18/06/18

R&D : Le hub de Berlin, un nouvel espoir dans la lutte contre la RAM

AMR Tablets
Des capsules d'antibiotiques - Crédit image: Artinun Prekmoung

Lecture rapide

  • Plus d'une personne meurt par minute des effets de la résistance antimicrobienne
  • Les efforts en matière de R&D doivent tenir compte de l'expérience des pays du Sud
  • Berlin doit représenter une opportunité de mener des recherches inclusives sur la RAM

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Les efforts en matière de R&D sur la résistance antimicrobienne (RAM) ont reçu un énorme coup de pouce avec le lancement, fin mai, sous l'impulsion de l'Allemagne, d'un centre international de recherche, basé à Berlin.

Au cours des dernières décennies, la résistance antimicrobienne s'est hissée au sommet de l'agenda mondial en matière de santé, stimulée par une inquiétude grandissante de voir les microorganismes – bactéries, virus, champignons et parasites – développer une résistance inexorable aux médicaments.

Dans son dernier rapport sur la résistance antimicrobienne, l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) fait état d'un sérieux déficit de nouveaux antibiotiques en cours de développement pour lutter contre la menace croissante de la résistance aux antimicrobiens.

De fait, selon une étude du Pew Research Center, chaque antibiotique actuellement disponible est un dérivé d'une classe découverte entre le début des années 1900 et 1984.

“Les chercheurs africains disposent du même niveau d'expertise que ceux des pays industrialisés. S'il y en a une, la différence se manifeste peut-être au niveau des financements des projets de recherche et de l'importance des moyens de recherche.

Cheikhou Oumar Dia, président de l'Ordre national des pharmaciens du Sénégal

L'Allemagne, par le biais du G20, a donc pris la tête, lors du Sommet de juillet 2017, d'une initiative internationale de recherche.

Dans leur déclaration, les dirigeants du G20 appelaient à "maximiser l'impact des initiatives de recherche fondamentale et clinique antimicrobiennes existantes et nouvelles, ainsi que le développement de produits".

Ce pôle R&D mondial de la RAM, lancé le 22 mai dernier, en marge de l'Assemblée mondiale de la santé, à Genève, est censé encourager la coordination et l'alignement des financements publics et privés existants et mobiliser de nouveaux investissements pour les initiatives de R&D en matière de RAM, au niveau national et/ou international.

Mais la communauté scientifique insiste sur la nécessité d'éviter d'en faire un club de chercheurs des pays industrialisés et de l'ouvrir aux chercheurs des pays du Sud.

AMR Review
Source: Review on antimicrobial Resistance – Décembre 2014

Pour Roger Nébié, directeur de recherches en chimie organique et secrétaire permanent de la Société ouest-africaine de chimie, l'Afrique a pleinement sa place dans ce réseau et la capacité de se faire valablement représenter au sein de cette organisation.
 
"C'est souvent les plateaux techniques qui font défaut ; l'Afrique dispose d'une diversité biologique dont certains extraits peuvent contribuer efficacement à résoudre le problème de la résistance antimicrobienne", estime-t-il.
 
"A travers les publications scientifiques, on peut facilement rassembler une équipe pluridisciplinaire d'experts (biochimistes, médecins, chimiste, pharmacologues, sociologues, etc.) de différents pays sur la question et faire un état des lieux et des propositions d'actions de recherche-développement", précise le chercheur.
 
Cet avis est corroboré par Cheikhou Oumar Dia, président de l'Ordre national des pharmaciens du Sénégal qui, tout en louant l'initiative du G20, insiste aussi sur la nécessité de mener une recherche inclusive, en associant les pays du Sud, faute de quoi la lutte contre la RAM serait vouée à l'échec.
 
"Les chercheurs africains disposent du même niveau d'expertise que ceux des pays industrialisés. S'il y en a une, la différence se manifeste peut-être au niveau des financements des projets de recherche et de l'importance des moyens de recherche à la disposition des uns et des autres", assure-t-il.
 
Dans une interview à SciDev.Net, Georg Schütte, secrétaire d'Etat allemand à l'Education et à la Recherche, insiste pour sa part sur le fait que l'initiative de Bonn est ouverte à tous.

"Le centre est ouvert aux pays du G20 et aux pays non membres du G20. Ses membres plaideront activement pour que d'autres pays en deviennent membres", précise-t-il.

"La résistance aux antimicrobiens est également un problème important dans les pays à faible revenu et à revenu intermédiaire. C'est pourquoi les membres actuels du centre sont très intéressés de voir une participation accrue des pays du Sud. En outre, le centre collaborera également avec d'autres parties prenantes importantes dans la recherche et le développement sur la RAM à travers le monde, y compris dans les pays en développement."

Selon une basse estimation publiée par l'organisation Review on Antimicrobial Resistance, la résistance antimicrobienne tue 700.000 personnes par an, soit plus d'une personne toutes les minutes.

La même étude fait le diagnostic d'un coût économique catastrophique.

Elle montre ainsi qu'une augmentation continue de la résistance d'ici 2050 conduirait à 10 millions de morts par an et une réduction de 2% à 3,5% du PIB mondial, avec une incidence financière globale de 100 trillions de dollars et des conséquences particulièrement dévastatrices pour les pays pauvres.

Pour contribuer à venir à bout de ces défis, le centre international de lutte contre la RAM se propose de travailler suivant trois axes clés : la coordination de la recherche, le développement de médicaments et les opportunités d'investissement.

Les experts essaieront de guider les pays donateurs et d'autres acteurs dans les priorités en matière de financement. Le centre réunira également des chercheurs, des experts en politiques et des représentants de sociétés pharmaceutiques, pour tenter de créer de nouveaux partenariats et de s'attaquer aux obstacles à la R&D.

Les travaux du centre international de R&D sur la RAM seront alignés sur les priorités établies par l'OMS, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et l'Organisation mondiale de la santé animale (OIE). En intégrant les aspects environnementaux et la médecine vétérinaire dans ses analyses et recommandations, le centre répond aussi à l'approche "One health", qui considère la santé humaine et animale, la sécurité alimentaire mondiale et les facteurs environnementaux comme un tout interconnecté.