10/11/08

L’Académie des Sciences du Tiers-monde, bannière de la science dans les PVD

La TWAS veut voir davantage de centres comme les instituts indiens de technologie créés dans les pays en développement

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Vingt cinq ans après sa création, la TWAS est-elle en mesure d'accomplir les ambitieux objectifs qu'elle s'était fixée ? Une enquête de Yojana Sharma.

Aider la recherche scientifique dans les pays en développement à rattraper le retard pris sur les pays les plus développés – tel était le défi, presque aussi difficile à relever que combattre la pauvreté à l'échelle planétaire, relevé par la TWAS, l'académie des sciences du monde en développement. Vaste défi, mais l'organisation est restée imperturbable. Aujourd'hui, 25 ans plus tard, la TWAS fait le point sur les efforts qu'elle a fourni.

Des débuts timides

Fondée par 41 éminents scientifiques en 1983, la TWAS compte à l'heure actuelle plus de 870 membres, dont 85 pour cent viennent des pays en développement. 16 sont des lauréats de Prix Nobel.

Dépendante pendant de nombreuses années d'un unique donateur, le gouvernement italien, la TWAS a créé en 1993 un fonds de dotation, qui s'élève aujourd'hui à US$ 12 millions. L'organisation espère qu'il atteindra US$ 25 millions.

Peter Collins, de la Royal Society, l'académie des sciences du Royaume-Uni, explique le succès de la TWAS : 'des scientifiques de grande renommée y sont impliqués, alors les gouvernements y prêtent attention'.

Le monde a changé de manière radicale au cours de ces 25 dernières années. La Chine et l'Inde émergent comme de grandes nations scientifiques. De nombreux progrès ont également été réalisés en Amérique latine, notamment au Brésil, en Argentine et au Mexique. Et les technologies de la communication ont réduit l'isolement de nombreux scientifiques de pays en développement, même si le fossé numérique qui sépare les pays les plus pauvres des pays développés menace de se creuser davantage.

Toutefois, l'éducation et la formation restent de grandes préoccupations. Une récente enquête effectuée par la TWAS a révélé que 80 pays n'ont pas les moyens ou la capacité de développer leur secteur scientifique. La majorité d'entre eux se trouve en Afrique sub-saharienne. 

Honorer les meilleurs

L'un des premiers objectifs de la TWAS a été d'identifier et d'honorer les meilleurs scientifiques du 'Tiers-monde' (la TWAS s'appelait à l'origine Académie du Tiers-monde pour les Sciences) et d'encourager la perception de leurs travaux comme tout aussi importants que ceux de leurs homologues occidentaux. Les scientifiques des pays en développement, mal rémunérés, travaillent dans des laboratoires mal équipés et sont isolés. Bref, presque toutes les conditions sont souvent réunies pour les pousser à s'expatrier ou à quitter le secteur. 

C'est pourquoi la TWAS a créé un certain nombre de prix destinés aux femmes scientifiques et aux jeunes scientifiques de moins de 40 ans. Et en dehors des subventions de recherches, elle offre également des bourses de recherches et des subventions de voyage dans le but d'améliorer les contacts entre les chercheurs individuels et les institutions dans le Sud.

Les prix font une véritable différence, affirme la microbiologiste philippine Maria Corazon de Ungria lauréate récente d'un prix de jeune chercheuse de la TWAS et bénéficiant d'une subvention de la TWAS pour poursuivre ses travaux sur les tests d'empreintes génétiques et mettre sur pied son propre laboratoire d'analyse de l'ADN à l'université des Philippines. 'Parce que le prix de la TWAS est un prix international, il a montré que le travail que mon laboratoire effectue est reconnu aux Philippines et à l'étranger. Cela me donne une certaine crédibilité individuelle' , soutient-elle.

Pour le Professeur Beatriz Barbuy, une astronome brésilienne dont les travaux ont été d'une grande contribution aux études sur la manière dont évolue la composition chimique des étoiles, le prix scientifique 2008 de la TWAS était la première récompense de sa carrière, pourtant remarquable. Elle affirme avoir souvent regretté d'être retournée au Brésil après son doctorat en France, mais cette distinction a donné toute son importance à son retour. 'Je pense que cette distinction nous permettra de trouver un financement. Nous avons proposé la création d'un institut d'astronomie au Brésil' , affirme-t-elle.

Les prix de la TWAS facilitent également la tâche des scientifiques souhaitant développer leurs réseaux. Maurice Tchuente, ancien ministre camerounais de l'enseignement supérieur l'un des plus éminents chercheurs africains en informatique et lauréat d'un prix de la TWAS en 1999, déclare que le fait d'être récompensé lui 'a ouvert de nouveaux horizons, y compris des invitations à des séminaires internationaux'.

C'était sa seule opportunité de rencontrer d'éminents scientifiques et des responsables d'ONG et d'organisations internationales.

Le Professeur Tchuente dit : 'C'est lors d'une conférence organisée par la TWAS que j'ai rencontré des chercheurs venant des pays voisins et travaillant dans le même domaine que moi. Leurs réseaux de travail en collaboration s'étaient développés sur la base de leurs études en Occident, et ils étaient en conséquence déconnectés du mien' .

