28/05/09

Analyse : le fonds scientifique panafricain, tombé dans les oubliettes ?

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Au moment où les ministres africains de la science préparent une réunion au Burundi, Linda Nordling s'interroge sur  l'avenir du projet de création d'un fonds panafricain pour la science.

Le mois prochain (1er-5 juin), les ministres africains de la science et les décideurs se retrouveront au Burundi pour une réunion du bureau de la Conférence ministérielle africaine de la science et  de la technologie (AMCOST). Ils feront le point sur l'état d'avancement des projets  sur le continent depuis leur dernière réunion à Abuja, au Nigeria, en décembre dernier.

Les six mois qui séparent ces deux réunions étant un long délai en matière d'élaboration de politiques, de nombreux sujets devraient donc être débattus. Mais il semblerait qu'au moins un projet important aurait été éliminé.

En janvier, il semblait qu'il suffisait de quelques mois pour voir enfin quelques progrès dans la création d'un fonds africain pour la science, la technologie et l'éducation (voir L'idée d'un fonds panafricain gagne du terrain).

Le fonds figure en très bonne place dans le plan scientifique de 2005 du continent africain, dénommé  Plan d'action consolidé. Le fonds se propose de faire office de dépôt central de l'aide au développement de la science, s'assurant que l'argent soit dépensé de manière coordonnée et conformément aux politiques du continent.

A Abuja, les membres du bureau de l'AMCOST avaient accepté la mise en place de toutes les étapes conduisant à la création du fonds et avaient chaudement recommandé à la Commission de l'Union africaine (CUA) "d'accélérer le processus en coopération avec les parties prenantes". Au début de cette année, la Banque africaine de développement (BAD) et la CUA étudiaient les détails pratiques de la collecte d'argent pour le fonds ainsi que son hébergement au sein de la banque.

Une étude de faisabilité devait prendre fin en mars dernier — juste à temps pour que les résultats soient présentés à la réunion du Burundi. Mais il semble que les travaux se soient éternisés. A quelques jours seulement de la réunion, le directeur de la BAD en charge de la science et de l'éducation a déclaré à Scidev.Net qu'il n'avait aucune idée des travaux qui avaient été entrepris.

Changement au sommet

De récents changements de personnels aux sièges de la BAD et de la CUA pourraient en paartie expliquer l'échec du projet. On a assisté ces derniers mois à l'arrivée de nouveaux cadres dirigeants dans les divisions scientifiques des deux organismes.

A Abuja, le plus grand optimiste au sujet du fonds était le directeur de la science et de la technologie de la CUA, Hakim Elwaer. Mais quelques semaines après la réunion, il a été muté à la direction des ressources humaines, des finances et de l'administration de la CUA. Brenda Vera Ngosi, ancienne directrice de l'administration, a remplacé Elwaer à la division de la science et cherche encore ses marques.

Entre-temps, Sibri Tapsoba, directeur pour la science a la BAD l'annee derniere, a également quitté son poste. Il a déclaré ce mois-ci a Scidev.Net qu'il y avait eu des "retards" dans l'étude de faisabilité du fonds, et que la CUA n'avait pas pu fournir la documentation nécessaire pour faire avancer les choses.

Nul ne sait réellement si les travaux sur le fonds panafricain ont été abandonnés, suspendus ou simplement différés – aucune information officielle a ce sujet n'a pu etre obtenu auprès de la CUA.

 Mais l'absence de progrès dans la création du fonds peut renforcer l'idée, largement partagée dans la communauté scientifique africaine, qu'aucune politique a l'échelle du continent n'est mise en oeuvre.

"A mon avis, les choses ne fonctionnent pas comme elles le devraient", affirme Umar Bindir, le directeur général de l'Office national nigérian pour l'acquisition et la promotion des technologies, qui a accueilli la réunion d'Abuja. "Le fonctionnement de l'ensemble des structures scientifiques et technologiques au sein de l'Union africaine doit être pleinement débattu et coordonné", a-t-il ajouté.

Quelques bonnes nouvelles

Cependant, il faut rendre justice a la CUA et reconnaître que d'autres projets progressent de façon plus harmonieuse. Le Programme africain de bourses de recherche – l'un des 'projets phares' mis sur pied en collaboration avec l'Union européenne – semble évoluer comme prévu et sera au centre de la réunion du Burundi.

Le programme de bourses offrira aux chercheurs africains 36 millions d'euros par la voie d'appels d'offres annuels sur trois années consécutives. Ils concernront une variété de domaines dont l'agriculture, l'énergie et l'eau. Le premier appel d'offres est attendu au mois de novembre de cette année (voir l'Europe soutient le projet de bourses pour la recherche africaine).

Un autre projet qui progresse est l'Organisation panafricaine de la propriété intellectuelle (OPAPI), pour lequel une proposition de gouvernance a de fortes chances d'être présentée au bureau de l'AMCOST. Le premier projet a été rejeté à Abuja parce qu'il proposait un nouveau conseil des ministres sur la propriété intellectuelle, que le bureau a juge peu réaliste (voir Le projet de protection de la propriété intellectuelle en Afrique accuse un retard).

Observer et voir

Les problèmes d'absence de continuité induits par les changements de personnels étaient sûrement prévisibles et seront résolus avec le temps. Ngosi a déclaré à Scidev.Net que le changement faisait partie intégrante de la vie d'une organisation et était potentiellement une force de progrès.

Mais elle devra, ainsi que ses collègues, cesser ses activités pour prouver que le changement à la tête de la direction scientifique de la CUA – le deuxième changement de cette ampleur en moins de deux ans – ne causera pas de dommages durables.

Décider de la conduite à tenir par rapport au fonds panafricain pour la science, la technologie et l'éducation serait un bon point de départ.

Linda Nordling est l'ancienne rédactrice de Research Africa.