08/10/17

Peste pulmonaire : 36 morts à Madagascar

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Crédit image: Rivonala Razafison

Lecture rapide

  • Survenue en août, l'épidémie semble avoir débordé les zones pesteuses habituelles
  • Un appel de fonds de 1,5 million de dollars a été lancé par l'OMS
  • Un expert met en cause la riposte institutionnelle

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[ANTANANARIVO] Jusqu’à vendredi soir, depuis les premiers cas confirmés en août, la peste pulmonaire a officiellement tué 36 personnes à Madagascar, alors que des centaines d’autres cas suspects sont sous étroite surveillance.
 
La chimioprophylaxie de contact à l’aide d’antibiotiques s’impose pour les cas confirmés car la maladie ôte la vie aux personnes infectées au bout de 48 heures, si aucune prise en charge n’est effectuée après l’apparition des premiers signes cliniques.
 
"Le malade cesse d’être contagieux au deuxième jour du traitement", a précisé Arthur Lamina, un expert de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) à Antananarivo.

“A l’allure où vont les choses, vu les agissements des responsables gouvernementaux, demain encore, la Grande île restera un foyer actif de peste.”

Joseph Randriamiarisoa
Ancien ministre de l'Environnement

Mais, pour des raisons non encore élucidées, l’épidémie semble avoir largement débordé les zones pesteuses habituelles de l’île.
 
De hauts responsables gouvernementaux, dont le ministre malgache de la Santé publique Mamy Lalatiana Andriamanarivo, l’ont confirmé lors d'une une rencontre avec la presse, organisée par l’Unicef le 28 septembre.
 
Plus d’une semaine plus tard, le pays assiste à une multiplication des foyers de l’épidémie sur l’ensemble du territoire.
 
"Les individus qui vivent avec le malade ou sont en contact avec lui deux jours avant le déclenchement de la maladie ou encore à moins de 2 m de lui ou en contact avec des cadavres de rats douteux sont probablement infectés par la bactérie responsable de l’épidémie", explique Marcellin Bruno Randretsa, chef du Service Peste au ministère de la Santé.

Les deux principales formes de peste sont la peste bubonique, qui se transmet par la piqûre d’une puce infectée et la peste pulmonaire, qui se transmet par le contact avec une personne malade.
 
Des informations provenant des contacts dans les provinces rapportent ainsi des cas de nouvelles infections alors que, dans la capitale, aucune place n’est plus disponible à l’hôpital d’Ambohimiandra, où sont pris en charge les malades venant des localités environnantes.
 
Entre-temps, le ministère de l’Education nationale a décrété, pour la semaine du 9 octobre, l’arrêt de toutes les activités pédagogiques pour les villes comme Antananarivo et ses environs, Toamasina, Fenoarivo Atsinanana et Mahajanga…
 
Toutes sont touchées de plein fouet, tandis que les autres régions où aucune infection n’est encore signalée pour l’instant sont dites en phase d’observation.
 
Le gouvernement a par ailleurs interdit l’organisation de manifestations publiques pouvant occasionner des rassemblements dans les zones endémiques, pour éviter toute nouvelle infection ou une éventuelle contamination de masse.

Le contrôle sanitaire, notamment au niveau des aéroports et des gares routières, a été renforcé.
 
Les mesures comprennent également la fermeture temporaire des universités d’Antananarivo et de Toamasina depuis jeudi.

Parallèlement, la compagnie aérienne Air Seychelles a annoncé l’annulation des vols à destination de Madagascar à partir de dimanche, la peste étant une des maladies soumises au Règlement sanitaire international (RSI).
 
Pour leur part, l’OMS et ses partenaires s’évertuent à mener une campagne de communication sur les risques après que l'organisation a déboursé le 1er octobre un fonds d’urgence de 300.000 dollars en faveur du pays.
 
Selon un communiqué officiel, l’agence onusienne requiert 1,5 million de dollars pour appuyer la riposte, dans le cadre du Programme national de lutte contre la peste.
 
Une tendance à l’automédication quasi-généralisée a été observée en septembre. Or, celle-ci est dangereuse car elle peut créer une résistance aux antibiotiques et réduire l’efficacité des traitements normaux.

"Nous avons enregistré beaucoup de cas d’allergie grave dus à la prise volontaire de Cotrimox. A Toamasina, les stocks prévus pour six mois ont été épuisés en une semaine", a révélé le ministre Mamy Lalatiana Andriamanarivo.

La forme de lutte la plus active consiste en une dératisation d’envergure impliquant les communautés à la base, ainsi qu'en une désinfection par l’épandage de pesticides.

Le faible taux d’accès aux toilettes et infrastructures d’assainissement est considéré comme un des facteurs de la récurrence de l’épidémie de peste à Madagascar.

Grand spécialiste des maladies tropicales, Joseph Randriamiarisoa, ancien ministre de l’Environnement et des Forêts, estime que le pays a les moyens d’éliminer de son territoire toutes les pathologies d’un autre âge.

"Mais, à l’allure où vont les choses, vu les agissements des responsables gouvernementaux, demain encore, la Grande île restera un foyer actif de peste", regrette-t-il.