13/09/13

Burkina: Un savon anti-moustiques dans le Top 30 des innovations de l’année

Faso soap small
Crédit image: Mathieu Bonkoungou/SciDev.Net

Lecture rapide

  • Faso Soap est un savon avec un principe répulsif pour les moustiques, mis au point par deux étudiants de l’université de de l’Institut international d’ingénierie de l’eau et de l’environnement (2iE) de Ouagadougou
  • Il a déjà remporté un prix décerné par l’université de Berkeley, en Californie et a été retenu parmi les 30 meilleures innovations du GIST
  • Mais Faso Soap doit encore passer par l’étape cruciale de la validation scientifique, avant une distribution grand public

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Lauréats du premier prix du jury et du prix du public à la Global Social Venture Competition, à l’université de Berkeley en Californie, en avril dernier, le Burkinabé Moctar Dembélé et le Burundais Gérard Niyondiko, étudiants en Master au 2iE, les inventeurs de ce savon, poursuivent leur quête de reconnaissance internationale, pendant qu’ils continuent les tests pour la validation scientifique de leur produit.
 
Figurer dans le top 30 des meilleures innovations du GIST, c’est se donner l’opportunité de présenter son projet, de le défendre devant un jury international, et de gagner 70.000 dollars – environ 35 millions de Francs CFA) si l’on remporte la compétition.
 
« Le gouvernement américain a créé une compétition annuelle pour les technologies, sciences et innovations pour les jeunes entrepreneurs qui ont créé un produit. Il y aura une compétition pour le meilleur produit et le vainqueur va gagner de l’argent pour poursuivre le processus et développer le produit et le mettre sur le marché », explique Meg Riggs, chargé d’affaires à l’ambassade des Etats-Unis au Burkina.
 
Et de l’argent, les codécouvreurs du Faso Soap en ont bien besoin, parce que le chemin est encore long jusqu'à l’exposition des premières savonnettes dans les rayons des boutiques des quartiers de Ouagadougou ou de Bujumbura.
 
« Nous avons déjà fait des prototypes de ce savon. Nous avons par la suite sélectionné un échantillon d’étudiants ici à l’école et nous leur avons donné le savon pour qu’ils puissent le tester et nous faire part de leurs réactions. Nous avons déjà des résultats satisfaisants, mais dans les prochaines étapes nous allons procéder à des tests grandeur nature et à des essais dans des laboratoires beaucoup plus appropriés pour la validation scientifique », affirme Gérard Niyondiko.
 
L’Objectif des deux étudiants est de mettre à la disposition des populations un savon efficace et qui soit accessible à la grande majorité.
 
« Nous savons que le paludisme est la première cause de mortalité au Burkina et en Afrique et qu’il touche un grand nombre de personnes. C’est pourquoi nous nous sommes intéressés au savon, qui est un produit de grande consommation, contrairement à d’autres solutions de prévention qui sont proposées telles que les moustiquaires imprégnées distribuées gratuitement parce que les populations n’ont pas les moyens d’y accéder. Il y a aussi d’autres solutions comme les crèmes et les sprays anti-moustiques qui sont aussi inaccessibles en raison de leur coût, ou les spirales qui sont toxiques et très néfastes à la santé. C’est donc pourquoi nous nous sommes intéressés au savon et nous comptons le vendre au même prix que les savons locaux, c’est-à-dire autour de 300 ou 400 francs CFA », explique Moctar Dembélé.
 

“En 2012, nos centres de santé ont enregistré près de 7 millions de cas de paludisme avec malheureusement près de 7 900 décès. Et plus de 50% des cas concernaient des enfants de moins de 5 ans.”

Patrice Ali Combary, coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme, Burkina Faso

Fabriqué avec des produits locaux, ce savon composé de citronnelle, de souci officinal, de karité et d’autres ingrédients que les inventeurs ont gardé secrets, à la capacité de repousser les moustiques.
 
Grâce à l'un de ses ingrédients, il tue aussi les larves, empêchant la prolifération des moustiques dans les eaux stagnantes.
 
 « Pour le moment nous avons mis au point un savon de toilette, mais parallèlement nous travaillons également sur un savon de lessive qui permettra de laver les maisons, les bureaux et les habits pour renforcer la protection », indique Dembélé.

