05/12/19

La faible contribution de l’Afrique ralentit la lutte contre le palu

Bednet 2
Un enfant dormant sous une moustiquaire Crédit image: Flickr / NothingButNets

Lecture rapide

  • Seulement 2,7 milliards de dollars sur un objectif de 5 milliards ont été investis dans le monde en 2018
  • La plupart des ressources dépensées dans les pays les plus touchés d’Afrique sont d’origine extérieure
  • Le paludisme a provoqué la mort de 405 000 personnes en 2018, dont 94% en Afrique, contre 416 000 en 2017

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Publié ce 4 décembre, le rapport 2019 de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) sur le paludisme met en évidence les difficultés qu’il y a encore à financer la lutte contre cette maladie.
 
En effet, le document qui rassemble les données pour l’année 2018 indique que cette année-là, ce sont au total 2,7 milliards de dollars (1 598 milliards de FCFA) qui ont été injectés dans la lutte contre cette pathologie.
 
Un montant qui représente à peine plus de la moitié de l’objectif de 5 milliards de dollars (presque 2959 milliards de FCFA) qui avaient été fixés. 

“On peut développer le financement local avec l’apport du secteur privé ou une taxe sur les billets d’avion et sur les droits d’atterrissage”

Farba Faye, Medecines for Malaria Venture

Interrogé par SciDev.Net, Abdisalan Noor, chef de l’équipe de surveillance au Programme mondial de lutte anti paludique[1] de l’OMS, ces financements insuffisants s’expliquent par la faible contribution des pays d’Afrique subsaharienne qui sont pourtant les plus touchés par la maladie.
 
« Il est à noter que la plupart de ces fonds, en particulier dans les pays les plus touchés d'Afrique subsaharienne, proviennent de sources externes. Et il est important que les pays d'endémie palustre augmentent le niveau de financement de la lutte contre cette maladie », dit-il.
 
Pour lui, la communauté mondiale a fait un travail impressionnant en réussissant à maintenir un financement constant pour le paludisme malgré de nombreuses autres priorités concurrentes.
 
Cette insuffisance de financements inquiète le chercheur sénégalais Farba Faye pour qui « il faut une durabilité des financements sans laquelle tous les bons résultats obtenus jusqu’ici peuvent être annulés ».
 
L’intéressé qui est en service à Medecines for Malaria Venture (une organisation basée en Suisse et travaillant dans la recherche et l’élaboration de médicaments antipaludiques), propose d’ailleurs aux Etats africain des pistes pour accroître leur participation dans le financement de la lutte contre cette maladie.
 
« On peut développer le financement local avec l’apport du secteur privé ou une taxe sur les billets d’avion et sur les droits d’atterrissage », dit-il.
 

50% d’Africains dorment sous moustiquaire

En dépit du problème persistant du financement dans la riposte contre le paludisme, le rapport de l’OMS souligne quelques progrès enregistrés, en particulier en Afrique subsaharienne.
 
Ainsi, selon ledit rapport, 61% des femmes enceintes et des enfants de moins de cinq ans dormaient sous une moustiquaire imprégnées d’insecticide en 2018 dans la région. Un chiffre en forte augmentation par rapport aux 36% de 2010.
 
Une augmentation qui s’observe aussi dans la population générale où 50% de personnes dormaient sous un moustiquaire imprégnée en 2018 contre 29% en 2010.
 
Des résultats qui représentent « un progrès impressionnant » du point de vue d’Abdisalan Noor qui met cependant en garde : « un nombre important de femmes ne sont toujours pas protégées et le niveau de protection a ralenti au cours des trois dernières années », dit-il.
 
Et Farba Faye de renchérir : « les femmes et enfants constituent le groupe qui présente le plus grand risque des conséquences du paludisme. Une écrasante majorité des décès dus au paludisme survient chez les enfants de moins de 5 ans. C’est pourquoi cibler les enfants et les femmes est une priorité pour réduire la morbidité et la mortalité ».
 

5 pays sur le point d’éradiquer le palu

Abdisalan Noor précise que le paludisme chez une femme enceinte a des implications telles que l'anémie maternelle pouvant entraîner une hémorragie obstructive et la mort.
 
Il ajoute que le parasite du paludisme peut également se concentrer dans le placenta, privant le fœtus d'une nutrition indispensable et conduisant à un nouveau-né présentant un faible poids de naissance et un risque accru de décès.
 
Le rapport confirme justement qu’en 2018, les enfants de moins de 5 ans représentaient 67% (272 000) de tous les décès dus au paludisme dans le monde.
 
Un nombre total de décès qui a culminé à 405 000, dont 94% (380 700 ) dans la seule région africaine de l’OMS. Assez loin des résultats obtenus en 2017 (416 000 décès) et 2010 (585 000).
 
85% de ces décès se comptent dans 20 pays du continent avec le Nigeria (24%), la République Démocratique du Congo (11%) et la Tanzanie (5%) sur le podium.
 
Mais, bien que l’Afrique ait enregistré le plus grand nombre de décès dus au paludisme en 2018, elle revendiquait 85% des 180 000 décès de paludisme en moins dans le monde signalés en 2018 par rapport à 2010, apprend-on du rapport.
 
En outre, le continent compte 5 pays parmi les 21 identifiés par l’OMS comme pouvant éradiquer le paludisme d’ici 2020. A savoir l’Afrique du Sud, l’Algérie, le Botswana, le Cap-Vert et les Comores.
 

Lutte intégrée

Pour renforcer la lutte contre le paludisme, Farba Faye préconise une lutte intégrée associant « le diagnostic rapide, le traitement avec des combinaisons a base d’artémisinine et l’usage des moustiquaires imprégnées à longue durée d’action dont on devrait prolonger la disponibilité de 3 à 5 ans ».
 
A cela, le chercheur ajoute le recours aux agents de santé communautaires qui doivent avoir à leur disponibilité des tests et traitements pour les villages reculés.
 
Quant à Abdisalan Noor, il martèle que l’usage de la moustiquaire imprégnée doit demeurer au cœur de la riposte.
 
« La plupart des moustiques, en particulier dans les pays les plus touchés, piquent pendant la nuit et l'utilisation des moustiquaires et la pulvérisation d'insecticide sont destinées à protéger les gens aux moments où ils risquent le plus d'être piqués », explique l’intéressé.
 
Pour le reste, il est juste question de mesure d’hygiène et d’un contrôle de l’environnement.

Références

[1] Global Malaria Program (GMP)