25/05/11

Les centres d’excellence peuvent stopper la fuite des cerveaux en Afrique

Higher Education Student
Les centres d'excellence visent à enrayer la fuite des cerveaux en Afrique en proposant une formation scientifique de qualité. Crédit image: Flickr/ Gates Foundation

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Les étudiants des filières scientifiques choisiraient d'étudier et de travailler en Afrique s'ils avaient accès à une formation de haute qualité, soutient Sophie Rivière, conseillère en éducation.

Les économies africaines progressent rapidement et les employeurs du continent sont à la recherche d'un personnel qualifié pour soutenir et poursuivre leur développement.

Pourtant, de nombreux Africains continuent à se tourner vers les pays du Nord ou du monde occidental pour leur éducation et leur carrière, compliquant ainsi la tâche des employeurs africains à la recherche d'un personnel local qualifié. Plus de la moitié des étudiants africains inscrits en Europe y trouvent un emploi, au lieu de retourner dans leurs pays.

Endiguer la fuite des cerveaux est devenu une nécessité pour l'Afrique. Gouvernements, entreprises et bailleurs de fonds cherchent donc à aider les jeunes Africains à rester.

Les centres d'excellence proposent des programmes reconnus sur le plan international et des infrastructures de recherche ultramodernes, constituant une alternative plus abordable dans un environnement plus approprié où l'enseignement est en phase avec le contexte local.

Ces centres investissent massivement dans la qualité de l'enseignement qu'ils offrent, réduisant graduellement l'écart entre les institutions du Nord et celles du Sud. Ils améliorent également leurs capacités afin de pouvoir recevoir plus d'étudiants.
 

Inverser la fuite des cerveaux


L'Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement (2iE) à Ouagadougou, au Burkina Faso, est l'un de ces centres d'excellence. L'Institut se spécialise dans l'eau, l'énergie, l'environnement, le génie civil et l'exploitation minière – des domaines d'expertise adaptés aux besoins des économies locales et régionales.

La population estudiantine du centre a augmenté de manière significative au cours de ces cinq dernières années, passant de 240 en 2005 à 1 850 étudiants en 2010. Ses diplômés sont très demandés sur le marché du travail – plus de 90% d'entre eux ont trouvé un emploi dans les six mois qui ont suivi de l'obtention de leurs diplômes.

Statistique importante, 95% des étudiants du 2iE finissent par travailler en Afrique, principalement dans le secteur privé, renforçant ainsi les économies locales et contribuant à la croissance à long terme.

Cet exemple démontre qu'avec suffisamment de financements et d'assistance technique, les centres d'excellence peuvent contribuer à inverser la fuite des cerveaux. Mais ils sont confrontés à des défis quant à leur développement futur et à leur capacité de répondre aux besoins de la société.

“Endiguer la fuite des cerveaux est devenu une nécessité pour l'Afrique.”

Sophie Rivière

En mars dernier, une conférence internationale a abordé la gouvernance et le financement des centres d'excellence, dans le but spécifique d'accroître leur viabilité et de renforcer leur impact.

Cette conférence a été organisée par le 2iE et la Banque mondiale, le ministère français des affaires étrangères, la Fondation pour le Renforcement des Capacités en Afrique (African Capacity Building Foundation), l'Agence Française de Développement (AFD) ainsi que la Banque africaine de développement.

Des études de cas provenant des pays du monde entier — dont le Mexique, le Liban, le Sénégal et la Tunisie — ont été présentés aux participants venant d'institutions d'enseignement supérieur, de centres de recherche, d'agences d'aide au développement, d'organismes de prise de décisions et du secteur privé.

Parmi les centres d'excellence participant à la réunion, figuraient l'Ecole supérieure multinationale des télécommunications (ESMT), du Sénégal, l'Ecole supérieure privée d'ingénierie et de technologies (ESPRIT), de Tunisie et l'Institut de technologie de Monterrey, du Mexique.

L'objectif était de faire ressortir les caractéristiques communes partagées par chacun de ces centres, et de mettre sur pied un plan d'action pour en renforcer les capacités.
 

Une approche flexible


A Ouagadougou, les débats ont débouché sur l'adoption de critères de définition de l'excellence dans l'enseignement supérieur et la recherche : une formation axée sur la demande, la recherche de normes et de reconnaissance internationales, une vision stratégique et l'accès à l'éducation fondé sur le mérite des étudiants.

L'autonomie financière et statutaire, la souplesse en matière de gestion et de planification stratégique figuraient au nombre des recommandations issues des discussions pour assurer une bonne gouvernance.

Les centres d'excellence devraient jouir de la flexibilité afin de pouvoir saisir les opportunités et répondre aux nouveaux besoins, en développant de nouveaux programmes de formation, en adaptant leurs politiques salariale et de recrutement, ou en remodelant leurs stratégies en fonction des mutations politiques, économiques et sociales.

Les partenariats public-privé ont été également considérés comme un atout majeur. Ils peuvent, en effet, permettre d'assurer la participation des universitaires et des scientifiques dans le processus décisionnel, l'expansion des activités et l'innovation d'un centre.

En outre, l'implication du secteur privé présente des avantages tangibles. Ainsi, la présence d'entreprises minières au Burkina Faso a récemment stimulé la demande de scientifiques de l'environnement spécialistes de l'exploitation minière. En réponse à cette demande, le 2iE a élaboré des cours pertinents pour répondre à ces besoins nouveaux, en créant le Master spécialisé en gestion durable des mines.
 

Les bourses et les prêts


Les participants à la conférence ont également abordé la manière d'améliorer la viabilité financière. Une seconde réunion sur la façon dont le secteur privé – et plus particulièrement le secteur bancaire – peut contribuer sera organisée avant la fin de l'année.

Des programmes de partage et de garantie des risques pour financer les prêts consentis aux étudiants, les installations de logement et les investissements dans les infrastructures sont autant de possibles mécanismes novateurs qui méritent d'être examinés.

Au 2iE, de nouveaux mécanismes de financement à l'intention des étudiants potentiels ont déjà été mis en place. En plus des programmes de bourses d'études offerts actuellement à 40% de la population étudiante, le centre a conclu avec la Bank of Africa et l'AFD un partenariat permettant aux étudiants de Master d'obtenir un prêt sur la base de leur employabilité future.

Mis sur pied en 2009, ce programme est accessible aux étudiants de 12 pays où la Bank of Africa est représentée, et des négociations pour son extension sont en cours.

Les centres d'excellence oeuvrent pour améliorer les normes académiques à grande échelle en Afrique, proposent ainsi aux étudiants la possibilité de rester sur le continent et incitant les universitaires du monde entier de s'y rendre pour enseigner ou effectuer des recherches.

En adoptant les conclusions de la conférence, les centres et leurs partenaires dans le Sud ont établi un plan d'action qu'ils doivent à présent suivre, afin de continuer à promouvoir la création et la diffusion des connaissances — l'un des plus puissants outils de lutte contre la pauvreté.

Sophie Rivière est conseillère auprès du directeur général de l'Institut international d'ingénierie de l'eau et de l'environnement (2iE), à Ouagadougou, au Burkina Faso.