18/11/20

La méfiance à l’égard des vaccins menace l’immunité contre la COVID-19

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Le défi n'est pas seulement d'obtenir un vaccin efficace contre la COVID-19, mais d'amener les gens à l'accepter. Crédit image: Raquel Portugal/Fiocruz, sous licence Creative Commons.

Lecture rapide

  • A en croire les chercheurs, l'immunité collective nécessite une couverture vaccinale de 80%
  • Dans certains pays, près de la moitié des gens ne sont pas sûrs de vouloir prendre un vaccin anti-COVID
  • Une étude indique que la solution réside dans la communication

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Moins des trois quarts des personnes dans le monde disent qu’elles sont susceptibles d’utiliser un vaccin contre la COVID-19 si celui-ci est approuvé par les agences de réglementation. Un chiffre qui se situe en deçà des niveaux requis pour obtenir une immunité collective, selon une étude.

L’étude, qui a sondé les opinions de plus de 13 000 personnes en Europe, en Afrique, en Asie et aux Amériques et a été publiée en octobre dernier dans la revue Nature Medicine, a révélé que 14% ont déclaré qu’ils refuseraient le vaccin, tandis que les autres 14% étaient indécis.

Selon les chercheurs, cela signifie que les taux de couverture vaccinale seraient inférieurs aux 80% requis pour protéger la société contre la COVID-19, la maladie respiratoire qui a provoqué des confinements à travers le monde depuis son apparition en Chine à la fin de l’année dernière.

« Nous n’avons pas atteint les 80%, c’est ce que nous aurions aimé voir », confie à SciDev.Net Jeffrey Lazarus, auteur principal de l’étude.

“Il est de la responsabilité des gouvernements d’expliquer l’importance de la vaccination et de préciser le niveau d’efficacité du vaccin, la durée de la protection et l’importance de couvrir l’ensemble de la population pour une immunité collective.”

Jeffrey V. Lazarus, Barcelona Institute for Global Health.

Credit image: Raquel Portugal/Fiocruz, sous licence Creative Commons

Selon les recherches, la Chine avait le taux d’acceptation le plus élevé avec près de 90%, un résultat qui pourrait refléter la tendance des pays asiatiques à faire preuve d’une forte confiance dans les gouvernements centraux.

Les pays à revenu intermédiaire, comme le Brésil, l’Afrique du Sud et la Corée du Sud ont également affiché des taux d’acceptation d’environ 80% ou plus.

Cependant, malgré le fait que la pandémie ait atteint son apogée en Europe en juin, les pays européens dont les populations ont été interrogées avaient tous des taux d’acceptation inférieurs au seuil de 80%.

Les taux d’acceptation les plus bas ont été enregistrés en Russie, où environ 55% des personnes ont déclaré qu’elles prendraient le vaccin, en Pologne, où le taux était de 56%, et en France, où le taux se situait à 58%.

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Pourcentage de personnes ayant déclaré qu’elles prendraient un vaccin anti-COVID-19 s’il était prouvé sûr et efficace, par pays sondé. Les données proviennent de Nature.

L’étude a révélé que ceux qui avaient un niveau de confiance plus élevé dans les informations provenant de sources gouvernementales étaient plus susceptibles d’accepter un vaccin.

« Nous devons renforcer la confiance dans les gouvernements, mais à leur tour, les gouvernements devraient faire des efforts pour fournir une politique transparente, basée sur des données solides et une communication claire et précise », déclare Jeffrey Lazarus, chef du Groupe de recherche sur les systèmes de santé au Barcelona Institute for Global Health (ISGlobal) et professeur à l’université de Barcelone.

Pour ce dernier, les gouvernements doivent « expliquer l’importance de la vaccination et préciser le niveau d’efficacité du vaccin, la durée de la protection et l’importance de couvrir l’ensemble de la population pour une immunité collective ».

Les auteurs indiquent que les croyances religieuses ou culturelles, la désinformation et les groupes anti-vaccination sont les principales causes de l’hésitation à l’égard de la vaccination, un problème identifié par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) comme l’une des dix principales menaces sur la santé dans le monde en 2019, aux côtés du changement climatique, d’Ebola et du VIH.

Carmelo Polino, chercheur au Centro Redes en Argentine et professeur à l’université d’Oviedo en Espagne, qui n’a pas participé à l’étude, partage ses recommandations selon lesquelles il est essentiel de prendre en compte le dialogue entre les gouvernements et la société, la culture scientifique de la population, en plus d’impliquer des personnes socialement influentes et les groupes communautaires pour obtenir un plus grand engagement.

Cependant, il met en garde également sur le fait que l’étude a utilisé des échantillons de petite taille – le nombre de participants par pays varie de 619 à 773.

« C’est un faible nombre pour les enquêtes nationales », dit-il à SciDev.Net au téléphone, ajoutant que « cela n’invalide pas l’importance de l’étude, mais exige de la prudence et de la pondération par rapport à ses résultats ou aux différences entre les pays ».

Carmelo Polino dit que si l’acceptation des vaccins peut être liée à la crédibilité des gouvernements, comme le souligne l’étude, cela ne doit pas être considéré comme une relation causale. « L’analyse doit inclure des variables contextuelles, politiques et culturelles », suggère-t-il.

Jeffrey Lazarus est du même avis : « Chaque résultat doit être évalué en tenant compte du contexte et du moment où la recherche a été faite », soutient-il.

Par exemple, un sondage séparé effectué aux États-Unis a montré que près des deux tiers des Américains craignent que la pression politique du président Donald Trump conduise la Food and Drug Administration (FDA) à se précipiter pour approuver un vaccin anti-COVID-19 sans s’assurer qu’il est sûr et efficace.

Une autre étude réalisée à l’échelle mondiale, qui a cartographié la confiance des vaccins dans 149 pays de 2015 à 2019, a montré une diminution du nombre de personnes qui considèrent la vaccination de masse comme sûre et efficace.

« C’est un phénomène très complexe et volatil, ce qui rend difficile la comparaison des résultats », conclut Jeffrey Lazarus.