26/02/14

Les mécanismes de résistance des moustiques aux insecticides mis au jour

Benin Mosquitoes/Small
Crédit image: Flickr/Sanofi/Pasteur

Lecture rapide

  • Des chercheurs de la Liverpool School of Tropical Medicine et de l’Institut International d’Agriculture Tropicale, au Bénin, ont identifié les mécanismes de mutation génétique responsables de la résistance des moustiques aux insecticides
  • Les résultats de la recherche devraient rendre possible une meilleure surveillance et une meilleure gestion des mécanismes de résistance
  • L’étude va être étendue à d’autres pays de la sous-région, sur la base de nouveaux financements offerts par la Grande-Bretagne

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Des chercheurs de la Liverpool School of Tropical Medicine (LSTM) et de l’Institut International d’Agriculture Tropicale (IITA) au Bénin ont révélé mardi 25 février 2014 dans la revue Genome Biology, avoir découvert la mutation génétique responsable de la résistance métabolique des moustiques aux insecticides utilisés dans la lutte contre le paludisme.
 
Les travaux effectués par les équipes de Rousseau Djouaka, entomologiste à l’IITA et Charles Wondji, expert en paludisme à la LSTM, ont révélé qu’un seul gène, dénommé GSTe2, suffit à favoriser la résistance des moustiques au DDT et aux pyréthrinoïdes, une classe d’insecticides souvent utilisés dans l’imprégnation de moustiquaires et la pulvérisation.
 
"Nous avons trouvé une population de moustiques qui était totalement résistante non seulement au DDT, mais aussi aux pyréthrinoïdes", indique Charles Wondji, de la LSTM.   
 

Le GSTe2, le gène de la résistance

 
Les moustiques vecteurs du paludisme, ont développé, notamment dans plusieurs pays africains, des mécanismes qui leur permettent de "ne pas mourir" quand ils sont au contact de doses d’insecticide susceptibles en temps normal de les tuer.
 
Du coup, cette résistance remet en question des outils (de lutte) à base d’insecticide.
 
Des études montrent qu’au Bénin, les problèmes d’acceptabilité des moustiquaires sont liés à la résistance développée par les moustiques, capables de forcer dans certaines régions, leur entrée entre les mailles des moustiquaires, même imprégnées. Il s’ensuit que certaines méthodes de lutte, telles que la pulvérisation et l’imprégnation, sont remises en question.
 
En Afrique, il existe deux grands vecteurs du paludisme : "Anophele gambiae" et "Anophele funestus". L’espèce gambiae a fait l’objet de plusieurs études, contrairement à funestus, du fait du caractère complexe des travaux sur cette dernière espèce.
 
Les travaux effectués à Pahou, dans le Sud du Bénin, par Rousseau Djouaka ont montré que dans cette région les deux espèces se relayent selon les saisons, pour assurer la transmission du paludisme : la saison pluvieuse pour gambiae et la saison sèche pour funestus.
 
Ces dernières années, des équipes de l’IITA et de la Liverpool School of Tropical Medicine ont travaillé en commun sur des échantillons de funestus élevés au Bénin, notamment à Pahou.
 
Ces travaux ont révélé que les moustiques de l’espèce funestus de Pahou sont effectivement résistants aux insecticides souvent utilisés pour les pulvérisations et les imprégnations que sont le DDT et les piréthrynoïdes.
 
La recherche du mécanisme de résistance, par analyse de l’ADN, a révélé une mutation qui en est responsable.
 
"L’un des mécanismes les plus intenses observés ces jours-ci est la résistance métabolique", a déclaré Rousseau Djouaka à SciDev.Net.
 
Le chercheur explique qu'"au même moment où le moustique absorbe l’insecticide, il produit des enzymes qui le détruisent avant qu’il ne puisse agir".
 
Toujours selon Rousseau Djouaka, le gène responsable de ce " mécanisme de détoxification "chez les moustiques de Pahou, est le " GSTe2 ", isolé parmi plus d’une centaine de gènes impliqués dans la résistance métabolique.
 
"En termes de résistance métabolique, c’est lune des études les plus poussées sur les anophèles en général et l’espèce Finestus en particulier" explique encore le chercheur.
 

Perspectives 

 
Cette découverte permet désormais d’opérer une surveillance des mécanismes de résistance et de mieux la gérer.
 
"Plus rapidement on détecte la résistance, mieux on peut la gérer. Avec les outils actuellement disponibles, la résistance est parfois détectée de manière tardive, quand elle est déjà élevée ou fixée dans la population", a précisé le chercheur.
 
Et d’ajouter : "Cette découverte nous permet d’élaborer des outils moléculaires qui permettront de suivre la résistance très tôt; c’est-à-dire lorsque juste un petit nombre de moustiques sont déjà affectés, on pourra désormais détecter cela. Ce qui facilitera les stratégies à mettre sur pied en matière de gestion d’insecticide."
 
L’une des avancées notables, c’est que cette découverte permet désormais de faire une surveillance de la résistance pour savoir comment elle évolue surtout dans le cas de l’espèce Finestus où un tel monitoring n’existait pratiquement pas.
 
"La valeur et la force de cette étude résident en ceci qu’elle nous permet de détecter la résistance, même à l’étape où elle est toute nouvelle, juste au moment où elle vient de s’installer dans la zone concernée. Les autres techniques utilisées jusqu’à présent ne permettent de détecter la résistance que quand elle est déjà installée dans la population". Pour illustrer son analyse, Rousseau Djouaka indique qu’à Pahou par exemple, "la résistance est déjà installée et plus aucun moustique ne meurt après l’absorption du DDT ; alors que si on avait disposé de cet outil à temps, on aurait pu savoir l’existence d’une résistance montante, et étudier les moyens d’éliminer l’utilisation du DDT et de tous les autres insecticides en rapport avec le DDT dans la zone". 
 
L’équipe de Rousseau Djouaka vient d’obtenir un financement anglais du "Welcome Trust" pour poursuivre ce travail. "Nous espérons être mesure de voir en dehors de Pahou, quelles sont les autres zones d’extension de cette résistance".
 
Il s’agira également de déterminer le statut des moustiques des autres régions du Bénin par rapport à ce type de résistance.
 
Ce nouveau programme permettra aussi de procéder à des échantillonnages dans les pays environnants (Togo, Burkina, Niger et Nigeria) pour vérifier si cette résistance des moustiques aux insecticides a déjà traversé les frontières du Bénin.