20/09/10

VIH : les médicaments indiens, une bouée de sauvetage désormais quantifiée

Selon les auteurs, des millions de personnes pourraient être privées de médicaments vitaux contre le VIH Crédit image: Flickr/World Bank Photo Collection

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[NEW DELHI] Le rôle de premier plan joué par l’Inde dans la fourniture des médicaments bon marché contre le VIH aux pays en développement a été évalué quantitativement pour la première fois.

L’évaluation détaillée a révélé que l’Inde fournit 80 pour cent des médicaments antirétroviraux (ARV) bon marché achetés par les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. Les auteurs de cette évaluation soutiennent que leur travail révèle l’ampleur des dommages qui pourraient être causés à ces pays si cette fourniture venait à s’arrêter suite à de nouveaux accords commerciaux.

Les résultats de cette recherche, publiés la semaine dernière (14 septembre) dans le Journal of the International AIDS Society, sont un recensement de données issues de plus de 17.000 achats d’ARV financés par les bailleurs de fonds, effectués par 115 pays à faible revenu et à revenu intermédiaire entre 2003 et 2008.

Dans certains marchés plus étroitement spécialisés, comme les médicaments destinés aux enfants et ceux qui empêchent la multiplication du virus du VIH, les ARV indiens ont représenté environ 90 pour cent du marché, selon l’étude.

Au cours de cette période, le nombre d’entreprises indiennes fournissant des ARV est passé de quatre à dix et celui des médicaments fournis de 14 à 53.

Les ARV indiens utilisés dans le traitement de première intention étaient "systématiquement et considérablement" moins coûteux que les médicaments de "marque" fabriqués par d’autres pays.

De nouveaux médicaments essentiels recommandés récemment par l’OMS étaient jusqu’à quatre fois plus chers que les médicaments plus anciens.

L’étude affirme que l’Inde, mais également ses partenaires commerciaux, les organisations internationales, les bailleurs, la société civile et les compagnies pharmaceutiques devraient s’efforcer à garantir "un espace de politique suffisant" pour que les laboratoires indiens puissent continuer à produire des versions génériques bon marché d’antirétroviraux.

En effet, les pays d’Afrique subsaharienne, et l’Inde elle-même, dépendent énormément des médicaments génériques indiens bon marché.

Si les génériques ont pu remplir ce rôle, c’est parce que les lois indiennes n’accordaient pas de brevets sur un produit particulier, mais uniquement sur un procédé suivi dans sa fabrication, ce qui a permis aux laboratoires pharmaceutiques indiens de produire des versions moins chères et des formulations améliorées de médicaments existants, au moyen d’autres méthodes.

Pourtant, à la suite de la signature par l’Inde en 2005 de l’accord sur les droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), dans le cadre de l’Organisation mondiale du Commerce, le pays doit désormais accorder les brevets sur les produits ainsi que les procédés, pour tous les médicaments brevetés après cette date.

Dans le même temps, l’Inde et l’Union européenne ont engagé des pourparlers sur un accord de libre-échange depuis 2007 ; et le pays devrait signer un accord similaire avec le Japon lors de la prochaine visite du premier ministre indien Manmohan Singh dans l’archipel en octobre.

"Il y a désormais un risque que la marge de manœuvre, déjà limitée, soit resserrée davantage par des accords bilatéraux ou régionaux de libre-échange" qui contiennent des clauses encore plus strictes que les ADPIC, ont déclaré les auteurs.

Pour Shamnad Basheer, professeur de droit de propriété intellectuelle à l’Université nationale des sciences juridiques, à Kolkata, "ce rapport est le bienvenu. Il nous permet d’abandonner une rhétorique émotionnelle au profit de faits et de données indéniables sur lesquels peut être bâtie une politique judicieuse".

Certains experts du traitement du VIH en Afrique estiment que le premier grand resserrement se fera sentir dans l’avenir, avec l’impossibilité d’accéder à des versions génériques d’une classe de médicaments anti-VIH appelés inhibiteurs de protéase, lancée après 2005.

Pour Marcus Low, chercheur auprès de Treatment Access Campaign (Campagne pour l’Accès au Traitement), un groupe d’activistes engagés dans le combat pour l’accès universel à des médicaments bon marché,"le projet d’accord de libre-échange entre l’UE et l’Inde… aura des conséquences catastrophiques. Il privera des centaines de milliers voire des millions de personnes dans les pays en développement d’accès à de nouveaux médicaments d’importance vitale — un problème qui deviendra encore plus aigu avec l’augmentation de la résistance aux antirétroviraux utilisés à l’heure actuelle".

Lien vers l’article complet dans le Journal of the International AIDS Society

Références

Journal of the International AIDS Society doi:10.1186 (2010)