07/11/07

Débarrasser l’arachide du Malawi des dangereuses aflatoxines

Décorticage de l'arachide au Malawi Crédit image: Flickr/Josh Wood

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Pour Amos Katosa, petit cultivateur du district de Mchinji dans le centre du Malawi, l’arachide – appelé communément cacahuète – a été sa principale source de revenu au cours des 40 dernières années.

Il raconte comment ce produit lui a permis de payer la scolarité de ses quatre enfants et d’acquérir des articles ménagers essentiels pour sa famille.

Mais au cours des dernières décennies, les ventes de cette denrée n’ont cessé de baisser sur le marché des matières premières.

Les agriculteurs comme Katosa l’ignoraient alors mais l’arachide, autrefois leur meilleure source de revenu, faisait face à un défi majeur qui menacerait les exportations du Malawi.

Ce défi, c’est les aflatoxines, un très puissant poison qui contamine les cultures et déstabilise l’industrie arachidière du Malawi, qui s’est trouvée incapable de respecter les normes internationales de qualité.

Des conséquences financières

Les aflatoxines sont des déchets métaboliques produits par des champignons Aspergillus qui se développent sur des cultures telles que le maïs, l’arachide, le sorgho et le manioc.

Ces champignons colonisent les cultures après la récolte, dans les conditions de chaleur et d’humidité qui sont susceptibles de se produire lors du transport et du stockage. La contamination de cultures immatures par les aflatoxines est également favorisée en période de sécheresse.

De fait, en raison de la toxicité des aflatoxines, l’Union européenne – un partenaire commercial important du Malawi – a interdit l’importation d’arachides en provenance du pays au début des années 90, les niveaux de contamination dépassant les seuils tolérables.

L’UE a fixé les limites de contamination par les aflatoxines à quatre parties par milliard, une norme qui a coûté à certains pays en développement des centaines de millions de dollars de pertes de recettes d’exportations.

D’après Rodomiro Oritz, du Centre international pour l’Amélioration du Mais et du Blé, le problème est dû au fait que la surveillance des toxines et la mise en œuvre des normes est rarement effectuée de manière efficace dans le monde en développement, et surtout en Afrique sub-saharienne.

Les conséquences sanitaires

Dans les pays en développement tels que le Malawi, les aliments de qualité supérieure sont généralement exportés, tandis que les aliments de basse qualité – souvent contaminés par les aflatoxines – qui sont réservés à la consommation locale.

Les enfants exposés aux aflatoxines peuvent souffrir de retards de croissance et d’immunodépression, les rendant plus susceptibles d’être infectés par le VIH et le paludisme. Les aflatoxines sont également étroitement liées au développement du cancer du foie.

Selon Charles Dzamalala, un anatomopathologiste à l’Université du Malawi, l’aflatoxicose aiguë est répandue dans les pays en développement.

Ce syndrome parfois mortel se caractérise par des vomissements, des douleurs abdominales, des œdèmes pulmonaires, des convulsions et un coma, ainsi que des lésions du foie, des reins et du cœur.

"Les conditions qui accroissent la probabilité d’une aflatoxicose aiguë chez les humains sont, entre autres, la disponibilité limitée de denrées alimentaires, les conditions environnementales favorables à la contamination fongique des récoltes et des denrées , et l’absence de systèmes de régulation pour la détection et le contrôle des aflatoxines," a-t-il ajouté.

En 2004, au Kenya, 300 personnes sont tombées malades après avoir consommé des aliments contaminés par les aflatoxines – 125 en sont décédées.

Des solutions durables

Au Malawi, le défi posé par les aflatoxines a mené à la création d’une organisation non gouvernementale dénommée Facseat-Tropical.

Cette ONG promeut des mesures de salubrité alimentaire, notamment la prévention de la contamination fongique des cultures, le tri et la mise au rebut des graines contaminées, ainsi que des efforts pour mieux faire connaître les installations de pointe pour le stockage de graines.

