09/05/19

Le Noma, de l’ombre à l’écran…

Noma patient
Une patiente souffrant du noma dans un centre de traitement, au Nigeria. Crédit image: © Claire Jeantet - Fabrice Caterini / Inediz

Lecture rapide

  • Selon l'Organisation mondiale de la Santé, le Noma tue 140.000 personnes chaque année
  • La prévention et le dépistage précoce sont les seuls moyens efficaces de lutte
  • Les experts recommandent des travaux de recherche sur les causes de la maladie

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La première projection internationale de Restoring Dignity, un film documentaire de sensibilisation sur les effets de la maladie de Noma, a eu lieu le vendredi 3 mai à l’Institut Français de Dakar.

Selon l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), la maladie touche environ 140.000 personnes chaque année [1] en Afrique subsaharienne, dont majoritairement des enfants de moins de six ans. Elle est présente dans onze (11) pays situés dans la « ceinture de Noma », qui va du Sénégal à l’Ethiopie.

À en croire Adolphe Fotso, coordonnateur médical de Médecins Sans Frontière (MSF) au Nigéria, la maladie tue 90% des personnes atteintes, si elle n’est pas traitée dans les deux semaines qui suivent son apparition.

« Le Noma connaît une évolution très rapide. Il s’annonce généralement par une ulcération buccale, puis survient une nécrose qui dévore le visage du patient jusqu’à l’os, s’il n’y a pas prise en charge dès les premières heures », précise Adolphe Fotso, dans une interview avec SciDev.Net.

Encore connu sous le nom de « visage de la pauvreté », le Noma n’existe que dans les milieux où sévit l’extrême pauvreté.

Dans une étude réalisée en 2017, Elise Farley, épidémiologiste et chercheure à MSF [2], note que la malnutrition, la faible couverture vaccinale contre la rougeole, la mauvaise hygiène oro-buccale sont – entre autres – les facteurs de risque de la maladie.

Dépistage précoce

Malgré les ravages qu’elle cause dans les zones touchées, elle reste peu connue, selon Adolphe Fotso, qui soutient que la stigmatisation et le manque d’information sont à l’origine de cette ignorance.

Dans les localités touchées, explique le spécialiste, la rapidité avec laquelle la maladie se propage pousse les populations à accuser les malades de se livrer à des pratiques de sorcellerie. Résultat des courses : la plupart des patients cachent leur maladie et ne se rendent dans les centres hospitaliers qu’à un stade avancé de l’infection.

Ce blocage culturel, Claire Jeantet l’a ressenti lors du tournage du documentaire « Restoring Dignity » à Sokoto, une ville du Nigéria qui abrite l’unique centre hospitalier du pays dédié à la prise en charge des malades de Noma.

« Nous avons voulu montrer à travers notre documentaire le côté humain des malades et leur donner l’occasion de s’exprimer, malgré les difficultés qu’ils rencontrent à cause du rejet dont ils font l'objet », a confié la réalisatrice à SciDev.Net.

Pour Adolphe Fotso, la prévention et le dépistage précoce restent les seuls moyens efficaces de lutte contre la maladie.

 Car, rappelle-t-il, l’infection peut être traitée au premier stade de son apparition avec des antibiotiques ou des anti-inflammatoires.

« Mais quand elle atteint le stade de la nécrose, on ne peut faire recours qu’à la chirurgie réparatrice, qui laisse des séquelles », prévient-il.

Recherche

Le coordonnateur médical de MSF au Nigéria plaide pour une formation du personnel de santé à la détection précoce des cas de Noma, ainsi qu’une intégration des tradipraticiens dans la stratégie de lutte contre la maladie.

Claire Jeantet, pour sa part, indique que c’est sur le terrain de la recherche que tout doit désormais se jouer. La réalisatrice note, en effet, qu’il existe beaucoup de limites à la connaissance scientifique sur le germe particulier ou le facteur principal qui détermine l’apparition de la maladie.

« Cela paraît incroyable qu’en plein vingt-et-unième siècle, on ait peu de connaissances sur une maladie qui existe depuis des siècles », regrette-t-elle.

La preuve de cette limite scientifique, renchérit Adolphe Fotso, c’est le manque de statistiques réelles sur la maladie au niveau national ou sous-régional.

« Si le Noma n’a pas de statistiques fiables, il serait difficile de pousser un État à en faire une priorité. (…) L’une des batailles actuelles de MSF, c’est de pousser l’OMS à inscrire la maladie sur la liste des Maladies Non transmissibles, en vue de lui donner plus de visibilité », conclut-il.