17/07/08

Maladies chroniques : faits et chiffres

Crédit image: WHO/Serge Resnikoff

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Priya Shetty explore les vérités et les mythes sur les maladies chroniques dans le monde en développement.

Le monde en développement fait face actuellement à une nouvelle menace mortelle pour la santé humaine : les maladies chroniques. Les maladies telles que le cancer, le diabète et les maladies cardiovasculaires prennent aujourd’hui rapidement le pas sur les infections pour devenir les plus grands tueurs dans le tiers-monde.

Les chiffres sont démoralisants. Près de 80 pour cent des personnes qui meurent des maladies chroniques et des maladies non transmissibles vivent dans le monde en développement. En 2002, le nombre de personnes mortes de cancer à travers le monde, soit 7,6 millions, était supérieur aux 5,6 millions de morts de VIH/SIDA, de paludisme et de tuberculose réunis.

Tout porte à croire que la situation se détériore. L’incidence du cancer à travers le monde a augmenté de 19 pour cent entre 1990 et 2000, principalement dans les pays en développement. D’après les estimations, le nombre de décès dus à la cardiopathie ischémique (découlant des restrictions en matière de réserve de sang) à travers le monde augmentera, entre 1990 et 2020, de 120 pour cent chez les femmes et de 137 pour cent chez les hommes. Entre 2000 et 2030, le nombre de personnes vivant avec le diabète passera de 171 millions à 366 millions, dont 298 millions dans les pays pauvres.

Évolution des pathologies dans les pays en développement

Source: International Journal of Epidemiology 34, 961-966 (2005)

 

Prévalence du diabète (en millions)

Source: adapté de l’International Journal for Equity in Health  4, 2 (2005)

Tout ceci menace de grands pans de la productivité économique, ponctionnant de manière phénoménale les économies des pays. L’OMS estime qu’au cours de la prochaine décennie, la Chine perdra une masse de US$ 558 milliards et l’Inde, 237 milliards de leurs revenus nationaux à cause du diabète, des maladies et attaques cardiaques. Tout simplement, ces pays ne peuvent pas se permettre de ne pas s’attaquer aux maladies chroniques.

Pertes économiques dues aux maladies chroniques dans les pays en développement

Source: adapté de la revue The Lancet 370, 1929-38 (2007)


Liens entre les maladies

Certaines maladies infectieuses coexistent – par exemple, les personnes vivant avec le VIH/SIDA sont très exposées à la tuberculose à cause de la faiblesse de leur système immunitaire. De même, les maladies immunitaires peuvent être liées à d’autres manifestations de mauvaise santé, que ce soit biologiquement ou socialement.

Les mères qui sont déprimées, par exemple, sont moins susceptibles de prendre convenablement soin de leurs bébés et pourraient être à l’origine chez ces derniers des problèmes de santé infantile tels que la malnutrition et l’oubli de vaccins. 

Le diabète de type 2 (diabète non insulino-dépendant) est étroitement lié à l’obésité. Près de 90 pour cent des cas de ce diabète sont dus à l’excès de poids. L’obésité, à son tour, est liée aux maladies cardiovasculaires. Les personnes obèses sont cinq fois plus susceptibles d’avoir l’hypertension que celles dont le poids est normal.

Un problème double

Ces tendances comportent un danger particulier pour les systèmes de santé des pays en développement. Les maladies chroniques non transmissibles tuent actuellement plus de personnes que les maladies infectieuses. Ces dernières représentent toujours néanmoins une menace considérable pour la santé des pauvres à travers le monde. En Inde, par exemple, 2,5 millions d’enfants meurent chaque année de suite d’infections telles que la diarrhée, le paludisme et la pneumonie.

Les systèmes de santé dans les pays en développement, dont bon nombre souffrent déjà d’un manque de ressources et d’une incapacité à répondre aux besoins, doivent à présent supporter ce double fardeau. Toutefois, pendant que le système mondial d’aide engouffre des millions chaque année dans la lutte contre les maladies infectieuses dans les pays pauvres, on consacre comparativement peu d’argent à la lutte contre les maladies chroniques.    

Il n’y a à l’heure actuelle aucune initiative majeure des donateurs pour combattre les maladies chroniques, contrairement au paludisme et au VIH/SIDA. L’aide officielle pour le développement consacrée à la santé était de $ 2,9 milliards en 2002, dont 0,1 pour cent a été consacré aux maladies chroniques. Les chiffres réels pourraient être légèrement plus élevés, puisque 30 pour cent des sommes versées vont aux services de santé de base, qui s’attaqueraient également aux maladies chroniques. 

Une bonne partie des données disponibles sur le poids et la prévalence des maladies chroniques vient de l’OMS, qui essaie d’établir une carte claire de la répartition de ces maladies dans les différentes régions de la planète. Il est important de connaître comment les tendances des maladies évoluent, mais il est tout aussi important de comprendre les raisons pour ces évolutions.

Cause et effet

Beaucoup de personnes continuent à penser que les maladies telles que le diabète, l’obésité et les maladies cardiovasculaires n’affectent que les habitants des pays industrialisés, et en conséquence plus riches, où les facteurs de risque tels que la consommation d’aliments plus gras, la pratique de moins d’exercices physiques, et la consommation de plus de tabac et d’alcool sont courants. Toutefois, de nombreux pays en développement voient leurs économies s’améliorer, avec un changement correspondant des comportements.

