16/04/09

La nanotechnologie pour une eau propre : de nouvelles règles

L’étiquetage des déchets contenant des nanomatériaux comme potentiellement dangereux peut permettre aux gens de prendre des précautions lors de leur manipulation Crédit image: ricardo/zone41.net

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Selon Malini Balakrishnan et Nidhi Srivastava, la nanotechnologie, qui est une technologie émergente permettant la purification de l’eau, devrait être réglementée à ce stade avec les lois existantes.

Partout dans le monde, la baisse des approvisionnements en eau et la qualité de l’eau, qui ne cesse de se détériorer, sont à la base des innovations réalisées dans le domaine des technologies de traitement de l’eau. La nanotechnologie est une technologie clé dans la mesure où elle contribue à améliorer un grand nombre d’applications, depuis les systèmes de dessalement de l’eau de mer à grande échelle aux filtres d’eau domestiques ou encore les filtres d’élimination de l’arsenic.

En raison des propriétés particulières et des applications potentielles des nanoparticules dans les domaines de l’énergie, de la santé et de l’agriculture, les partisans de la nanotechnologie la perçoivent parfois comme une ‘solution en or’ pour résoudre un certain nombre de problèmes de développement. D’autres soutiennent que les nanomatériaux pourraient être les prochaines amiantes, avec des effets inconnus sur la santé et l’environnement, et qu’ils devraient donc être strictement réglementés. Ces préoccupations sont particulièrement pertinentes pour les pays en développement, qui représentent potentiellement de grands marchés pour le traitement de l’eau a l’aide de la nanotechnologie mais qui pourraient ne pas réussir à faire face aux effets indésirables non prévus. De nouveaux règlements pourraient sembler constituer, à cet effet, une solution évidente, mais nous devrions réfléchir avant de franchir le pas.

Une nouvelle gamme de problèmes

Les risques potentiels de santé découlant de l’ingestion de nanoparticules artificielles ou de l’exposition à celles-ci sont les premières raisons qui ont présidé à cette campagne pour l’établissement de nouvelles règles.

Les inquiétudes concernant les filtres et les matériaux filtrants contenant des nanomatériaux et leur impact sur l’environnement sont également d’actualité. Si la nanotechnologie devait être utilisée à grande échelle, l’élimination des nanomatériaux deviendrait difficile à canaliser, en particulier quand ils sont utilisés dans des applications domestiques ou a l’échelle de la communauté. La situation serait similaire à celle des téléphones cellulaires. A moins que le fournisseur ne s’engage à collecter et à gérer les produits usagés à base de nanotechnologie – par exemple ceux issus de l’entretien des systèmes de traitement de l’eau – les matériaux auront de très fortes chances de finir dans les sites de dépôt et de décharge locaux

Les pays en développement non informés pourraient subitement se retrouver face à une gamme totalement nouvelle de problèmes de pollution. Dans le domaine des applications relatives à la purification de l’eau, le nanomatériau est habituellement associé à d’autres matériaux ou logé dans des matériaux tels que les filtres qui le retiennent. Mais cela peut ne pas toujours être le cas. Par exemple, on sait que les nanoparticules en argent utilisées comme agents de neutralisation des odeurs dans les édifices s’infiltrent après trempage dans l’eau. Si les nanomatériaux se retrouvent dans des masses d’eau, ils pourraient affecter la population et la dynamique alimentaire, en nuisant à la vie en milieu aquatique. Des études effectuées aux Etats-Unis ont montré que si des nanoparticules se retrouvent dans des boues d’épuration qui sont utilisées par la suite comme engrais, elles pourraient nuire à la croissance des végétaux.

Nouvelle technologie, nouvelles règles?

Des règles nouvelles et distinctes pour l’utilisation de la nanotechnologie dans le domaine de la purification de l’eau peuvent paraître comme une panacée pour la gestion de ces risques. Leur application est à ce stade peu souhaitable, et ce pour deux raisons.

