21/11/08

Un dépôt de bilan menace la prise en charge locale des drépanocytaires

Ces globules caractéristiques, falciformes représentent une mort prématurée pour des millions de personnes atteintes de drépanocytose – ce que Nicosan cherche à combattre. Crédit image: Warren Grant Magnuson Clinical Centre

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[ABUJA] Une tentative novatrice de commercialisation d’un traitement local contre la drépanocytose (ou anémie à hématies falciformes) accuse un sérieux revers après le dépôt de bilan par l’entreprise américaine propriétaire des droits portant sur son développement.

Les efforts de Xechem International ces cinq dernières années dans la recherche sur le Nicosan, au Nigeria, ont été ternis par de récentes allégations de fraude et de corruption le mois passé (10 novembre). La compagnie a désormais introduit des demandes volontaires en déclaration de faillite, pour elle-même et pour l’une de ses six filiales, conformément au chapitre 11 du Code américain de faillite.

Cette annonce fait suite à une furieuse déclaration publiée par les actionnaires de Xechem International quelques jours plus tôt (04 novembre) accusant Robert Swift, le responsable en chef de la surveillance de la compagnie, ‘d’erreurs colossales’ de gestion et de ‘destruction systématique’ de la société mère.

Le Nicosan (auparavant développé sous le nom de Niprisan), est un médicament à base d’extraits de plantes ouest africaines, dont les propriétés contre la drépanocytose étaient connues par des générations d’une famille nigériane.

Près de 12 millions de personnes souffrent de cette maladie génétique douloureuse, que Charles Wambebe, président-directeur général de l’Institut international de Recherche biomédicale (IBRI) d’Abuja, au Nigeria, décrit comme ‘probablement le problème de santé publique grave le plus négligé sur le continent africain’ .

Un accord controversé

A l’origine, la famille qui détenait la recette du médicament a signé un protocole d’accord pour son développement avec l’Institut nigérian de Développement et de Recherche pharmaceutique. Cet accord novateur a été largement présenté comme un bon exemple de ‘partage des bénéfices’ – permettant aux groupes vulnérables de participer aux profits de la commercialisation de produits locaux.

En 2003, Xechem a acquis, dans une manoeuvre controversée, les droits de production du Nicosan. Au mois de février dernier, sa filiale, Xechem Nigeria, a déclaré produire quelque 50 000 capsules par an (voir Controverse autour d’un médicament contre la drépanocytose).

Mais le mois suivant (mars), une plainte pour fraude a été déposée auprès de la Commission nigériane des Crimes économiques et financiers (EFCC) contre Xechem Nigeria. Le plaignant a déclaré que US$ 3,5 millions de financement public provenant du gouvernement nigérian, destinés à la fabrication du médicament, avaient été détournés.

Xechem avait par ailleurs emprunté près de US$ 4 millions à une banque nigériane et US$ 4 millions à une banque américaine. L’utilisation de ces emprunts a également suscité des interrogations. 

En juin, à la suite d’une enquête du Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net) qui a mis à jour un réseau complexe de problèmes auxquels Xechem était mêlée, l’EFCC a annoncé l’ouverture d’une enquête  dont on ne voit toujours pas de signe aujourd’hui.

Divulgation des griefs

Ce mois-ci, les actionnaires ont déclaré qu’ils rendaient public leurs griefs parce que leurs ‘nombreuses’ tentatives pour entrer en contact avec les membres du conseil d’administration international de Xechem n’ont pu aboutir.

Ils ont cité la réduction de 99 pour cent du prix de l’action de Xechem International qui est passé de US$ 0,02 en juillet à US$ 0,0002 en novembre 2008.

Ils ont également déclaré que l’entreprise n’avait pas pu, au cours des douze derniers mois, récupérer de la douane à Lagos de nouveaux équipements d’une valeur de US$ 4,3 millions achetés pour la nouvelle unité de production de Xechem à Abuja et d’autres équipements d’une valeur de US$ 2 millions retirés des anciennes installations de Xechem qui se trouvent à New Brunswick, dans le New Jersey.

Par ailleurs, ils ont cité l’absence de ‘mouvement quant aux approbations de la Food and Drug Administration (FDA) en16 mois ; … l’interruption des essais cliniques programmés pour l’unique produit commercialisable de Xechem, le Nicosan ; et de nombreuses allégations contre le directeur général de Xechem Nigeria, sans aucune enquête apparente ou une vérification par l’entreprise de l’exactitude de ces allégations’.

Les actionnaires ont réclamé la démission de Swift et ont demandé une réunion immédiate des actionnaires, rappelant que la faillite serait ‘une mesure qui réduirait à néant les investissements des actionnaires’.

Certains ont également réclamé, séparément, le rétablissement à son poste de Ramesh Pandey, le fondateur de Xechem International, qui a été démis de la fonction de président-directeur général l’été dernier à la suite de l’injection d’une nouvelle masse de capitaux dans l’entreprise par un groupe d’investisseurs.

Une décision difficile

Dans la déclaration de faillite, Swift note que ‘faire une demande sous le Chapitre 11 n’est jamais une décision facile à prendre. Nous considérons néanmoins ce processus comme une étape importante dans notre restructuration stratégique en cours. Nous nous attendons à sortir de la faillite plus forts, plus aptes, bien placés pour la croissance et avec une rentabilité améliorée’.

La société a justifié ses problèmes financiers, survenus ‘à la suite des procédures judiciaires et des frais de procédures résultant des procès intentés par certains de ses anciens responsables, employés et consultants – ainsi que par de tierces parties. Pour protéger les opérations de notre filiale nigériane des jugements et des créanciers, il est devenu nécessaire de rechercher la protection judiciaire’.

La filiale nigériane ‘poursuivra normalement ses opérations’.

Mais une visite de SciDev.Net n’a révélé aucune activité sur le principal site de production du Nicosan, à Abuja.

Un membre du personnel, témoignant à SciDev.Net sous couvert d’anonymat, a dit que le directeur général de Xechem Nigeria, Iretiolu Onivide, était devenu ‘insaisissable’ depuis que SciDev.Net avait dévoilé la vérité en juin. Onivide a nié tout écart de conduite dans un entretien avec SciDev.Net cette année.

‘Nous faisons notre travail ici en regardant derrière nous, en pensant que l’équipe venant de l’EFCC est finalement arrivée. Nous espérons la voir arriver avant que ne s’arrêtent finalement les activités de l’entreprise’, a déclaré l’employé.

Pendant ce temps, la proposition émise par la ministre de la science et de la technologie, Grace Ekpiwhre, de mettre sur pied une commission pour enquêter sur Xechem Nigeria, n’a pas été retenue, une réunion ministérielle ayant décidé que les allégations étaient ‘non fondées et fausses’, d’après une source.