14/09/12

Mise en pratique des principes des droits de l’homme

L’accès aux énergies renouvelables est encouragé comme faisant partie intégrante des droits de l’homme Crédit image: Flickr/Barefoot Solar Engineers

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Pour l’avocate Jessica Wyndham, le fait d’adopter une approche sous l’’angle des droits de l’homme’ peut améliorer les programmes de S&T, alors que la S&T peut aider à renforcer la promotion des droits de l’homme.

Les droits de l’homme sont des normes juridiques, adoptées de leur plein gré par la plupart des pays dans le monde. Certains les considèrent comme étant trop confus pour être mis en pratique, ou simplement comme des aspirations plutôt que des éléments réalistes, mais ces droits offrent en fait un cadre précieux pour guider l’action des gouvernements, déterminer les besoins, influencer la définition des priorités, éclairer l’élaboration des politiques et identifier les mesures grâce auxquelles les progrès peuvent être évalués.

Le cadre normatif qui définit les droits de l’homme a son mot à dire sur la discipline des sciences et technologies (S&T) au service du développement. Il intervient sur des questions telles que la santé et sa garantie pour tous, l’accès à un logement décent, l’alimentation, l’eau et l’hygiène et les progrès scientifiques – qui tous, à leur tour, sont inextricablement liés aux droits tels que l’éducation et la liberté d’information et d’expression.

Les nouveaux droits émergents, tels que les droits à une énergie propre et à la liberté d’Internet, montrent comment le concept de droits de l’homme peut s’adapter à des développements technologiques et à leur sensibilisation croissante.

La mise en pratique des normes des droits de l’homme relève de la responsabilité de tous les organes d’un gouvernement. Dans le même temps, l’industrie, les universités, les organisations non gouvernementales et les particuliers ont des rôles importants à jouer. Les avantages pour le développement sont tangibles.

La conception des programmes

Les droits de l’homme offrent un cadre précieux autour duquel on peut concevoir, mettre en œuvre, contrôler et évaluer des programmes de développement.

Le Solar Electric Light Fund (SELF), un groupe technologique à but non lucratif qui aide les gens à accéder à l’électricité solaire, est un exemple d’organisation qui reconnaît explicitement "l’énergie comme un droit de l’homme".

Les projets de SELF sont développés en fonction des besoins des communautés auprès desquelles il intervient, en mettant l’accent sur la participation et la propriété.

Au Bénin, SELF a été sollicite par un professeur désireux de fournir de l’électricité à des villages hors réseau. Avec la communauté, SELF a mis en place une installation de goutte-à-goutte  alimentée par l’énergie solaire qui permet de pomper l’eau pour les cultures et assurer la sécurité alimentaire, qui est la préoccupation principale de cette communauté.

Pendant plus de quatre ans, le système a permis aux agriculteurs de cultiver des fruits et légumes pendant la saison sèche de six mois, améliorant ainsi la sécurité alimentaire et l’apport nutritionnel pour eux-mêmes et leurs familles, et fournissant un excédent de produits alimentaires destiné à la vente.

Appui aux politiques

Les droits de l’homme sont souvent inscrits dans les législations et les constitutions nationales, fournissant une base pour une action en justice.

Par exemple, en 2000, le gouvernement sud-africain n’a accepté de distribuer qu’en quantité limitée un traitement antirétroviral qui pouvait réduire la transmission du VIH/SIDA de la mère à l’enfant. En 2002, la Cour constitutionnelle a déclaré que ce programme était une violation du droit aux soins de santé et a exigé que le gouvernement rende le traitement disponible de façon plus large et étende le dépistage et l’aide psychosociale aux futures mères dans tout le secteur de la santé publique.

Un aspect essentiel dans cette affaire fut l’implication des scientifiques dans l’élaboration des plans de distribution réalistes et la démonstration du ‘bien-fondé’ des propositions de rechange. La décision de la Cour aurait, selon les évaluations, sauvé des dizaines de milliers de vies.

Une approche fondée sur les droits de l’homme peut aider la politique de bien d’autres manières. Elle peut être utilisée pour analyser les budgets comme outil d’évaluation et de comparaison des engagements des gouvernements par rapport à différentes politiques; de détermination du coût des propositions de politiques ; d’analyse de l’impact des choix budgétaires concernant les populations vulnérables, et d’évaluation de la suffisance du financement fourni pour remplir les engagements relatifs aux droits de l’homme.

Au Mexique, par exemple, le gouvernement s’était engagé depuis longtemps à réduire la mortalité maternelle. Toutefois, ce n’est que lorsqu’une coalition d’organisations de santé a utilisé une approche strictement fondée sur les droits de l’homme pour procéder à une analyse du budget qu’il est clairement apparu qu’aucun fonds n’avait été alloué à cette fin.

Sur la base de cette analyse et d’une évaluation économique de la viabilité des politiques de rechange, la coalition a travaillé avec les décideurs pour augmenter le budget national destiné aux programmes de santé maternelle.

Renforcement mutuel

Bien que l’adoption d’une approche fondée sur les droits de l’homme renforce l’efficacité des programmes de S&T, l’inverse est également vrai — les méthodes scientifiques et la technologie renforcent la défense des droits de l’homme.
La surveillance des violations des droits de l’homme est un exemple de la façon dont les méthodes scientifiques peuvent être précieuses.

L’organisation non gouvernementale Global Rights, par exemple, travaille avec des communautés locales, des scientifiques et d’autres bénévoles pour les aider à surveiller les impacts de l’extraction des ressources naturelles. En apprenant à mener des recherches, comme les prélèvements d’échantillons d’eau et de sol, les communautés locales peuvent démontrer avec des documents à l’appui la façon dont elles sont affectées par l’extraction des ressources naturelles.

D’autres organisations utilisent l’imagerie satellitaire pour obtenir des preuves sur les violations des droits de l’homme. Par exemple, en 2011, Amnesty International et l’Association américaine pour l’avancement des sciences ont coopéré sur un projet dont l’objectif était d’obtenir des preuves sur le brûlage à la torche qui se pratiquait dans le Delta du Niger, malgré la position officielle du gouvernement qui se déclarait contre cette pratique. [1]

La science est également utile pour développer les méthodes statistiques permettant de mesurer les progrès accomplis dans le domaine des droits de l’homme.

Ces exemples témoignent du renforcement mutuel dans la coopération entre la S&T et les droits de l’homme. Ce qui sert de base pour cette relation, c’est le droit de bénéficier des avantages des progrès scientifiques.

La traduction de cet aspect et d’autres droits de l’homme dans la pratique est une tâche permanente qui ne pourra être réalisée sans le recours à des méthodes scientifiques rigoureuses et des applications novatrices de la technologie. Elle ne pourra l’être par ailleurs sans l’engagement des décideurs et des communautés scientifique et technique.

Jessica Wyndham est directrice associée du Programme Responsabilité scientifique, Droits de l’homme et Programmes juridiques à l’Association américaine pour l’avancement des sciences (AAAS). Elle peut être contactée à [email protected].

Le présent article fait partie d’un Dossier sur La Science et les droits de l’homme.