Dans un premier temps, nous ne connaissons pas encore tous les risques liés à l’utilisation de la nanotechnologie pour purifier l’eau, il est donc difficile de la réglementer, d’autant plus que des règles définitives pourraient rapidement devenir obsolètes avec l’apparition de nouveaux risques. La réglementation de la nanotechnologie dans son sens large en est encore à ses débuts – et apparaît d’habitude comme une réaction à des développements technologiques rapides. Alors que les risques sont encore en cours d’identification et de définition, notre priorité serait de nous assurer que les règles actuelles sont suffisamment flexibles pour faire face à de nouvelles menaces au fur et à mesure qu’elles apparaissent.

Le régime règlementaire de traitement des eaux doit de toute façon être suffisamment flexible pour faire face à toutes les préoccupations – quelles que soient la technologie ou les matières premières utilisées. Imaginez que nous forgions une gamme distincte de règles pour la nanotechnologie en matière de purification de l’eau. Demain, si une nouvelle technologie avec de nouvelles propriétés pour le traitement de l’eau voit le jour, nous aurons besoin d’une toute nouvelle gamme de règles. Ce manque de perspicacité limiterait la capacité de la loi à faire face aux risques nouveaux et émergents, et également à créer des chevauchements administratifs.

L’établissement de nouvelles règles pour la nanotechnologie dans le domaine du traitement de l’eau n’est pas plus souhaitable pour une raison pratique. Le traitement de l’eau dans sa totalité comporte un certain nombre d’aspects différents, y compris les plans de traitement, les réseaux d’approvisionnement et l’élimination des déchets. La majorité de ces aspects est gérée par de multiples organismes gouvernementaux et régie par des règlements. En Inde, par exemple, la gestion des déchets est régie par des lois sur les matériaux dangereux, des lois municipales sur les déchets solides, et la Loi sur la pollution de l’eau. L’ajout de nouveaux règlements à cette liste, par exemple pour contrôler la manière dont sont éliminés les filtres contenant des nanomatériaux, ne pourra que créer de la confusion. De plus, la microségrégation des déchets serait difficile à cause des règlements qui se chevauchent.

Des règles adaptées aux besoins

L’adaptation des règles aux nouveaux défis ne nécessite pas de nouvelles lois. Au contraire, le principe de précaution (avertissement à l’avance) – déjà utilisé dans les lois environnementales — peut être étendu aux applications de la nanotechnologie. La pléthore actuelle de règlements sur la santé et la sûreté professionnelle et environnementale peut être modifiée pour reconnaître que les nanomatériaux ont des caractéristiques différentes.

Ainsi, les exigences d’étiquetage qui indique la quantité et le type de nanomatériaux utilisés dans un produit, et la reconnaissance des déchets contenant des nanomatériaux potentiellement dangereux, peuvent aider les gens à prendre des précautions adéquates lors de la manipulation et la gestion de ces matériaux. De même, des normes pour les limites admissibles des différentes substances dans l’eau potable peuvent être actualisées pour refléter les préoccupations relatives à la nanotechnologie.

Encourager les décideurs et les régulateurs à faire preuve de volonté et de capacité pour comprendre et aborder les défis de la nanotechnologie est plus important qu’un nouveau règlement. Une plus grande coordination interministérielle et départementale, un échange d’informations et un renforcement de capacités sont nécessaires. Après tout, un règlement n’est bon qu’en fonction de la sincérité et de la réussite que connaît son application.

Malini Balakrishnan est ingénieur en biochimie et Nidhi Srivastava juriste à l’Energy and Resources Institute (TERI), de New Delhi, en Inde. Ces propos n’engagent qu’eux. Les auteurs expriment leur gratitude à l’endroit du projet soutenu par le CRDI sur les capacités, la gouvernance, et l’évolution des nanotechnologies en Inde, qui a servi de référence au présent article.