27/11/08

Les académies de sciences face à leur destin

Crédit image: National Academies of Science, US

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Les Académies de sciences du monde en développement doivent se rapprocher du monde réel si elles veulent influer sur l’élaboration des politiques.

Lorsque l’on parle d ‘Académie de sciences’ , l’on imagine immediatement un club de vieux universitaires – composé en règle générale d’ hommes – qui discutent à huis clos des résultats des derniers travaux de recherche publiés dans les revues scientifiques. Et lorsque les débats cessent, c’est pour décider des nouvelles admissions dans leur cercle restreint.

Bien évidemment, il s’agit là d’une caricature. Plusieurs académies de sciences, surtout dans le monde développé, coopèrent de plus en plus avec les gouvernements sur des questions liées à la science, et promeuvent le débat public sur ces sujets. Pour certaines d’entre elles, comme l’Académie Nationale des Sciences des Etats-Unis, cela représente depuis longtemps son activité centrale.

Mais trop souvent, la perception que nous avons des Académies de sciences –   institutions élitistes –  reste malheureusement d’actualité.

Cela est malheureusement particulièrement vrai dans plusieurs parties du monde en développement. En effet, ce sont souvent les pays qui ont besoin d’une communauté scientifique dynamique et engagée qui souffrent d’un isolement académique hérité d’un passé colonial.

De bonnes opportunités

Comme il a été démontré lors de deux rencontres organisées le mois dernier, les opportunités de promouvoir le développement économique et social, en jouant le rôle d’intermédiaires entre le monde scientifique et les hommes politiques, n’ont jamais été aussi nombreuses. .

La réunion du 25ème anniversaire de la TWAS, Académie des Sciences pour les Pays du Tiers-monde, tenue à Mexico, a été l’une de ces occasions. Plusieurs intervenants ont évoque la façon dont la TWAS a porté haut le statut et la reconnaissance de la science dans le monde en développement (voir L’Académie des Sciences du Tiers-monde : un porte-étendard de la science dans le monde en développement).

La seconde occasion s’est tenue lors d’ une rencontre de deux jours à la Royal Society, à Londres, ou a été débattue la manière dont les académies de science pouvaient contribuer à améliorer l’impact des politiques publiques sur le continent. Cette rencontre était organisée par l’Initiative pour le Développement des Académies de Science africaines, un projet soutenu par la Fondation Bill et Melinda Gates.

Ces deux réunions ont été l’occasion de souligner l’importance du rôle joué par les Académies de science par leur capacité à persuader  les gouvernements à investir dans la science pour le développement. "Les scientifiques sont au centre de l’économie du savoir, ils doivent, par conséquent, être placés au cœur des stratégies," a déclaré le délégué kenyan à la rencontre de Londres.

Des décisions plus éclairées

Au cours de ces rencontres, l’accent a également été mis sur la façon dont les Académies peuvent, au moins dans le principe, encourager les gouvernements à prendre des décisions plus éclairées. Plus exactement, elles peuvent contribuer à garantir le fondement des politiques basées sur des données scientifiques claires, notamment dans les cas où des choix dictés par la seule préoccupation politique peuvent conduire vers une voie différente.

Ainsi, il est  de notoriété publique qu’un rapport influent de l’Académie de Sciences d’Afrique du Sud a contribué à persuader le gouvernement sud-africain de reconnaître que le VIH est à l’origine du sida.

La rencontre de Londres a évoqué la possibilité pour la communauté des chercheurs en général, et les Académies en particulier, d’ aider les décideurs à s’attaquer aux questions essentielles, depuis la sécurité des cultures transgéniques à la vérification de l’adéquation entre les priorités d’un pays dans le domaine de la santé et celles des organismes d’appui à la recherche médicale.

Avoir de l’influence

Mais, si le rôle potentiel des Académies est clair, la méthode d’action pour l’assumer demeure floue. Les compétences et les ressources sont l’une des priorités. Les participants aux deux réunions ont mis un accent sur le fait que les Académies sont des institutions relativement petites, qui préservent jalousement leur indépendance à l’égard des gouvernements, et dont l’efficacité n’a, par conséquent, d’égale que celle des personnes qui les gèrent.

Si les Académies veulent avoir un impact significatif sur l’élaboration des politiques, elles ont besoin d’un personnel administratif capable de gérer correctement  les comités. Il leur faut également du personnel capable de communiquer efficacement les recommandations des comités à la fois aux décideurs et au grand public, via les media, et ce dans un langage facilement accessible aux profanes

Mais le personnel chargé de la gestion des Académies doit également avoir la volonté de prendre l’initiative d’aller au contact du monde extérieur, quelles qu’en soient les difficultés.

La communauté des décideurs doit créer cette émulation. Les hommes politiques et les autres décideurs ne doivent pas considérer les scientifiques comme un groupe de pression, mais comme une source de conseils opportuns et utiles répondant à des choix politiques réels.

Les Académies peuvent contribuer fortement à améliorer leur image. Plus elles s’accrochent à leurs rôles traditionnels, plus elles seront perçues comme des institutions nombrilistes et sont ignorées par les gouvernements.

A contrario, plus elles manifesteront leur volonté d’aller au contact du monde réel, d’écouter ce qu’il a à dire, plus elles feront montre de modestie et reconnaîtront qu’elles n’ont pas la solution à tous les problèmes, plus les décideurs seront susceptibles de les considérer comme des partenaires actifs et constructifs.

Une fois que ces conditions seront réunies, et que les Académies de science s’engageront à se débarrasser de leur image élitiste, les ressources dont elles ont besoin pour renforcer leur rôle augmenteront presque inévitablement et proportionnellement à la perception de leur valeur au sein de la société.

Les Académies sont donc face a leur destin.