L’organisation compte évaluer l’impact de ces mesures sur la distribution et l’incidence du cancer du foie, sur la toxicité des aliments et la présence d’intoxications alimentaires dans la population.

L’Association nationale des petits Agriculteurs du Malawi (NASFAM) collabore avec l’Institut international de Recherche sur les Cultures des Zones tropicales semi-arides (ICRISAT) et l’Agence américaine pour le Développement international (USAID) pour aider les agriculteurs à respecter les normes de sécurité concernant la teneur en aflatoxines pour les marchés d’exportations.

Promouvoir les bonnes pratiques agricoles est donc essentiel. Par exemple, vu que la sécheresse favorise le développement des Aspergillus sur les cultures qui mûrissent, le semis hâtif permet d’éviter que les arachides n’arrivent à maturité lorsque l’eau manque en bout de saison ; –de même, certaines techniques de récolte et de séchage réduisent la possibilité de contamination par les Aspergillus.

La NASFAM encourage également l’utilisation d’équipements de décorticage manuel ou mécanique en vue de faciliter cette opération. La contamination de l’arachide par les aflatoxines au Malawi est souvent due à l’humidification des graines pour en faciliter le décorticage. Cette ONG encourage également les cultivateurs de vendre leurs arachides immédiatement après le décorticage en raison du risque élevé de contamination lors du stockage.

La NASFAM a recommandé qu’une conférence nationale soit organisée en vue de sensibiliser les individus concernés aux questions qui entourent les aflatoxines et leur impact sur l’agriculture, la santé et les échanges.

A ce jour, l’association a formé 803 collaborateurs et agriculteurs dans le cadre de son initiative de renforcement des capacités pour lutter contre la contamination par les aflatoxines. Elle travaille aussi à la mise sur pied d’un système permettant de remonter à la source de la contamination.

Mettre la main sur le coupable

La détection de faibles taux de contamination par les aflatoxines est devenue beaucoup plus facile dans les pays en développement, grâce à la mise au point de kits moins chers pour le dosage immunoenzymatique (ELISA) (voir l’article Farmers use cheap technology to fight fungus).

A un prix autour de US$ 1 l’unité, le test ELISA est un outil que chaque cultivateur peut se procurer ; surtout comparé au coût exorbitant du test par chromatographie liquide à haute performance (HPLC), utilisé par les agents d’inspection avant exportation, qui se situe aux alentours de d’US$ 230 par unité.

Le kit ELISA utilise des anticorps monoclonaux et polyclonaux pour détecter les aflatoxines dans des échantillons d’aliments destinés à la consommation humaine et animale. Même les producteurs ruraux isolés peuvent utiliser un petit kit mobile pour contrôler les graines et les noix et pour améliorer les techniques de stockage.

Ce kit permet également un contrôle rapide des cultures destinées à l’exportation, réduisant ainsi le risque de contamination d’autres cultures.

L’ICRISAT a ouvert des laboratoires de contrôles en Inde, au Malawi et au Mozambique qui peuvent traiter jusqu’à 300 échantillons par jour, comparativement aux méthodes par HPLC qui ne peuvent analyser que 20 à 40 échantillons par jour. Ceci a permis d’offrir aux consommateurs des produits plus sûrs et d’obtenir de meilleurs revenus pour les agriculteurs africains.

Un avenir plus sûr

Zuberi Seguni, chercheur principal en sciences agricoles à l’Institut de Recherche agricole de Mikocheni, en Tanzanie, a déclaré que cette technologie apporte de réelles économies aux agriculteurs.

A terme, les populations locales devraient aussi pouvoir en profiter, à travers l’amélioration de la qualité des produits et des méthodes de stockage.

Ces nouveaux développements ont poussé Amos Katosa et de nombreux autres cultivateurs à accorder une seconde chance à l’arachide, vu la valeur potentielle de ce produit à la fois au plan local et international.

"Au cours de la prochaine saison agricole, qui débute au mois d’octobre, je vais certainement réserver deux hectares de mes terres à l’arachide ; c’est grâce à elle que j’ai pu subsister depuis des temps immémoriaux," déclara-t-il.