliser’ – les nanoparticules sur des matériaux appropriés tels que les tôles en acier ou en plastique, qui à leur tour peuvent être facilement trempées et retirées des réservoirs d'eau pour être utilisées comme des catalyseurs ou des absorbants.

On doit pour cela veiller à maintenir la taille et l'intégrité des nanoparticules de manière à conserver les bénéfices de l'exploitation à l'échelle nanonumérique. Mais si cela est faisable, l'immobilisation est une bonne technique puisqu’elle débarrasserait l’eau de nanoparticules pendant et après le traitement de cette eau . A l’Institut indien des sciences, à Bengalore, nous développons actuellement cette technique pour décomposer les molécules organiques au moyen du nanoanhydride titanique. Les résultats sont très prometteurs et nous travaillons en étroite collaboration avec l’Université de Johannesbourg afin d’étendre le processus dans un avenir proche.

Les chercheurs dans le domaine de la nanotechnologie doivent également travailler avec des médecins et d’autres scientifiques pour comprendre pleinement les effets toxiques des nanoparticules et leur sort dans l’environnement, et trouver dans le même temps des solutions techniques à ce problème.

L’urgence du moment, notamment dans les pays en développement, est le développement de nouveaux matériaux pour produire de l’eau potable claire de manière efficace. Mais le pus grand défi à relever est de trouver des moyens innovants pour exploiter les propriétés originales des nanomatériaux pour le plus grand bien de l’humanité sans nuire à l’environnement

Ashok Raichur est professeur associé au Département du génie des matériaux à l’Institut indien des sciences, à Bangalore, en Inde.