18/03/08

Antibiotiques: Des primes et non des prix élevés pour stimuler la R&D

Crédit image: SciDev.Net

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D’après James Love, avec la hausse de la résistance à travers le monde, la nécessité de nouveaux antibiotiques s’impose de plus en plus. Mais la R&D peut coûter chère et nécessiter beaucoup de temps.

La majorité des défis associés avec la mise au point de nouveaux antibiotiques et vaccins sont familiers et communs aux autres médicaments. La recherche-développement (R&D) coûte cher, surtout les essais cliniques impliquant des êtres humains, et le développement des produits peut être un long processus – deux aspects rebutants pour la majorité des investisseurs qui sont peu enclins à courir des risques.

Les investisseurs peuvent également être découragés par le phénomène des « buissons de brevets ». Il est difficile voir impossible de s’approprier plusieurs des avantages scientifiques de la R&D, notamment ceux induits par les échecs.

Les antibiotiques et les vaccins sont également associés à d’autres échecs du système du marché. Les antibiotiques plus récents devraient être utilisés uniquement quand les produits plus anciens se montrent inefficaces – mais cela ne se fait pas, puisque cela contredit le dogme du monopole temporaire accordé pour exploiter une invention. L’évaluation de la sûreté et de l’efficacité d’un vaccin peut nécessiter un temps particulièrement long, et sa valeur sociale peut être supérieure à sa valeur pécuniaire, en raison de l’occasion qu’elle offre d’éradiquer une maladie infectieuse ou du fait que la vaccination diminue le taux d’infection communautaire.

'Des mécanismes de poussée-traction’

Les réponses des gouvernements au sous-investissement dans les nouveaux antibiotiques et vaccins varient, mais elles sont généralement axées sur une combinaison entre les bourses de recherche et les subventions (‘poussée’) et d’autres mesures incitatives pour les investissements dans des produits à succès (‘traction’).

Les investissements du secteur public et des bailleurs dans les antibiotiques sont d’une importance capitale et prennent généralement la forme des mécanismes de poussée, tels que des dons accordés aux partenariats de développement des médicaments à but non lucratif. Toutefois, de nombreux experts se focalisent sur des projets dont les chances de réussite sont les plus élevées.

Certains lobbyistes et auteurs universitaires ont proposé que les gouvernements accordent une protection plus longue aux brevets sur les antibiotiques en vue de donner le temps au titulaire du brevet de rentrer dans les frais de R&D. D’autres estiment que les gouvernements devraient garantir des prix élevés pour les vaccins ou créer divers systèmes d’interfinancement tels que les extensions de brevets transférables susceptibles de servir à étendre les monopoles des produits vedettes tels que l’atorvastatin, un médicament anticholestérol.

Bien que les prix élevés des médicaments aient traditionnellement été l’incitation à investir dans la R&D, l’on est de plus en plus en plus conscient des problèmes connexes. Avec des prix élevés, beaucoup de gens ne peuvent s’offrir le produit. Dans les pays pauvres, on note une absence de produits brevetés sur la liste modèle des médicaments essentiels de l’OMS. Même dans les pays industrialisés, les prix élevés entraînent également l’élaboration de diverses stratégies de limitation de l’accès, comme le remboursement limité par l’assurance des médicaments les plus récents.
Tous les médicaments ne sont pas destines à un usage immédiat: une partie de la politique sanitaire de tous les gouvernements consiste à constituer des stocks de médicaments pour les situations d’urgence telle que celle créée par la pandémie de la grippe aviaire. Mais les prix élevés induits par les monopoles découragent la constitution de stocks de plusieurs médicaments importants, surtout dans les pays pauvres.

Les prix élevés sont également associés avec les dépenses sur des stratégies de marketing coûteuses, trompeuses, irrationnelles et parfois dangereuses, parce que les fabricants encouragent l’usage des médicaments pour des cas où ils ne sont pas indiqués.

Enfin, l’utilisation des prix des médicaments comme incitation entraîne un excès des investissements dans de nouveaux produits offrant des avantages supplémentaires négligeables par rapport aux médicaments existants, tandis que les produits qui ouvrent de nouvelles pistes de traitement sont relativement moins bien récompensés.