 

Le paludisme, première cause de mortalité au Burkina

 
Il faut reconnaitre qu’aucun effort de protection n’est superflu quand on considère les ravages du paludisme au Burkina.
 
Selon Sodiomon Bienvenu Sirima, directeur du Centre national de recherche et de formation sur le paludisme, « au Burkina Faso, le paludisme reste en dépit de tous les efforts qui ont été consentis par le gouvernement et les différents partenaires, la première cause de consultation dans les formations sanitaires (45,9%) ; c’est aussi la première cause d’occupation des lits dans les hôpitaux (52,3%) et c’est l’une des grandes causes d’absentéisme, que ce soit dans les écoles ou sur les lieux de travail.

Ça c’est pour ce qui est de la morbidité mais pour ce qui est de la mortalité, c’est l’une des premières causes de décès (36,5%) ».
 
« En 2012, nos centres de santé ont enregistré près de 7 millions de cas de paludisme avec malheureusement près de 7 900 décès. Et plus de 50% des cas concernaient des enfants de moins de 5 ans », renchérit le Patrice Ali Combary, coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme.
 
Faso Soap devrait donc, si le processus parvenait à son terme, jouer sa partition dans les efforts conjugués pour renforcer la prévention et venir à bout de ce fléau.
 
En attendant, les autorités burkinabé misent depuis quelques années sur la distribution gratuite aux populations, de moustiquaires imprégnées â longue durée d’action.

Selon le coordonnateur du Programme national de lutte contre le paludisme, « l’objectif de l’opération est d’attribuer une moustiquaire pour deux personnes et d’amener au moins 80% de la population à utiliser ces moustiquaires ».
 
L’opération va coûter 21 milliards de FCFA et va permettre la distribution de 9,6 millions de moustiquaires.

 

Une idée géniale, mais….

 
Pour le patron du centre de référence de la recherche sur le paludisme au Burkina, Sodiomon Bienvenu Sirima, cette découverte peut être d’un apport certain dans la lutte contre le paludisme, même s’il attend de connaitre davantage le produit.

Il prévient cependant que le processus est long, de la mise au point à l’utilisation par le grand public.
 
« J’ai effectivement entendu parler de la découverte de ce savon à travers la presse. Mais je dois avouer que ce n’est pas à travers un article scientifique. Je connais un peu le principe parce que ces étudiants ont pris contact avec nous. Il s’agit d’un certain nombre de substances qui repoussent les moustiques, comme dans ces crèmes que l’on utilise pour se protéger. Et l’avantage du savon par rapport à ces crèmes, c’est que le savon est d’une utilisation plus large et personne ne se lave sans savon. Pour se laver, on s’enduit tout le corps de savon et s’il s’agit d’un savon anti-moustiques, ça signifie que vous vous êtes enduit le corps d’un produit qui pourra chasser par la même occasion les moustiques. L’idée est géniale par le fait même que le produit est combiné avec du savon. Mais ce n’est pas simple. C’est un peu le même principe que pour les médicaments et les vaccins. Il faut maintenant qu’ils entrent dans un processus de tests à différentes étapes et sur différents échantillonnages, pour répondre à toutes les questions sur l’efficacité du produit et pour vérifier si l’utilisation de ce savon ne présente pas d’effets secondaires. C’est un long processus », affirme le directeur du Centre national de recherche et de formation sur le paludisme.
 
Adama Traoré, dermatologue, ancien ministre de la santé du Burkina Faso et président de la Société burkinabé de dermatologie, d’esthétique et de cosmétologie, observe la même prudence.
 
« Ce savon peut effectivement avoir un effet répulsif contre les moustiques, mais il faut encore qu’ils fassent les tests nécessaires pour vérifier s’il n’y a pas d’effets secondaires sur le plan dermatologique et même toxicologique.
 
On peut très bien éviter les moustiques et se retrouver avec des irritations ou des eczémas.

Les médicaments et tout ce qui accompagne souvent dans le domaine de la santé, sont un couteau à double tranchant. Il y a des avantages, c’est certain, mais il faut travailler à réduire les inconvénients au minimum.

Je les encourage donc à continuer à travailler ».
 
Visiblement, il y a loin de la coupe aux lèvres et les deux jeunes inventeurs devront s’armer de courage.

Mais ils auront également besoin de l’accompagnement scientifique et financier de partenaires aux plans national et international, pour conduire leur projet à bon port.