03/02/11

La nouvelle agence sud-africaine de développement doit soutenir la science

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Pour Linda Nordling, le nouvel organisme sud-africain d’aide au développement doit aider l’Afrique à tirer profit de la science, et non se cantonner à la recherche des retours sur investissement.

Le mois dernier, l’Afrique du Sud a été à la une de l’actualité avec l’annonce du lancement cette année d’une agence d’aide au développement. Le pays emboîte ainsi le pas aux autres économies émergentes comme le Brésil, la Chine et l’Inde, pour lesquelles la coopération sud-sud est devenue un leitmotiv de l’expansion de leur influence économique et politique.

S’adressant le 17 janvier à IRIN, un service d’information et d’analyses des Nations Unies, Ayanda Ntsaluba, Directeur-général chargé des relations internationales et de la coopération au Ministère sud-africain des Affaires étrangères, a déclaré en toute franchise que l’agence ne se ferait pas ‘seulement le reflet d’intentions altruistes, mais également de stratégies de promotion des intérêts de l’Afrique du Sud. L’aide ne se limite pas à la réduction de la pauvreté, c’est aussi un investissement très stratégique.’

Les futures modalités de fonctionnement de l’Agence sud-africaine de partenariat au développement (en anglais South African Development Partnership Agency ou SADPA) restent largement inconnues. Quelques indices fournis par le gouvernement laissent néanmoins penser que son rôle principal sera de coordonner les efforts considérables fournis par le pays en vue de promouvoir le développement sur le continent.

Des efforts en rangs dispersés

L’aide sud-africaine au développement a effectivement bien besoin d’être coordonnée. Selon des sources gouvernementales, la SADPA succèdera au Fonds de la renaissance africaine et de coopération internationale (en anglais African Renaissance and International Cooperation Fund) mis en place en 2001 pour promouvoir la résolution des conflits et le maintien de la paix.

Mais l’aide sud-africaine au développement ne se résume pas qu’à cette initiative, car elle est menée par un grand nombre d’agences et de ministères différents. Ainsi, la coopération avec le reste de l’Afrique figure aussi parmi les priorités du Ministère sud-africain de la science et de la technologie (DST) ainsi que des ministères de la santé, de l’eau et de l’environnement.

Pris individuellement, ces institutions font toutes un travail utile. Le DST met les scientifiques du reste du continent en relation avec des sources de financement et des collègues dans les pays développés, par exemple à travers le programme cadre de l’UE. Il finance également un fonctionnaire en détachement afin d’accélérer la création d’un service scientifique à la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC).

Par ailleurs, le financement public fait de l’Afrique du Sud la pièce maîtresse de plusieurs réseaux régionaux de recherche, comme le Réseau sud-africain des biosciences (SANBIO), qui permet aux chercheurs des pays voisins d’accéder à des équipements et à une formation de pointe.

Un frère égoïste ?

S’il est vrai que l’Afrique du Sud aide les scientifiques du continent dans la quête des financements et dans l’ambition d’un impact professionnel plus important, les politiques économiques au sens large du pays freinent pourtant la création d’emplois et l’esprit d’entreprise sur le continent. C’est en tous cas l’une des conclusions d’un rapport publié en mai 2010 par The Reality of Aid Network, une organisation non gouvernementale.

Ce rapport intitulé Coopération Sud-Sud : Un défi pour le système de l’aide ?, estime que les efforts globaux de développement de l’Afrique du Sud focalisent sur le ‘retour sur investissement’, au détriment de résultats positifs de développement. L’expansion rapide des entreprises sud-africaines sur le continent africain, dont beaucoup bénéficient du soutien de l’Etat, se serait transformée en une sorte ‘d’hégémonie’, entravant le développement de l’industrie locale.

Cela limite la capacité des pays africains à tirer parti de leur base scientifique, pourtant en expansion. Selon une étude publiée dans la revue Science l’an dernier, la faiblesse des structures institutionnelles et l’absence d’appui aux entreprises locales freinent l’innovation dans le secteur de la santé.

En d’autres termes, les politiques globales de développement de l’Afrique du Sud contribuent à annuler les résultats escomptés des initiatives scientifiques et technologiques. Or ces résultats se chiffrent en avantages sociaux, environnementaux et économiques, et non simplement en de meilleurs taux de citation dans les revues scientifiques.

La nouvelle agence apportera-t-elle une valeur ajoutée aux efforts actuels de l’Afrique du Sud dans la coopération scientifique et technologique en Afrique ?

Un grand frère plus généreux

Le degré de priorité que la SADPA accordera à la science et à l’innovation n’est aujourd’hui pas clair.

Les responsables du DST se sont par le passé inquiétés que la coopération technique, dont le soutien à la science et à la technologie, risque d’être négligée par l’agence au profit d’autres missions, compromettant ainsi les activités actuelles d’assistance déployées par le ministère.

Mais Lindiwe Lusenga, la directrice-générale adjointe chargée de la coopération internationale au Ministère de l’eau et des forêts, et ancienne cadre du DST, s’attend à ce que l’agence respecte les priorités actuelles des ministères.

"Je pense que ce sera une agence à cheval sur plusieurs institutions. Si elle travaille dans le domaine de l’innovation, elle devra le faire en partenariat avec l’Agence d’innovation technologique [un organe de la DST]. Sur les questions de l’eau, elle pourrait mettre en place un partenariat avec la Commission de recherche sur l’eau. Toutes ces institutions auront leur mot à dire", affirme-t-elle.

La coopération technique jouera certainement un rôle clé dans le travail de la SADPA, comme c’est le cas avec d’autres agences de développement. Ainsi, la coopération technique représente le tiers des US$ 1,5 millions de l’enveloppe consacrée par le Brésil à l’aide au développement pour l’année 2010, selon l’hebdomadaire britannique The Economist.

Mais la SAPDA doit aussi aider les pays africains à exploiter la science et la technologie en prêtant main forte aux entreprises locales et aux innovateurs dans le cadre d’une stratégie plus large de renforcement des capacités des entreprises africaines. Le temps est venu pour l’Afrique du Sud de passer du statut de grand frère qui vole les jouets de ses cadets en un grand-frère qui leur apprend à faire du vélo.

La journaliste Linda Nordling, spécialiste de la politique africaine pour la science, l'éducation et le développement travaille au Cap, en Afrique du Sud. Rédactrice en chef de Research Africa, elle collabore au Réseau Sciences et Développement (SciDev.Net) et collabore à des journaux comme The Guardian, Nature, etc.