22/12/08

Obama apporte une perspective internationaliste à la science américaine

John Holdren a longtemps prôné l'implication des scientifiques américains dans les questions internationales Crédit image: © Martha Stewart

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Barack Obama, le Président élu des Etats-Unis, signale l’ouverture d’une nouvelle ère pour la science dans la politique américaine, en nommant à des postes importants plusieurs personnalités connues pour l’intérêt qu’elles portent à la science et la technologie dans le monde en développement.

John P. Holdren, un physicien très actif depuis de nombreuses années sur un grand nombre de questions de la non-prolifération du nucléaire au changement climatique, vient d’être nommé à la tête de l’Agence de la Maison blanche pour les questions scientifiques et technologiques (Office of Science and Technology Policy, ou OSTP) et devient le conseiller scientifique du Président.

Jane Lubchenco, une écologiste de réputation mondiale et ancienne présidente du Conseil international pour la Science (ICSU), a été consultée en vue de diriger l’Administration nationale océanique et atmosphérique (NOAA), un organisme dont la mission consiste, entre autres, à jouer un rôle majeur dans les négociations internationales sur les questions de l’environnement ou du changement climatique.

Enfin, Harold Varmus, ancien directeur des Instituts nationaux pour la Santé (National Institutes of Health ou NIH), et président du conseil scientifique du programme  des Grands Défis en Santé mondiale (Grand Challenges of Global Health)de la Fondation Bill et Melinda Gates, a été nommé, tout comme Holdren et le spécialiste de la génomique, Eric Lander, co-président du Comité des conseillers en science et technologie auprès du Président.

Lors de l’annonce de ces nouvelles nominations samedi dernier (20 décembre), Obama a insisté sur le fait que ses décisions seront fondées sur "les faits et la science, et non l’idéologie", une prise de distance explicite par rapport à l’administration du Président George W. Bush, très critiquée pour avoir choisi la méthode contraire sur des sujets tels que la recherche sur les cellules souches ou le changement climatique.

Résoudre les problèmes du 21è siècle

Holdren est actuellement le titulaire de la chaire Teresa et John Heinz de politique environnementale à l’Ecole d’administration John F. Kennedy de l’Université de Harvard, et directeur du Programme de politique publique, scientifique et technologique du Centre Belfer pour la Science et les Questions internationales.

Holdren et Lubchenco sont deux anciens présidents de l’Association américaine pour l’Avancement de la Science (AAAS) et sont tous deux de grands partisans de l’idée que les scientifiques américains s’impliquent fortement dans les questions internationales, et notamment autour de l’impact de la science et de la technologie dans les pays en développement.

En réponse à sa nomination, Holdren a déclaré dans un communiqué ‘qu’aucun des différents grands défis étroitement imbriqués de notre temps, à savoir l’économie, l’énergie, l’environnement, la santé, la sécurité et la vulnérabilité des pauvres aux problèmes que posent tous ces domaines, ne peut être relevé sans l’éclairage et les progrès des sciences physiques, des sciences de la vie et de l’ingénierie".

Sa nomination a été accueillie favorablement par la majorité de la communauté scientifique, dont le sentiment a longtemps été que leurs opinions sur d’importantes questions mondiales étaient de plus en plus ignorées par Washington. Les militants dans le domaine du changement climatique se sont aussi réjouis, considérant cette décision comme le signe d’une révolution dans la position de l’administration dans les négociations internationales, notamment la nécessité de travailler de concert avec les pays en développement.

Ainsi, à l’Ecole Kennedy de l’Université de Harvard, Holdren et ses collègues ont mis sur pied d’importants programmes de coopération avec la Chine et l’Inde pour développer des technologies énergétiques plus propres et plus efficaces, afin de relever les défis connexes posés par le changement climatique, la dépendance à l’égard du pétrole et le développement durable.  

Holdren a par ailleurs été l’un des principaux auteurs ayant assuré la coordination du rapport 2007 du Groupe d’Experts scientifiques des Nations Unies sur le Changement climatique et le Développement durable.

Une expertise internationale unique

Pour Calestous Juma, son collègue du Centre Belfer et enseignant de la pratique du développement international à l’Ecole Kennedy, "Holdren apportera à l’administration une expertise unique : le recours à la science et à la technologie pour promouvoir la compréhension entre les peuples".

"Plus précisément, il a consacré une grande partie de sa vie à explorer la contribution que l’innovation technologique peut apporter à l’amélioration du bien-être des pays en développement. Son expertise sur ces questions est conforme à l’approche diplomatique que le Président Obama promet d’apporter aux questions internationales."

Jane Lubchenco

Jane Lubchenko s’est vue proposé le poste de Directrice de l’Administration nationale océanique et atmosphérique

Flickr/Daniel Heath

La nomination de Lubchenco a été également été accueillie favorablement. Grâce à son poste au sein de l’ICSU et à d’autres rôles joués au niveau international, elle a amélioré la contribution de la science à divers programmes du système des Nations Unies.

Ainsi, s’adressant à la Commission des Nations Unies sur le Développement durable à New York en 2004, elle s’est félicitée des appels lancés par les délégations pour renforcer le rôle de la science et de la technologie afin d’atteindre les Objectifs du Millénaire pour le Développement.

"L’information scientifique et technologique et les connaissances scientifiques sont vitales pour l’atteinte de ces Objectifs," a-t-elle déclaré. " Ayant compris ce rôle ainsi que l’urgence de ces problèmes, la communauté scientifique et technologique s’est activement attaquée au grand défi de la fourniture et du partage des connaissances nécessaires pour l’atteinte des objectifs fixés."

Elle a appelé les gouvernements à accroître leurs efforts pour impliquer leurs communautés scientifiques respectives dans des programmes internationaux coordonnés de recherche, notamment ceux relatifs à l’eau, l’assainissement, aux habitats humains et à d’autres questions liées aux OMD.

Un militant vétéran pour la santé mondiale

Harold Varmus, lauréat du Prix Nobel de médecine en 1989 pour son travail sur les origines génétiques du cancer, est l’actuel président et directeur exécutif du Cancer Centremémorial Sloan-Kettering pour le Cancer à New York.

Anciennement membre de la Commission Macroéconomie et Santé de l’OMS, il bat depuis longtemps campagne pour convaincre la communauté biomédicale américaine de prêter plus d’attention aux besoins sanitaires des pays en développement, en prônant par exemple le renforcement des efforts de la communauté internationale en matière de lutte contre le VIH/sida.

Ainsi, dans un récent discours au Centre international Fogarty du NIH, Varmus a appelé le Congrès américain à doubler le montant consacré par les Etats-Unis à la santé mondiale et proposé que cet effort devienne un "pilier de la politique étrangère des Etats-Unis".

Varmus est par ailleurs très connu comme un ardent défenseur de l’idée de l’accès libre aux revues scientifiques. Il est à ce titre l’un des co-fondateurs et le président du conseil d’administration de Public Library of Science qui propose actuellement en ligne sept revues scientifiques d’accès libre.