Des dilemmes éthiques

Pour un système d’incitation qui récompense de manière efficace les produits qui améliorent les résultats des traitements sans entraîner le rationnement et des dilemmes éthiques en matière d’accès, il vaut mieux user des récompenses et non des prix.

En théorie, les récompenses peuvent être plus efficaces que les prix dans n’importe quel domaine de politique lorsqu’ils sont mis en oeuvre dans le cadre d’un projet de séparation du marché de l’innovation de celui des produits.

En mai 2007, l’Assemblée mondiale de la santé a reconnu l’importance de ce concept en appelant le Directeur général de l’OMS à promouvoir l’élaboration de mécanismes d’incitation qui fassent le « lien entre le coût de la recherche-développement et le prix des médicaments. »

Pour les antibiotiques, un système des récompenses pécuniaires pourrait évaluer les nouveaux produits grâce à des modèles économiques comme ceux utilisés dans l’évaluation des stocks options, des inventaires et d’autres instruments financiers. Un nouvel antibiotique serait évalué non seulement pour son utilisation pendant la durée du brevet, mais dans le cadre d’un portefeuille en cours de produits nécessaires pour des maladies, conditions ou résistances nouvelles qui l’on attend de voir émerger avec le temps.

Les récompenses peuvent même être décernées dans les cas où la consommation du moment est à zéro, ou proche de zéro, tant que le nouveau produit améliore la sûreté et la durabilité du programme de traitement. Ces modèles de récompense n’ont pas besoin d’être très complexes. Une récompense pécuniaire consistante mais simple pour l’enregistrement auprès de la Food and Drug Administration (FDA) des Etats-Unis d’un nouvel antibiotique qui a un profil de résistance intéressant, ajoutée avec une production compétitive de génériques, induirait de meilleures incitations économiques pour la gestion rationnelle d’un antibiotique qu’un monopole commercial de 20 ans qui ne peut être évalué que s’il est converti en nombre de produits vendus à des prix élevés. Naturellement, on peut mieux faire, mais même un début aussi simple contribuerait à l’amélioration de la situation actuelle.

Le développement des vaccins pourrait définitivement profiter d’un passage des monopoles aux récompenses de l’innovation. Aujourd’hui, les fabricants de vaccins se battent pour une protection solide par les brevets en vue de garantir des retours sur investissement considérables. Mais le système de brevets est également un problème potentiel au développement des vaccins – en tant qu’obstacle à l’utilisation des technologies.

Le développement du vaccin contre le PVH (papillomavirus humain) a été retardé et il est moins efficace qu’il aurait pu l’être du fait que la recherche a été gênée par un paysage juridique compliqué. Si les retours sur investissement étaient déterminés par les récompenses et non les forces du monopole commercial, les développeurs de vaccins préféreraient les réformes du système de brevets en vue de faciliter l’utilisation des inventions pour les nouveaux vaccins.

Enfin, quelques petites entreprises ont manifesté leur intérêt dans l’élaboration d’un système de récompenses destinées aux stades préliminaires de développement des médicaments.

Plus exactement, elles proposent un système de récompenses pour le respect des points de référence dans le développement des produits, notamment les essais cliniques relativement précoces de phases I ou II. Ce système peut s’avérer important dans les domaines où les marchés de capitaux ne fonctionnent pas bien et certains efforts préliminaires de développement des produits ayant peu de chances de connaître un succès commercial présentent de nombreux avantages. Les essais de produits qui finissent par ne pas obtenir l’autorisation de mise sur le marché de la FDA comportent souvent des données utiles, et peuvent constituer des points de départ pour le relèvement des défis scientifiques et de fabrication pour une future génération de produits plus efficaces.

Le défi consiste à trouver des voies permettant soit d’évaluer ces succès immédiats ou d’identifier les intermédiaires qui disposent des ressources et de la légitimité pour procéder à ces évaluations. C’est un domaine où de nombreux travaux de recherche sur les politiques sont en cours.

James Love est le Directeur de Knowledge Ecology International.

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