Un micro-secrétariat

La TWAS est également appréciée pour ses travaux, avec l'appui dont elle bénéficie de l'Unesco et d'organisations régionales, en matière de création d'académies nationales et régionales des sciences. Elle œuvre par ailleurs au renforcement de leur capacité à conseiller les ministres de la science et de l'éducation. 

'Les gouvernements déclarent respecter la science, mais beaucoup d'actions politiques sont inutiles s'il n'y a pas de suivi' , soutient le Professeur Ernesto Lara Lupercio, secrétaire général de l'association mexicaine de mathématiques et lui-même gagnant de prix de jeune chercheur de la TWAS.

La TWAS a toujours été experte en l'art de réunir des décideurs scientifiques et des hommes politiques de plusieurs pays. Si cela débouche parfois sur des solutions, l'impact du travail de la TWAS reste 'microscopique' , pour le Professeur Lupercio, au vu de l'enracinement des problèmes en Amérique latine et d'autres pays pauvres. Il ajoute : 'avec un tel budget, de telles objectifs sont extraordinairement ambitieux'.

Le budget de la TWAS est 25 fois inférieur à celui de la Royal Society et son secrétariat fort de 12 membres paraît microscopique comparé à celui de la Royal Society qui en compte 150.

Il est clair que la TWAS ne pourra convaincre seule les hommes politiques de la planète que la science est importante pour le développement.

Mais Mohamed Hassan, directeur exécutif de la TWAS, est convaincu que de nombreuses académies, y compris le Réseau des Académies africaines des Sciences, que la TWAS a soutenu, prennent de l'élan à l'heure actuelle et joueront un rôle important dans la résolution de problèmes de cette région, pauvre sur le plan scientifique.

Il ajoute :  'le plus grand défi pour tous consiste à faire en sorte que la science soit au service de la société. Nous avons besoin des scientifiques et nous pouvons utiliser les capacités scientifiques pour résoudre des problèmes. Nous avons besoin de centres là où se posent les problèmes – dans les pays en développement même'.   

Michael Stahl, le directeur de la Fondation internationale pour les Sciences, à Stockholm, organisation qui offre des subventions de recherches à de nombreux scientifiques des pays en développement, partage cet avis. 'Il nous faut une 'masse critique' de scientifiques dans le monde en développement et la TWAS a joué un rôle clé dans l'identification de nombreux scientifiques de renom', dit-il.

Cette masse critique est une condition nécessaire au succès d'un autre  objectif de la TWAS :  promouvoir la recherche scientifique sur les principaux problèmes du monde en développement.

Fait décisif peut-être, de nombreux boursiers de la TWAS de ces 25 dernières années sont actifs dans des académies des sciences nationales et régionales, et même dans de grands organismes scientifiques internationaux. 

'Le prix de la TWAS n'est certainement pas étranger à ma récente élection au poste de secrétaire général du Conseil international des unions scientifiques [ICSU]', affirme le Professeur Tchuente. 'Les organisations comme la TWAS ont développé une expertise unique dans le domaine des problèmes interdisciplinaires et transnationaux qui peuvent être abordés par le biais des sciences et auxquels on ne peut pas facilement s'attaquer au niveau national'. 

Succès sud-sud

Le Dr Hassan reconnaît que le plus grand échec de la TWAS à ce jour se situe au niveau de la coopération nord-sud.

Si à ce niveau, le bilan de 25 années de navettes à travers le monde est bien maigre, la TWAS a connu un succès formidable et peut-être inattendu dans ce domaine. Pour le Dr Hassan, 'la coopération sud-sud est la plus importante réalisation de la TWAS. C'était difficile parce que les meilleurs étudiants – et nous avions un regard sur eux – voulaient aller dans les pays développés en Europe ou aux Etats-Unis'.

Ainsi, la TWAS a identifié les meilleures institutions dans les pays en développement et en a fait la publicité, encourageant les étudiants et le personnel à rester, au lieu de s'expatrier dans les pays du Nord.

Et à l'heure actuelle, la coopération sud-sud connaît un nouvel élan. 'Certains pays en développement progressent très rapidement dans le domaine du renforcement de leur infrastructure scientifique. La meilleure chose qu'ait faite la TWAS a été d'en faire pleinement usage', affirme le Dr Hassan. 'Nous avons négocié des programmes de troisième cycle avec cinq pays – l'Inde, la Chine, le Mexique, le Brésil et le Pakistan – qui ont compris, à raison, que c'était une situation avantageuse pour les deux parties'.

Avec quelque 300 bourses dans ces pays pour des étudiants venant des pays les plus pauvres, en particulier d'Afrique, le Dr Hassan décrit le programme comme étant 'la plus grande coopération sud-sud dans le domaine de la science'. La TWAS a aidé ces pays à s'engager dans une brèche délaissée par l'Europe ou les Etats-Unis

Actualisé le 12 novembre 2008

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