Entre 2000 et 2005, le produit intérieur brut (PIB) de la Chine a augmenté à un taux moyen de presque dix pour cent et celui de l’Inde, de sept pour cent, tandis que le taux de croissance moyen dans d’autres pays à faible revenu et à revenu intermédiaire était de cinq pour cent. Dans les pays riches, le PIB n’a atteint que deux pour cent au cours de la même période.

Alors que le Brésil, la Chine et l’Inde sont les trois pays présentant les meilleurs profils, beaucoup d’autres pays à travers le monde deviennent également plus riches.

En 2002, l’hypertension (un facteur de risque important pour les maladies cardiovasculaires) a été partiellement responsable de 15,8 pour cent de décès aux Etats-Unis. Or, la Chine et le Brésil, avec respectivement 14,3 et 12,7 talonnent ce chiffre.

Les Etats-Unis sont considérés comme le pays où se pose le plus le problème d’obésité – en 2002, 11,5 pour cent de tous les décès y étaient dus à un indice de masse corporelle élevé. Au Mexique, cependant, ce pourcentage était de 14,4 pour cent, représentant 639,400 années de vie perdue.

L’OMS a créé une base de données consultable sur les facteurs de risque dans 180 pays, l’accent étant mis sur des facteurs clés tels que le tabagisme, l’obésité ou la tension artérielle.

Toutefois, la richesse et les risques ne sont pas les seules causes croissantes des maladies chroniques. En 2005, le pourcentage de personnes âgées de 65 ans ou plus dans les pays en développement était de 5,5 pour cent. Tout porte à croire que ce pourcentage atteindra 9,8 en 2030 et 15 pour cent d’ici 2050 (voir tableau).

Bine sûr, ces données montrent que les efforts mondiaux pour s’attaquer au problème des maladies infectieuses portent des fruits et que les gens vivent plus longtemps – mais avec un envers mortel. En termes simples, les gens vivent assez longtemps pour que leurs risques croissants causent des maladies chroniques. 

Prévalence de l’obésité en 2002

Source: Infobase/OMS

Vitesse de vieillissement de la population

Source: Population Reference Bureau (2006)


Approches éfficientes

Tout programme de soins de santé doit concourir avec une centaine d’autres priorités de financement et, dans les pays en développement en particulier, l’efficience permet de déterminer si un programme sera viable ou non.

Il existe plusieurs moyens peu onéreux pour réduire le risque de maladies chroniques. La réduction de la consommation de sel de 15 pour cent et la mise en œuvre des éléments clés du cadre de l’OMS de lutte contre le tabagisme (tel que l’augmentation des taxes sur le tabac) pourraient coûter seulement US$ 0,14 par personne par an dans les pays en développement.

Des régimes à plusieurs médicaments, constitués de statine, d’aspirine et de deux anti-hypertenseurs pour s’attaquer aux maladies cardiovasculaires coûteraient US$ 0,43-0,90 par an dans les pays à faible revenu et US$ 0,54-2,93 par an dans les pays à revenu intermédiaire. Ils permettraient de sauver probablement 17,9 millions de vies au cours des dix prochaines années.

La prochaine étape sera de chercher à savoir comment vulgariser ces mesures, et comment accroître la sensibilisation du public dans les pays en développement, de sorte que les gens soient désireux d’adopter ces stratégies.

Cinq mythes sur les maladies chroniques

Mythe 1 : Nous devons nous occuper d’abord du VIH/SIDA, de la tuberculose et du paludisme.

Les maladies chroniques commencent à progresser à côté des maladies infectieuses, et beaucoup de personnes meurent d’une combinaison des deux. Les systèmes de santé doivent donc s’occuper des deux types en même temps, les maladies infectieuses pouvant par ailleurs devenir chroniques.

Mythe 2 : La croissance économique améliorera automatiquement l’état de santé.

Le développement peut améliorer la santé, mais la croissance économique peut également favoriser la progression des maladies liées au style de vie telles que le diabète.

Mythe 3 : Les mauvais choix de style de vie peuvent conduire à un état chronique, les individus en devenant responsables.

Les contextes sociaux et culturels influencent les choix personnels des individus. Ainsi, les gouvernements, l’industrie, etc. jouent aussi un rôle important.

Mythe 4 : La chronicité est un problème chez les riches et les pauvres.

Une mauvaise situation socio-économique accroît l’exposition aux facteurs de risque et réduit l’accès aux soins médicaux de qualité. Dans les pays en développement, les individus à haut risque sont beaucoup plus jeunes que dans les pays développés.

Mythe 5 : Le traitement de l’état chronique coûte très cher pour les pays développés.

La recherche démontre que l’application de certaines stratégies telles que la réduction de la consommation de sel peut coûter juste quelques centimes par personne par an.


Adapté des Mythes sur les Maladies Chroniques The Oxford Health Alliance avec des informations supplémentaires tirées du supplément de The Lancet sur les maladies chroniques  (Décembre 2007).

Références

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Bustelo, P. L’essor économique de la Chine et de l’Inde et ses implications pour l’Espagne. Real Instituto Eleano (2007). 

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