22/08/18

Q&R : La stratégie de la recherche scientifique au Congo

Martin Parfait Aimé Coussoud-Mavoungou 2

Lecture rapide

  • L'Etat veut réaffirmer le rôle éminent de la recherche et donner à la science la place qu’elle mérite
  • Le but principal des journées scientifiques est de susciter l’éveil scientifique en milieu jeune
  • Les Conseils supérieurs de la science ont abouti à la création de quatre instituts nationaux de recherche

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Comme c’est le cas chaque année depuis son institution en 1987 par l’Organisation de l’unité africaine (ancêtre de l’Union africaine), le 30 juin 2018 a été marqué par la célébration des Journées africaines et nationales de la renaissance scientifique.
 
La République du Congo fait partie des pays qui fêtent cette journée de manière formelle, puisqu’elle y fut instituée en août 1997 par un décret présidentiel et placée sous l’égide du ministère de la Recherche scientifique et de l’innovation technologique (MRSIT).
 
SciDev.Net s’entretient ici avec le ministre Martin Parfait Aimé Coussoud-Mavoungou qui dévoile les objectifs de cette journée nationale scientifique et décrit la politique de son pays en matière de science, de technologie et d’innovation (STI).
 

Comment se sont imposées au Congo les journées scientifiques que vous venez d’organiser ?

Les journées scientifiques ont été organisées dans le cadre de la célébration des Journées africaines et nationales de la renaissance scientifique qui a lieu le 30 juin de chaque année. Il faut remonter dans l’histoire des sciences en Afrique pour se remémorer qu’en 1987, plus précisément du 25 au 30 juin, fut organisée à Brazzaville à l’initiative du chef de l’Etat, la première rencontre des hommes de sciences en Afrique. Elle conduisit à la création de l’Union panafricaine de la science et de la technologie avec son siège à Brazzaville. Elle vit aussi la création de la journée africaine de la renaissance scientifique, fixée au 30 juin de chaque année. Par la suite, la Journée de la renaissance scientifique a été institutionnalisée au Congo à travers la signature et la publication du décret N° 97-248 du 5 août 1997.

“Aujourd’hui, l’âge moyen du chercheur est de 58 ans, d’où l’intérêt pour mon département de préparer la relève en recrutant en priorité de jeunes chercheurs”

Martin Parfait Aimé Coussoud-Mavoungou

Qu’est-ce que vous attendez de ces journées ?

La journée de la renaissance scientifique a plusieurs missions. Il s’agit d’abord de réaffirmer le rôle éminent de la recherche et contribuer à donner à la science, à la technologie et à l’innovation, la place qu’elles méritent. Il s’agit ensuite de défendre la science, la technologie et l’innovation congolaises en montrant ses grandes réalisations, ses produits et sa participation à la satisfaction des besoins des populations. Il est aussi question de promouvoir les scientifiques de talent pour contribuer de façon significative au développement des capacités scientifiques et technologiques. Dans le cadre de la culture scientifique, l’objectif visé par l’organisation des journées scientifiques était de présenter la contribution des STI à la diversité de l’économie congolaise et au développement socio-économique du Congo.
 

Quelle est la politique du Congo en matière de recherche scientifique et d’innovation ?

La politique sectorielle de la recherche scientifique et de l’innovation technologique est définie dans le Programme national de développement (PND) 2018-2028. Afin de répondre aux enjeux et défis du développement du Congo, le gouvernement a défini les objectifs stratégiques et opérationnels suivants : accroitre la capacité de l’offre de services ; accroitre les capacités de production des connaissances scientifiques et techniques d’utilité ; accroitre le nombre de chercheurs ; renforcer les capacités institutionnelles. Ces objectifs se déclinent en trois axes stratégiques, à savoir le programme de renforcement des capacités de l’offre de service, le programme de renforcement des capacités de l’offre de connaissances scientifiques et techniques d’utilité et le programme de renforcement des capacités institutionnelles du ministère.
 

A quoi ces programmes correspondent-ils concrètement ?

