30/11/18

La résistance aux antibiotiques dépasse des seuils dangereux

Patient counts cpasules at Akot hospital pharmacy
Crédit image: Panos

Lecture rapide

  • Les bactéries à Gram négatif dangereuses résistent de plus en plus aux traitements connus
  • Une étude explore les interactions entre résistance et vulnérabilité
  • Les chercheurs précisent que la résistance aux pesticides est également en hausse

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[STOCKHOLM] Selon une étude publiée mi-novembre, l'utilisation d'antibiotiques et de pesticides à l'échelle mondiale dépasse la zone de sécurité de la planète, ce qui pose le risque d'entraîner une résistance généralisée à l'un et à l'autre.

Les chercheurs ont à présent publié les premières estimations des « limites planétaires » des antibiotiques et des pesticides.

Ils estiment que si la résistance aux antibiotiques et aux pesticides dépasse ces limites, les sociétés risquent des crises sanitaires et agricoles à grande échelle.

En ce qui concerne la résistance aux antibiotiques, le projet international Living with Resistance estime que la classe de bactéries à Gram négatif – comprenant des maladies telles que E. coli, la salmonelle et la gonorrhée – a dépassé ce qu’elle considère comme la zone de sécurité sûre de la planète.

Ces maladies touchent de manière disproportionnée les zones urbaines des pays en développement, qui souffrent d'une densité de population élevée et de conditions insalubres.

« Nous sommes très exposés au risque de résistance à tous les antibiotiques qui agissent contre les bactéries à Gram négatif », a déclaré Peter Søgaard Jørgensen, chercheur à l'Académie royale des sciences de Suède, à Stockholm et co-auteur de l'étude.

Les conclusions, publiées le 13 novembre dans Nature Sustainability, proviennent d'un atelier organisé au Centre national de synthèse socio-environnementale à Annapolis, aux États-Unis, en 2016 et 2017.

“Nous sommes exposés à un risque très élevé et nous constatons maintenant une résistance à tous les antibiotiques qui agissent contre les bactéries à Gram négatif.”

Peter Søgaard Jørgensen, Académie royale des sciences de Suède

Cherchant à exploiter la « dynamique sociale des stratégies de lutte contre la résistance », Søgaard Jørgensen a proposé ce projet, en collaboration avec Scott Carroll, de l’Université de Californie, Davis.
 
Les chercheurs ont étudié la résistance en utilisant le concept de limites planétaires mis au point par Johan Rockström du Stockholm Resilience Centre, auquel Søgaard Jørgensen est également affilié.

Le projet regroupe les antibiotiques et les pesticides sous le terme de « biocides », car leur efficacité dépend des organismes qui y restent sensibles.

Les chercheurs ont découvert que beaucoup de ces biocides tuent à la fois des bactéries dangereuses et des bactéries bienfaisantes qui les consomment, ce qui mine la résistance des écosystèmes naturels ou du système immunitaire humain.

Promouvoir des environnements riches en biodiversité peut donc aider à supprimer les épidémies d’organismes nuisibles ou pathogènes, ont déclaré les chercheurs.

Ils ont expliqué que les bactéries et organismes bénins devraient être considérés comme un service écosystémique.

Selon l'Organisation mondiale de la santé, il faut lutter contre la résistance aux antibiotiques, en contrôlant mieux la manière dont ces médicaments sont prescrits et en réduisant l'utilisation d'antibiotiques dans l'élevage.

L'étude a révélé que jusqu'à présent, seuls les antibiotiques destinés aux organismes à Gram négatif avaient complètement dépassé les seuils acceptables pour la planète.

Mais deux autres classes d'antibiotiques et trois classes de pesticides vont aussi au-delà des limites de sécurité, a déclaré Søgaard Jørgensen.
L'Inde et d'autres régions, y compris certaines régions des États-Unis, constatent une résistance aux pesticides tels que le Bt ou le glyphosate, car les cultures conçues pour résister à certains parasites se croisent avec des espèces sauvages.

« Pour les pesticides utilisés en combinaison avec des cultures transgéniques, nous sommes sur le point de transgresser les seuils [planétaires] », a déclaré Søgaard Jørgensen.

Alison Mather, du Quadram Institute de Norwich, au Royaume-Uni, déclare pour sa part que ces travaux « nous rappellent que la résistance et la susceptibilité sont les deux faces d'une même pièce ».

Elle ajoute qu'il serait important de gérer les deux et de reconnaître que les interactions entre organismes résistants et susceptibles sont complexes.

Living with Resistance cherche maintenant à déterminer comment ramener la résistance aux antibiotiques dans l'espace sûr de la planète.
Dans son étude, l’équipe a décrit les organismes sensibles aux biocides comme un domaine potentiellement important qui, jusqu’à présent, n’a pas été suffisamment étudié.

"Nous envisageons de développer des approches scientifiques de la résistance aux antibiotiques et aux pesticides visant à réduire la course aux armements que nous avons lancée", a déclaré Søgaard Jørgensen.