13/11/19

Un lien entre le gène du paludisme et la drépanocytose

DNA fingerprinting
Des scientifiques préparent des échantillons de bactéries entériques en vue du « prélèvement d'empreintes génétiques », en utilisant l'électrophorèse sur gel en champ pulsé. Crédit image: CDC/ Daniel Drapeau

Lecture rapide

  • Des chercheurs ont utilisé les données génomiques de milliers de personnes dans 5 pays africains
  • Ils ont identifié une variante génétique liée à des problèmes tels que la drépanocytose
  • Un expert appelle à renforcer les études en génomique, afin de faciliter la découverte de médicaments

Envoyer à un ami

Les coordonnées que vous indiquez sur cette page ne seront pas utilisées pour vous envoyer des emails non- sollicités et ne seront pas vendues à un tiers. Voir politique de confidentialité.

La plus grande étude jamais réalisée sur le génome chez les Africains a montré un lien entre des gènes conférant une résistance au paludisme grave et des maladies du sang telles que la drépanocytose, ouvrant ainsi la voie à la possibilité de la mise au point de nouveaux traitements.
 
"Les exemples incluent des variantes génétiques qui causent des maladies telles que la thalassémie et la drépanocytose, qui sont plus courantes chez les populations africaines vivant dans des régions où le paludisme est endémique", a déclaré à SciDev.Net Segun Fatumo, professeur assistant à la London School of Hygiene and Tropical diseases et co-auteur de l'étude.
 
Dans ces régions, les variantes génétiques qui causent habituellement des dommages en raison d'une maladie sont sélectionnées parce qu'elles protègent également contre des maladies telles que le paludisme grave, explique-t-il. 

“L'étude de populations diverses exposées à différents antécédents et environnements peut offrir des opportunités uniques pour étudier les associations génétiques avec la maladie.”

Segun Fatumo, London School of Hygiene and Tropical medicine

Alors que la constitution génétique d'individus appartenant à des populations occidentales a été bien étudiée, les études axées sur les Africains ont été très limitées.
 
L'étude a identifié une association entre une variante génétique qui réduit la production d'une forme de pigment rouge du sang appelée alpha-thalassémie chez les Africains et l'hémoglobine glyquée – une forme de pigment rouge du sang liée chimiquement au taux de sucre.
 
Étant donné que l’hémoglobine glyquée est couramment utilisée pour diagnostiquer le diabète, explique Segun Fatumo, on peut également craindre que l’hémoglobine glyquée ne soit pas un bon test de dépistage du diabète chez ces populations.
 
L'étude a combiné le séquençage du génome de 6.400 personnes en Ouganda et l'analyse des données génomiques de 14.000 personnes supplémentaires en provenance du Ghana, du Kenya, du Nigeria, d'Afrique du Sud et d'Ouganda.
 
Les chercheurs ont identifié de nouveaux gènes associés à des maladies cardiovasculaires ou cardiaques, selon l'étude, publiée dans la revue Cell le mois dernier (31 octobre).
 
La découverte de nouvelles associations pourrait conduire à l'identification de nouvelles cibles de médicaments, ajoute Segun Fatumo, également chercheur principal au Centre de recherche médicale en Ouganda.
 
L’étude, qui a duré onze ans à compter de 2008, s’appuyait sur le programme de recherche de longue date du Centre de recherche médicale de l’Ouganda pour établir une source de données génomiques permettant de comprendre les déterminants généraux de la santé de la population et des maladies dans la région.
 
Segun explique à SciDev.Net que cette étude est importante dans le contexte mondial, car l’analyse des origines africaines garantirait l’équité des avantages des études génétiques.
 
Richard O. Odour, biologiste moléculaire avec une expérience dans la découverte de médicaments et maître de conférences au département de biochimie, microbiologie et biotechnologie de l’Université Kenyatta du Kenya, indique pour sa part que l’étude apporte de nouvelles informations sur la manière dont le continent africain devrait faire face à la charge croissante de maladies.
 
« Un médicament fonctionne grâce à un mécanisme d’action qui cible un ou plusieurs points d’intervention, couramment appelés cibles médicamenteuses », explique Richard Oduor.
 
« Souvent, ces cibles médicamenteuses sont influencées par les activités génomiques de la cellule et devraient en grande partie être similaires dans toutes les populations. »
 
Il ajoute qu'avec ces nouvelles découvertes sur les variations génétiques, on ne peut plus présumer que les cibles de médicaments et les indicateurs de maladie validés pour le diagnostic dans une population seraient applicables dans une autre.
 
Cette découverte devrait rapidement avoir un impact sur les gouvernements africains, car la plupart des médicaments actuellement commercialisés en Afrique ont été développés à l’Ouest, et avec une connaissance limitée des variations génétiques au sein des populations africaines.
 
De tels médicaments peuvent devenir moins efficaces ou ne plus répondre aux conditions de la maladie, malgré les énormes ressources impliquées dans leur achat.
 
« Les pays africains ne peuvent plus s'attendre à ce que l'Occident [développe] des médicaments uniques pour la population africaine », explique Richard Odour.
 
« Les gouvernements africains doivent maintenant consacrer des ressources à la découverte de médicaments. »
 

Références