12/02/08

Sans l’aide des gouvernements, la Fondation Gates n’ y arrivera pas

Un chercheur menant des études sur des cultures aux Philippines

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

Les initiatives de la Fondation Bill Gates sont les bienvenues, mais elles ne peuvent réussir qu’avec l’appui des gouvernements concernés.

Il y a des raisons d’être optimiste et prudent à la fois concernant le rôle central que Bill Gates, le fondateur de Microsoft, entend occuper dans le domaine du financement de l’aide internationale. Ce rôle se traduit par l’annonce, faite il y a deux semaines par l’organisation caritative qu’il a créé avec sa femme – la Fondation Bill et Melinda Gates – de l’octroi de subventions d’une valeur de US$ 306 millions pour le développement de l’agriculture.

La raison qui incite à l’optimisme est l’apparente volonté de Gates de puiser à la source de la créativité technologique, à l’origine de la naissance du plus grand fabricant de logiciels au monde, et appliquer ces connaissances à la recherche de solutions aux problèmes des populations pauvres de la planète.

 Une autre raison d’être optimiste, c’est que Gates est conscient que le succès de ces objectifs passe par la mise en place de partenariats avec d’autres organisations – telles que l’Institut international de Recherches sur le Riz, qui se trouve aux Philippines – un système qui a déjà démontré sa capacité à améliorer les conditions de vie des populations. (voir La Fondation Gates encourage le développement des variétés de riz résistantes au changement climatique)

Cependant, certains éléments incitent à la prudence. Ainsi, la confiance immodérée accordée aux pouvoirs de la technologie scientifique peut faire que certains croient trop facilement au mythe de la ‘solution technologique’- et sous-estiment les origines initiales des problèmes, dont les causes sont profondément enracinées dans la société, et pour lesquelles la technologie ne peut apporter de solution, telle que l’inégale distribution des ressources.

L’argent se trouve sur le marché

Il convient d’associer à ces croyances la confiance que Gates accorde au pouvoir du marché et à l’esprit d’entreprise. Cette foi risque de ne pas prendre en compte la nécessité d’une action collective, exprimée à travers les actions gouvernementales, essentielles pour garantir une redistribution équitable des résultats des recherches technologiques.

Les actions collectives incluent, entre autres, la création de solides infrastructures éducatives ou de recherche, conçues pour faire le meilleur usage de ce que la science et la technologie modernes peuvent offrir.

Les actions des forces du marché présentent des avantages, mais lorsque le marché ne tient plus ses promesses, alors la seule bonne volonté et le désir de reconnaissance n’est pas une alternative viable.

Gates, qui quittera la direction de Microsoft à la fin de cette année pour se consacrer entièrement à la philanthropie, a développé, dans une allocution prononcée lors du Forum économique Mondial qui s’est tenu le mois dernier (24 janvier) à Davos, en Suisse, les contours de ce qu’il appelle le « capitalisme créatif ».

Au coeur du concept du ‘capitalisme créatif’ il y a l’acceptation – dès lors que l’économie, qu’elle soit nationale ou mondiale, croît – du creusement des inégalités entre ceux qui tirent bénéfice des retombées technologiques et ceux qui ne le peuvent pas, tout en sachant que plus vous êtes riche, plus vous avez accès à la technologie. (Un rapport récent de la Banque mondiale est parvenu à la même conclusion, voir La Banque mondiale veut s’attaquer au fossé technologique).

Une déception majeure

La méthode de Gates pour réduire les inégalités consiste à identifier les problèmes auxquels sont confrontés les plus pauvres, délaissés jusque-là. Ces problèmes sont aussi bien liés aux maladies infectieuses chez ceux qui sont incapables de se procurer des médicaments onéreux, qu’aux faibles rendements des paysans pauvres. Selon Gates, le combat contre ces maux passerait par une alliance entre des outils scientifiques, tels que l’utilisation de vaccins précurseurs, et des stratégies politiques, comme celle des prix subventionnés.

L’un des avantages de cette approche est qu’elle offre aux populations des pays en développement l’opportunité de tirer profit des nouvelles technologies sans passer par des intermédiaires, grâce à la mise en place de mécanismes de livraison efficaces. L’incapacité des gouvernements à mettre en place de tels mécanismes représente l’une des plus grandes déceptions dans les Etats postcoloniaux. 

Cependant, s’il est indispensable de posséder l’esprit d’entreprise pour combler le fossé technologique, l’on ne peut se satisfaire de timides signes d’encouragement au système de ‘micro innovation’, aussi essentiel soit-il pour le développement d’une économie locale. En effet, il est tout aussi important de soutenir la création d’infrastructures qui favorisent le développement de l’esprit d’entreprise.

Gates a expliqué, dans son intervention à Davos, que cet engagement ne pouvait être tenu que si les gouvernements s’engageaient à leur tour à agir et ne se contentaient pas uniquement d’exprimer leur volonté de « mettre en place des politiques et de débloquer des fonds pour créer des aiguillons du marché pour l’activité commerciale ». La mise en place de systèmes multidimensionnels nationaux d’innovation exige de l’action concrète, mais également la prise en compte de la nécessité de satisfaire la majorité des besoins des populations, qui permettrait d’accéder à une croissance économique durable et socialement équitable. 

Le capitalisme créatif – ou, en d’autres termes, l’esprit d’entreprise social – pourrait apporter certaines réponses à nos questions. Mais ce concept ne parviendra pas à lui seul à apporter toutes les solutions. L’engagement soutenu des gouvernements, à la fois à travers leurs propres politiques mais aussi par leur soutien aux organismes d’aide, demeure essentiel. Gates n’y arrivera pas sans le soutien de ces gouvernements.

David Dickson
Director, SciDev.Net