23/07/19

Q&R : Pour Oly Ilunga, la RDC reste le leader de la gestion d’Ebola

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L'ancien ministre congolais de la Santé, Oly Ilunga - Crédit image: SDN/Patrick Abega.

Lecture rapide

  • Le vaccin conçu par J&J est inapproprié pour stopper la flambée de l’épidémie
  • La ville de Goma n'est pas atteinte par l'épidémie d'Ebola
  • Le gouvernement congolais garde la main haute sur la gestion de l'épidémie, avec ses partenaires

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[KINSHASA] L'ancien ministre congolais de la santé, Oly Ilunga Kibanda, a accordé une interview à SciDev.Net, jeudi 18 juillet, soit quatre jours avant d'annoncer sa démission. Il s'exprimait déjà sur des points clés de la riposte à l'épidémie d'Ebola, dont certains semblent avoir motivé sa décision de quitter l'équipe gouvernementale. Ces points concernent, entre autres, les activités de certains groupes de pression qui, de l'avis du ministre, cherchent à profiter de la crise pour lever des fonds et de la question de l'introduction d'un deuxième vaccin pour lutter contre Ebola.
 

Monsieur le ministre, l’OMS vient d’élever l’épidémie d’Ébola en RDC au rang d’urgence sanitaire de portée internationale. Qu’est-ce qui va maintenant changer concrètement sur le terrain ?

 
Nous acceptons les déclarations et les conclusions du comité d’experts. Nous espérons que ce n'est pas le résultat de pression exercées par certains groupes qui voient le PHEIC comme un moyen de lever des fonds. Nous espérons que ce n'est pas ça qui les motive. Pour nous, sur le terrain, cela ne va rien changer. Depuis le début de l'épidémie au mois d'août dernier, nous considérons que c'est une urgence de santé publique et nous nous sommes comportés comme tels. Depuis un an, nous avons fait énormément d'efforts pour contenir cette épidémie et prévenir sa propagation dans les pays voisins et dans les grandes villes.
 

A l’heure actuelle, quels sont les besoins les plus pressants du gouvernement, pour faire face à la crise ?

 
Tous les trois mois, nous élaborons ce qu'on appelle un plan stratégique de la riposte. Ce plan stratégique de la riposte, c'est sous le leadership du gouvernement, mais il implique tous les acteurs. Aujourd'hui nous n'avons plus de besoins. Tous les acteurs internationaux sont présents. Tous les chercheurs internationaux sont là. Donc ce n’est pas une question de besoins spécifiques du gouvernement. Nous avons un plan de riposte stratégique. Jusqu'à présent, le financement n'a jamais été un problème.
 

Plusieurs organisations soulignent la nécessité d'introduire un deuxième vaccin, mis au point par Johnson & Johnson, afin de protéger les communautés situées en dehors de la zone touchée par la flambée et qui risquent d'être touchées par la suite. Quel est votre avis sur la question ?

 
Nous avons organisé à Kinshasa en juin, une grande conférence internationale sur les vaccins et l’une des conclusions de cette conférence est que le vaccin J&J est tout à fait inapproprié pour stopper la flambée de l’épidémie. Ce vaccin n'est pas approprié pour cette riposte.

“Il n'y a pas de flambée à Goma. Il y a une personne intellectuellement malveillante qui se savait malade, qui a quitté Butembo et qui était en route pour Bukavu et qui a été interceptée à Goma.”

Oly Ilunga, ancien ministre congolais de la Santé

J’avais fait une déclaration il y a quelques semaines pour dire que ce vaccin ne sera pas introduit dans le cadre de cette riposte s’il n'est pas approprié. Les promoteurs de cette étude ont eu un comportement qui n’était pas éthique. Ils ont voulu introduire ce vaccin en République démocratique du Congo, sans tenir compte des autorités sanitaires, ni du gouvernement. Par ailleurs, ils ont essayé également de l’introduire sans tenir compte de l'effet que cela aurait sur la population.
 

Aujourd’hui, on sait que Goma a été atteinte. N’y a-t-il pas lieu de craindre un durcissement de l’épidémie ? Et comment expliquez-vous les cas d’Ébola détectés ces derniers jours, notamment à Goma ?

 
Goma n'a pas été atteinte. Il n'y a pas de flambée. Il y a une personne intellectuellement malveillante qui se savait malade, qui a quitté Butembo et qui était en route pour Bukavu et qui a été interceptée à Goma. En 72 heures, nous avons pu identifier toutes les personnes qui avaient été en contact avec elle, tous les contacts des contacts. Toutes ces personnes ont été vaccinées et nous allons les suivre pendant 21 jours. Pour nous, à ce stade-ci, on ne peut pas parler de flambée dans Goma. Il y a eu un cas importé dans Goma.  
 
Nous sommes en vigilance. Le risque de Goma est connu depuis un an. Nous nous préparons depuis un an parce que nous savons que c’est un risque important et qu'il faut continuer à protéger la ville de Goma.

Avec la dernière décision de l’OMS d’élever l’épidémie d’Ébola en RDC au rang d’urgence sanitaire de portée internationale, le gouvernement congolais ne craint-il pas de perdre de l’influence dans la gestion de la riposte ?

 
La RDC exerce le leadership de la riposte depuis le début, avec l’OMS. L’OMS est co-responsable dans la riposte et il est hors de question de céder le leadership de la riposte à qui que ce soit, en dehors du gouvernement. C’est le gouvernement de la République démocratique du Congo, à travers le ministère de la santé, qui est en charge de toutes les ripostes épidémiologiques sur son territoire.