06/01/16

Le bilan scientifique de l’année 2015 à Madagascar

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Crédit image: Andrew McConnell / Panos

Lecture rapide

  • Il existe une stratégie nationale de la recherche scientifique depuis 2013
  • Le salon de la recherche d’octobre 2015 a révélé les prouesses des chercheurs
  • Il persiste néanmoins des malentendus entre certains membres du gouvernement

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[ANTANANARIVO] Le chef de l’Etat malgache, Hery Rajaonarimampianina, avait promis au début de cette année finissante d’accorder à la recherche sa vraie place pour permettre à la croissance de décoller après la longue crise de 2009-2014.
 
Hélas, la "vraie place" en question se cherche encore, étant entendu que même les ressources allouées à la recherche ont du mal à franchir le taux de un pour cent du budget annuel de l’Etat.
 
En attendant, et malgré les difficultés et les mauvaises langues, la recherche scientifique sur l’île fait des progrès ; et les gens commencent à en être convaincus, à en juger par les réactions observées au cours des manifestations scientifiques ayant jalonné l’année 2015.
 
"Je ne savais pas que les scientifiques malgaches étaient capables de grandes inventions", s’étonne un jeune lycéen après avoir fait le tour des stands lors du dernier Salon de la recherche qui s’est tenu en octobre 2015 à l’université d’Antananarivo.
 
En outre, les visiteurs du Forum des énergies renouvelables à Antananarivo les 14-16 décembre dernier étaient transis d’émerveillement à la vue des prototypes de batteries avec de la mer comme catalyseur.
 
Le dévoilement de cette innovation technologique intervenait quelque 24 heures après l’adoption à Paris de l’accord planétaire sur le climat, préconisant, entre autres, "une économie décarbonisée".
 
Cette invention de trois ingénieurs malgaches de l’Ecole polytechnique d’Antsiranana pourrait être une solution réaliste pour le système national de vaccination. Donnant un sens à la phrase de l’économiste philippin Tony Meloto qui, dans son livre intitulé "Dans quel monde voulons-nous vivre ? 25 réponses aujourd’hui" écrit que "les connaissances ne servent à rien si elles demeurent aveugles et ne sont pas employées à aider ceux qui se sont égarés à retrouver leur chemin et les captifs à être libres."
 

Stockage de vaccins

 
En effet, avec l’appui de partenaires comme la Banque mondiale, le ministère malgache de la Santé publique envisage, à partir de 2016, de doter les centres de santé dans les zones reculées de dispositifs de stockage de vaccins fonctionnant avec des énergies propres.
 
D’autres usagers pourraient également goûter à la douceur que susciteront à l’avenir les "batteries à mer".
 
Par ailleurs, l’invention d’un nouveau vaccin, accessoirement baptisé Pestakoho, à même de lutter efficacement contre la peste aviaire – un vrai cauchemar pour les petits éleveurs ruraux – ne doit laisser personne indifférent.
 
Les scientifiques de l’Institut malgache des vaccins vétérinaires (Imvavet) se donnent encore le temps de le tester sur le terrain avant sa mise en vente prévue à partir d’avril 2016.
 
En outre, la biodiversité exceptionnelle de l’île avec un fort taux d’endémisme, demeure un laboratoire vivant par excellence pour les chercheurs nationaux et internationaux.

“Nous savons comment mener des recherches. Mais nous ne savons pas en vendre les produits”

Olivier Ramiandrisoa
Université d'Antananarivo

 
La conservation de la faune et de la flore représente le domaine de recherche le plus dynamique au pays. Un nom bien connu, en l’occurrence Jonah Ratsimbazafy, émerge de ce champ grouillant de spécialistes de renom.
 
Anthropologue et primatologue formé aux Etats-Unis, ce dernier a à lui seul a publié jusqu’ici plus de 170 ouvrages et articles scientifiques, un record jamais atteint sur la Grande Ile.
 
Cela a amené le gouvernement américain à lui décerner en 2015 le Disney Conservation Hero Awards, déjà attribué aussi à cinq autres confrères malgaches auparavant.
 
Au début du second semestre de l’année, le site ResearchGate a dû reconnaître que cet éminent primatologue était le chercheur de l’Université d’Antananarivo dont les travaux disponibles en ligne sont les plus téléchargés.
 
Pourtant, outre le manque chronique d’infrastructures adéquates, le manque de visibilité restreint la réputation et la compétence des chercheurs locaux. "Nous savons comment mener des recherches. Mais nous ne savons pas en vendre les produits", confirme Olivier Ramiandrisoa, fonctionnaire à la direction de la recherche à l’Université d’Antananarivo. Il s’exprimait à l’occasion de la seconde édition du Salon de la recherche, organisé sur le campus universitaire les 15-16 octobre 2015.
 
Au final, ceux dont les noms sont cités dans de prestigieuses revues sont ceux qui sont pris dans des programmes de coopération avec leurs pairs occidentaux. L’Institut de recherche pour le développement (IRD), le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), l’Institut Pasteur de Madagascar (IPM) et tutti quanti sont parmi ces institutions étrangères qui donnent de la visibilité.
 

Collaboration

 
Aussi l’implication des chercheurs nationaux dans des programmes de recherche internationaux constitue-t-elle une aubaine pour le pays en mal d’accès à des opportunités dans les quatre coins du monde.
 
C’est le lieu de souligner qu’Antananarivo accueillera en septembre 2016 le prochain sommet de la francophonie. Ce sera une occasion de plus pour stimuler davantage les coopérations entre les scientifiques d’une même aire linguistique.
 
C’est par exemple à la faveur d'une telle collaboration que Minoson Rakotomalala, un expert en énergies renouvelables, et Gérard Rambolamanana, un sismologue, sont devenus des références de choix respectivement pour le vaste projet Square Kilometer Array (SKA) et le Comprehensive Nuclear Test Ban Treaty Organisation (CTBTO).
 
Quoi qu’il en soit, sur le plan structurel et organisationnel, la recherche à Madagascar se trouve à la veille d’un tournant historique. Le basculement au système LMD sera définitif dès 2016.
 
L’intense multiplication des espaces numériques et la poursuite de la création des annexes des universités publiques dans des régions au cours de 2015 vont dans ce sens.
 
Sauf qu’une certaine incompréhension subsiste tout de même au sein de l’équipe gouvernementale.
 
Un entretien informel avec le ministre malgache de la Pêche et des Ressources halieutiques, Ahmad, a par exemple permis de l’entendre s’exprimer ainsi : "Notre département devrait disposer d’un centre ou d’un institut de recherche".
 
Il faisait allusion à l’éventuelle révision des statuts du Centre national de recherche océanographique (CNRO) ou de l’Institut halieutique et des sciences marines (IHSM), placés tous sous la tutelle du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique (MESRS).
 
En tout cas, les ambitions gouvernementales en la matière sont contenues dans la Stratégie nationale de la recherche scientifique élaborée en mai 2013 avec comme slogan "La recherche au service du progrès social et du développement économique".

Rivonala Razafison est journaliste scientifique, correspondant de SciDev.Net à Madagascar