28/02/18

L’éradication du pian exige des mesures plus vigoureuses

Yaws
Illustration d'une main affectée par le pian (Photo prise au Ghana) - Crédit image: OMS/C. Kwakye

Lecture rapide

  • Selon une étude, la stratégie de l'OMS assure une réduction de l'incidence, mais pas l'éradication
  • L'étude met aussi en évidence les premiers cas de résistance antibiotique
  • Des traitements plus soutenus, ainsi qu'une surveillance accrue de la pharmacorésistance sont nécessaires

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Une récente étude menée en Papouasie-Nouvelle-Guinée recommande une révision de la stratégie globale d'éradication du pian, une maladie tropicale négligée qui touche encore 14 pays [1], pour la plupart en Afrique.
 
Le pian est une infection chronique qui affecte principalement la peau, les os et le cartilage. La maladie survient dans les communautés pauvres des régions tropicales chaudes et humides d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine.
 
Elle conduit rarement à la mort, mais peut entraîner une défiguration chronique et de nombreux handicaps.
 
La stratégie adoptée par l'OMS pour l'éradication du pian recourt à une série unique de traitements de masse à l'azithromycine, suivie de programmes de traitement ciblé.
 
Or, des chercheurs de l'Institut de santé mondiale de Barcelone, en Espagne, estiment dans une nouvelle étude que si ce mode de traitement permet à court terme une réduction significative de l'incidence du pian, l'éradication de la maladie requiert des actions plus soutenues.
 
L'étude, publiée dans l'édition de février de la revue The Lancet, a été menée entre avril 2013 et octobre 2016 et ciblé 84% d'une population de 16.000 personnes.
 
Elle a permis de constater au bout de deux ans de traitement à l'azithromycine, une réémergence des infections à Treponema pallidum, la bactérie responsable du pian, avec un pic au bout de trois ans et demie.
 
"La recommandation globale de la stratégie de l'OMS consiste en un seul cycle de traitement de masse avec une couverture de 90%", explique Oriol Mitjà, auteur principal de l'étude.
 
Le fait que de nombreux nouveaux cas n'aient pas été capturés par la DMM (distribution de masse de médicaments) initiale, qui n'avait qu'une couverture de 84%, est significatif, estime le chercheur.
 
"Cela signifie, conclut-il, que la stratégie de l'OMS doit évoluer vers un plus grand nombre de DMM, par exemple deux ou trois cycles semestriels, couvrant l'ensemble de la population, afin d'interrompre la transmission du pian".
 

 

 

Entre 1950 et 1970, l'OMS et l'UNICEF ont mené une campagne mondiale de lutte contre le pian dans 46 pays et, en 1970, la prévalence de la maladie avait diminué de 95%.
 
Malheureusement, après moult péripéties, au début des années 1980, de nombreux pays, notamment en Afrique de l'Ouest, ont tenté de redoubler d'efforts de contrôle, mais ces tentatives ont échoué après quelques années, en raison d'une absence de volonté politique et de ressources.
 
Pour sa part, l'OMS, dans un communiqué, a précisé sa position, expliquant que "le traitement de masse devrait couvrir au moins 90% de la population ciblée. Si une couverture plus faible est atteinte, un autre cycle de traitement de masse devrait être envisagé."
 
Les chercheurs ont par ailleurs documenté pour la première fois l'apparition de souches résistantes aux antibiotiques.
 
Mais pour Oriol Mitjà, l'apparition de la résistance n'est pas une surprise totale.
 
"Des signes de résistance à l'azithromycine sont connus pour la syphilis, en particulier dans les pays développés, où les personnes sont plus exposées aux antibiotiques."
 
Toutefois, selon lui, si le pian montre un tel potentiel de résistance, il doit être éradiqué au moment le plus opportun, soit avant que les antibiotiques macrolides ne soient largement utilisés dans les pays en développement.
 

Pian 2
Crédit image : Oriol Mitjà
Le professeur Oriol Mitjà, sur le terrain, en train de traiter une malade.

Oriol Mitjà, qui considère la question comme critique, recommande d'examiner de plus près les stratégies de surveillance et de suivi de la résistance à l'azithormycine, tout en notant que la benzathine pénicilline G peut encore traiter efficacement les souches résistantes.
 
Dans un entretien avec SciDev.Net, Ashok Moloo, de la division des maladies non-transmissibles de l'OMS, précise pour sa part que "le renforcement des capacités de surveillance de la résistance dans les pays endémiques est crucial et l'OMS renforce les capacités des laboratoires de référence stratégiques dans les pays touchés dans le cadre du système de surveillance antimicrobienne, pour surveiller tout développement de résistance à l'azithromycine."
 
Enfin, selon Oriol Mitjà, l'étude a porté sur des communautés insulaires isolées. Etant donné que la plupart des régions d'Afrique sont contiguës à des zones endémiques voisines, il est indispensable de multiplier les efforts pour empêcher la réintroduction de l'infection.
 
Quoi qu'il en soit, estime le chercheur, la nouvelle recommandation devrait souligner partout le besoin de plus d'un cycle de traitement.

Références

[1] Bénin, Côte d’Ivoire, Cameroun, République centrafricaine, République du Congo, République démocratique du Congo, Ghana, Togo, Indonésie, Papouasie-Nouvelle Guinée, Philippines, Îles Solomon, Timor oriental et Vanuatu.