24/12/17

Cameroun : Nouvelles pistes pour endiguer les faux médicaments

Africa Fake Camer
Un sac de faux médicaments saisi en Afrique - Crédit image: Organisation Mondiale de la Santé (OMS)

Lecture rapide

  • Un plan de lutte consolidé, regroupant tous les acteurs, est sur le point d’être lancé
  • Les professionnels recommandent également la couverture sanitaire universelle
  • Le développement de l’industrie pharmaceutique locale aiderait aussi à baisser les coûts

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

[YAOUNDE] Confronté à l’inefficacité des dispositifs déployés aux frontières et sur le territoire, le gouvernement camerounais s’apprête à lancer une nouvelle stratégie de lutte contre les faux médicaments.
 
D’après la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), ceux-ci sont constitués de produits ne renfermant aucun principe actif, de produits ayant un principe actif autre que celui qu’il faut, et de produit présentant un principe actif correct mais à un dosage erroné. "On trouve également dans ces produits de l’amidon de maïs, de pomme de terre ou de la craie", ajoute l’organisation.
 
Cela dit, il est maintenant question au Cameroun de mettre en œuvre une approche multisectorielle pour réorganiser complétement le combat.
 
Selon Marlise Loudang Meguieze, inspecteur général au ministère de la Santé publique, "un groupe de travail a été mis sur pied pour élaborer un plan national consolidé de lutte, qui intègre tous les acteurs : les administrations publiques, les organisations professionnelles, les associations de malades, les firmes pharmaceutiques, les partenaires au développement, etc."
 
"Nous croyons beaucoup à cette coordination. Et nous voudrions qu’au bout, il y ait une action pérenne et non des opérations ponctuelles", espère Prosper Hiag, président de l’Ordre des pharmaciens du Cameroun.
 
Veille pharmaceutique
 
Au ministère de la Santé, on s’apprête aussi à renforcer le système de veille pharmaceutique et à développer la collaboration avec les pays de la sous-région, grâce à l’appui d’Interpol.
 
Sans oublier l’option prise par le gouvernement de ratifier prochainement la convention Médicrime [1] sur la contrefaçon des produits médicaux.
 
Pour Esther Tallah, présidente de la Cameroon coalition against malaria (CCAM), "nous devons faire beaucoup de sensibilisation auprès des populations et implémenter dans le même temps les décisions qui sont prises ; par exemple, en veillant à ce que les médicaments interdits ne soient plus présents sur le territoire et en s’assurant que ceux qui sont autorisés sont disponibles partout".
 
Une cartographie du système d’approvisionnement et de distribution de médicaments au Cameroun [2] indique en effet que le pays ne comptait en 2008 que 350 pharmacies concentrées essentiellement à Douala et à Yaoundé, laissant la plupart des villes et villages avec peu ou pas du tout d’officines.
 
Mais, pour Tetanye Ekoe, vice-président de l’Ordre des médecins et Rose Ngono Mballa, directrice du Laboratoire national de contrôle de qualité des médicaments et d’expertise (Lanacome), il n'est guère besoin de chercher loin. L’Etat doit tout simplement appliquer "rigoureusement" les lois et les règlements [3] relatifs à la circulation des médicaments au Cameroun.
 
Couverture sanitaire universelle
 
Ces textes interdisent strictement la vente des médicaments par des personnes autres que les pharmaciens et prévoient des amendes et des sanctions pénales à l’encontre des contrevenants.
 
"Il faut fermer ces marchés de rue qui se font jusque devant nos hôpitaux sans que les acteurs soient inquiétés ; c’est tout", martèle Rose Ngono Mballa, visiblement agacée de "dire la même chose depuis vingt ans".
 
"Oui, mais, où irons-nous ? Qu’allons-nous faire pour nourrir nos familles ?" réagit Patrick F., titulaire d’une licence en géographie et vendeur de médicaments de la rue.
 
Et de poursuivre : "L’Etat camerounais est lui-même conscient du très fort taux de chômage des jeunes diplômés qui n’ont finalement que le secteur informel, d’une manière générale, pour survivre. C’est pour cela qu’il hésite à appliquer ces textes".
 
Pourtant, personne n’ignore les effets de le consommation d’un faux médicament. "Au mieux il est inefficace ; et au pire, il pourrait se transformer en poison parfois mortel pour le patient", souligne Marlise Loudang Meguieze.
 
Face à ce qui s’apparente finalement à un dilemme, Prosper Hiag estime que deux solutions efficaces pourraient être la couverture sanitaire universelle et le développement de l’industrie pharmaceutique locale.
 
Industrie locale
 
"La couverture sanitaire universelle, associée au développement de l’industrie locale, entraînerait la diminution du coût de la santé pour les ménages. Et côté couverture sanitaire, le patient ne sera remboursé que s’il a acheté ses médicaments dans un circuit légal", explique-t-il.
 
Maher Ouertatani, directeur général adjoint de Cinpharm (Compagnie industrielle pharmaceutique) renchérit : "Si l’industrie locale dans toute l’Afrique se développe avec une augmentation du nombre de firmes pharmaceutiques, le volume de médicaments va croître sur le marché, les prix vont baisser et les trafiquants ne pourront plus trouver leurs comptes. Car, ils jouent sur les coûts".
 
En attendant, avec seulement deux entreprises locales de fabrication de médicaments (auxquelles s’ajoutent trois établissements spécialisés dans les produits issus de la recherche sur les substances naturelles locales), le Cameroun, qui importe 90% de ses médicaments, a encore maille à partir avec le fléau des médicaments contrefaits.

Cet article fait partie du dossier de SciDev.Net Afrique sur les médicaments contrefaits en Afrique.

Références

[1] Le texte de la convention Médicrime est disponible ici sur le site du Conseil de l’Europe

[2] Pour accéder à la version PDF de ce document sur le site de l’OMS, veuillez cliquer ici.

[3] Le Code pénal camerounais (article 258-1), ainsi que la loi portant exercice et Organisation de la profession de pharmacien et les décrets et décisions qui l’accompagnent.