14/05/09

Grippe porcine : jusqu’ici tout va bien

La possibilité d'une pandémie mondiale de grippe porcine a mobilisé les autorités sanitaires Crédit image: Flickr/Playadura*

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La probabilité d’une grave pandémie mondiale de grippe porcine semble diminuer – le bon journalisme n’est y pas étranger

Lorsque les premiers cas de grippe porcine — ainsi nommée en raison du rôle joué par les cochons dans son origine supposée, mais depuis rebaptisée de manière moins provocante grippe A(H1N1) – ont été signalés au Mexique le mois dernier, la possibilité d’une pandémie mondiale a mis en branle les milieux médicaux et politiques partout sur la planète.

Pour l’instant, nos pires craintes ne se sont pas concrétisées. Hier (14 mai), si 61 personnes sont décédées — sur les 6 000 infectées – 56 de ces décès ont eu lieu au Mexique, pays où la maladie s’est manifestée en premier. Dans de nombreuses régions du monde, dont en Afrique et en Asie du Sud, aucun cas n’a encore été confirmé (voir Les projections sur une grippe porcine grave divisent les scientifiques).

Cela ne veut pourtant pas dire que nous pouvons baisser la garde. Ainsi, les premières épidémies d’une forme relativement bénigne de grippe ont souvent été suivies de plusieurs mois d’une souche beaucoup plus virulente à mesure que le virus mute. Ce fut le cas en 1918 avec la ‘grippe espagnole’ qui a tué peut-être près de 100 millions de personnes à travers le monde.

Il est largement reconnu que si une telle pandémie devait se reproduire, les habitants des pays en développement seraient les plus menacés ; la promiscuité y favorisant la propagation rapide d’un virus contagieux, mais également parce que de nombreux pays ne disposent ni d’infrastructures de diagnostic, ni de traitements ni de vaccins contre la grippe.

Combler le fossé

L’OMS, qui mène la riposte mondiale à la pandémie, a à son actif le fait d’avoir fait du traitement équitable pour les pays en développement une priorité.

Sous le leadership de Margaret Chan – reconnue pour ses qualités de chef du service médical de Hong Kong en charge de la campagne contre le virus du SRAS en 2003 – l’OMS ne cesse de forcer la main des producteurs de vaccins pour s’assurer qu’il y aura suffisamment de vaccins disponibles, à un prix abordable, aussi bien pour les riches que les pauvres.

Son succès ne sera pas connu avant la semaine prochaine, les principaux fabricants de vaccins se réunissant à Genève, en Suisse. Il leur faudra discuter d’une décision attendue ce vendredi (14 mai) concernant une éventuelle mise à disposition des moyens de production des vaccins contre la grippe conventionnelle pour la fabrication de vaccins contre le nouveau virus.

La semaine dernière, la directrice de l’OMS chargée de la recherche sur les vaccins, Marie-Paule Kieny, a affirmé que l’organisation prenait déjà des mesures en coulisses pour s’assurer que les fabricants prendraient pleinement en compte les besoins des pays en développement, en cas de lancement d’un programme majeur de fabrication de vaccins (voir l’OMS ‘s’assurera que les pauvres recevront le vaccins contre la grippe porcine’).

De la nécessité d’investir chez soi

Par ailleurs, certains pays en développement sont déjà au stade de planification de leurs propres programmes de production de vaccins. L’Indonésie, ainsi, fait construire des infrastructures de recherche afin de produire un vaccin unique protégeant contre les grippes porcine et aviaire. Les autorités sanitaires ne peuvent pas préciser la date à laquelle elles pourront entamer la production d’un tel vaccin, mais la construction d’un site est d’ores et déjà pratiquement achevée.

Certaines compagnies pharmaceutiques et des institutions publiques de recherche en Inde ont aussi convenu cette semaine d’examiner les compétences et la technologie nécessaires pour produire un vaccin local en cas de deuxième vague de grippe A(H1N1) vers la fin de cette année.

Le chemin est encore long, bien sûr, avant que ces pays ne puissent égaler la capacité de production des pays développés. Mais leur volonté d’investir dans des technologies clés – motivée sans doute par la perspective de marchés de plus en plus importants dans d’autres pays en développement – est prometteuse.

Leurs efforts seront facilités par le Center for Disease Control d’Atlanta, dans l’Etat de Géorgie, aux USA, qui cède gratuitement des échantillons du virus A(H1N1) nécessaires dans la production de vaccins. Ce signe d’ouverture de la part des autorités américaines est le bienvenu, et vient contraster le contrôle strict de la propriété intellectuelle qu’on observe habituellement dans l’industrie pharmaceutique mondiale. 

Le bon journalisme

Ce n’est pas si fantaisiste que d’affirmer qu’une bonne couverture médiatique – rendue possible par un journalisme électronique immédiat et fouillé – a contribué à l’état actuel des choses.

Certes, certains gros titres ont cherché à amplifier la gravité de la pandémie, et pourraient avoir été à l’origine de réactions excessives de la part de certains gouvernements. L’Egypte, par exemple, s’est vue critiquée pour avoir pris la décision d’abattre tous ses porcs – approximativement 300,000 bêtes.

En général, la couverture médiatique a néanmoins fait preuve de responsabilité et d’exactitude, évitant de minimiser ou d’exagérer la menace, tout en examinant minutieusement des questions telles que la nécessité de réserver un traitement équitable au monde en développement. 

Les leçons tirées des précédentes pandémies semblent ainsi bien assimilées. Chan elle-même s’y connaît bien ; la préoccupation publique en Chine au sujet de l’épidémie de SRAS n’a été qu’exacerbée par les tentatives de contrôler sa couverture par les médias (voir La Chine doit faire encore plus pour promouvoir l’esprit scientifique). L’OMS, tirant les enseignements de commentaires peu judicieux de l’un de ses principaux responsables lors de l’épidémie de grippe aviaire, s’est montrée plus circonspecte dans ses commentaires (‘voir Grippe aviaire : le rôle des journalistes scientifiques).

Il faudra encore tirer certaines leçons de l’épidémie actuelle : les autorités mexicaines ont pris trop de temps pour reconnaître la présence d’une nouvelle souche, et les infrastructures de diagnostic appropriées font défaut dans de nombreuses parties du monde en développement, en particulier en Afrique.

Les arguments de ceux qui militent pour la vigilance restent valables. Il en est de même pour ceux qui prônent la reconnaissance du rôle extrêmement important d’un bon journalisme sur la réponse des autorités de la santé publique, dans les pays développés comme dans les pays en développement.

David Dickson                                           
Directeur, SciDev.Net