Le programme de renforcement des capacités de l’offre de service consiste à construire, réhabiliter et équiper des infrastructures de recherche et les infrastructures d’appui à l’innovation (technopôle, incubateurs, etc.). Il permet aussi d’acquérir des équipements et du matériel scientifique des laboratoires de recherche. Il permet enfin de former et recruter les chercheurs.
Le programme de renforcement des capacités de l’offre de connaissances scientifiques et techniques vise entre autres à améliorer les semences et le matériel de plantation, à améliorer la fertilité des sols, les techniques culturales et la productivité des cultures vivrières et à lutter contre les principaux nuisibles, etc.
Le programme de renforcement des capacités institutionnelles du ministère consiste entre autres à élaborer le document de stratégie et de politique sectorielle de la recherche scientifique et de l’innovation technologique, à développer le système d’information et de communication, à restructurer les centres de recherche et d’appui à la recherche et à adopter le statut particulier de la recherche et de l’innovation.
 

Les discours sur ce programme sont souvent suivis de peu d’actes. Quelles en sont les raisons ?

Ces discours ne sont pas restés lettre morte. Bien au contraire, ils sont suivis de résultats probants. C’est pour cela que le Congo est compté parmi les leaders dans la recherche sur le manioc. Mais, il y a aussi une démarche prospective et stratégique qui a abouti à l’amélioration de la gouvernance avec la tenue régulière des Conseils supérieurs de la science et de la technologie entre février 2014 et décembre 2016 et à la réforme du schéma institutionnel avec la création et l’opérationnalisation de quatre instituts nationaux de recherche. Notamment l’Institut national de recherche agronomique (IRA), l’Institut national de recherche forestière (IRF), l’Institut national de recherche en sciences exactes et naturelles (IRSEN) et l’Institut national de recherche en sciences de la santé (IRSSA).
En outre, il y a la restructuration de trois organismes de recherche en vue d’en faire des instituts nationaux de recherche. Il s’agit du CERGEC[1] qui deviendra l’Institut national géographique, du CRESSH[2] qui sera transformé en un Institut national de recherche en sciences sociales et humaines, et du CRIPT[3] qui deviendra l’Institut national de recherche en sciences de l’ingénieur, innovation et technologie.
Parmi les autres choses que l’on peut citer, il y a la construction et l’équipement du laboratoire de fabrication des médicaments contre le paludisme, l’amélioration des infrastructures et installation de recherche, le renforcement des capacités humaines à travers le recrutement, la formation diplômante et continue des chercheurs, etc.
 

Pourquoi est-ce si difficile pour les pays africains d’inciter davantage de jeunes filles à embrasser la science ?

Comme certains pays, le Congo est confronté à une réalité sociologique où les femmes sont peu encouragées dans les carrières scientifiques, alors qu’elles jouissent des mêmes avantages que les hommes dans leur parcours éducatif. Nonobstant cela, dans les différents organismes de recherche sous tutelle du MRSIT, la proportion des jeunes chercheurs femmes est plus élevée que pour les jeunes chercheurs hommes. Et puis, malgré ces contraintes, le Congo regorge de femmes chercheuses de renommée sous-régionale, régionale et internationale à l’instar de Francine Ntoumi.
 

Que fait le gouvernement congolais pour encourager les nouveaux bacheliers à choisir les sciences à l’université ?

Le but principal de l’organisation des journées scientifiques est de susciter l’éveil scientifique en milieu jeune. A cet effet, à travers les visites des laboratoires et les échanges, les jeunes sont encouragés à embrasser les carrières scientifiques. Aujourd’hui, l’âge moyen du chercheur est de 58 ans, d’où l’intérêt pour mon département de préparer la relève en recrutant en priorité de jeunes chercheurs.
 

Quels obstacles rencontrez-vous pour mettre en œuvre toute cette politique ?

Il faut le reconnaître : avec la crise financière mondiale, le gouvernement n’a plus les moyens de sa politique. Nous voulons aller plus vite, sans perdre le cap, conscients des réalités actuelles. Nous progressons peut-être lentement, mais sûrement pour faire des STI le moteur du développement et de l’émergence du Congo.
 

Pourquoi le pays traine-t-il les pas dans le domaine de l’innovation ?

Il faut reconnaître que l’innovation est un nouveau concept dans beaucoup d’économies africaines et les pays s’attèlent à rattraper le retard. Malgré nos faiblesses dans ces domaines, l’Afrique en général, et en particulier le Congo, a fait en moins de dix ans des bonds exceptionnels. La science, la technologie et l’innovation pour l’Afrique, stratégie 2024, est là pour nous le rappeler.

Références

[1] Centre de recherche géographique et de production cartographique
[2] Centre de recherche et d’études en sciences sociales et humaines
[3] Centre de recherche et d’initiation des projets technologiques